Apatride





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Un apatride est, selon la convention de New York du 28 septembre 1954[1], « toute personne qu'aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation ». Plus simplement, un apatride est une personne dépourvue de nationalité, qui ne bénéficie de la protection d'aucun État.


Il y aurait plus de 12 millions d'apatrides, selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR)[2].


Le mot « apatride » est composé du préfixe privatif a- et du grec patris, (« terre des ancêtres »).
Le terme allemand heimatlos, dont il est le synonyme, s'utilise, en français, pour désigner les Allemands ayant fui l'Allemagne nazie durant la Seconde Guerre mondiale[3].




Sommaire






  • 1 Causes d'apatridie


  • 2 Conséquences


    • 2.1 Actuelles


    • 2.2 Passées




  • 3 Quelques situations


    • 3.1 Birmanie


    • 3.2 Côte d'Ivoire


    • 3.3 France


    • 3.4 Royaume-Uni


    • 3.5 Syrie


    • 3.6 Ex-URSS


    • 3.7 Ex-Yougoslavie




  • 4 Quelques apatrides célèbres (temporaire ou définitif)


  • 5 Notes et références


    • 5.1 Bibliographie


    • 5.2 Filmographie


    • 5.3 Articles connexes







Causes d'apatridie |


L'apatridie peut résulter :



  • d'une combinaison de lois entre plusieurs pays ne permettant d'obtenir aucune nationalité à la naissance. Par exemple l'enfant de ressortissants de deux États différents qui ne transmettent leur nationalité qu'aux enfants dont les deux parents sont nationaux, ou l'enfant de ressortissants de pays ne connaissant pas le droit du sang qui naissent dans un pays ne connaissant pas le droit du sol ;

  • d'une déchéance de nationalité : un État retire sa nationalité à un de ses nationaux sans qu'il puisse bénéficier d'une autre ;

  • de défaillances administratives : une personne peut se retrouver sans nationalité simplement parce que sa naissance n'a pas été enregistrée.


Des textes internationaux tentent de supprimer les cas d'apatridie. La déclaration universelle des droits de l'homme dispose dans son article 15 que « tout individu a droit à une nationalité »[4]. La convention de New York du 30 août 1961, entrée en vigueur le 13 décembre 1975, interdit aux États signataires de créer des apatrides. La convention européenne sur la nationalité de 1997 prévoit dans son article 4 que « chaque individu a droit à une nationalité » et que « l'apatridie doit être évitée ».



Conséquences |



Actuelles |


Les apatrides ne bénéficient pas de la protection d'un État[2]. Dans certains pays, ils ne peuvent obtenir de logement ou de compte en banque à leur nom, n'ont pas la possibilité d'accéder aux soins médicaux, d'envoyer leurs enfants à l'école, parfois de travailler. L'accès à l'état civil leur est parfois impossible, ils ne peuvent donc alors se marier, ou enregistrer leur naissance[réf. nécessaire].


Les enfants d'apatrides sont souvent apatrides, soit car ils n'obtiennent pas de nationalité par leur seule naissance, soit car leur naissance ne peut être enregistrée[2]. Dans certains pays (une trentaine d'après le HCR), les enfants dont la mère est nationale et le père étranger n'obtiennent pas la nationalité de leur mère. Sans accès à l'école et avec des accès limités aux autres services essentiels, il leur est extrêmement difficile de sortir de la pauvreté et de l'exclusion.



Passées |




Passeport Nansen.


Le passeport Nansen a été créé en 1922 pour permettre à des apatrides de bénéficier d'une identité et de pouvoir voyager. Il a bénéficié d'abord principalement à d'anciens Russes déchus de leur nationalité en 1922, puis à des réfugiés venus de l'ancien empire ottoman, arméniens et assyriens.


Début 1943, les Allemands juifs réfugiés au Danemark échappèrent aux nazis car « ces Juifs s'étaient vu retirer leur nationalité allemande et étaient donc des apatrides bénéficiant de la protection de l'État danois »[5].


Durant la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement de Vichy a déchu de leur nationalité plusieurs opposants, dont Charles de Gaulle, ces mesures ayant été annulées ensuite[6].


Selon le chercheur de l'Université de Lille Jules Lepoutre, « depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la nationalité est devenue un droit de l’homme. Hannah Arendt et la Cour suprême des États-Unis l’ont montré : il s’agit du premier des droits ». Dans un arrêt de 1958, la Cour suprême des États-Unis s’oppose au retrait de la citoyenneté d’un soldat accusé de « désertion en temps de guerre pour des faits remontant en 1944. Commentaire des juges : cette mesure constitue «une forme de punition encore plus primitive que la torture »», car l’intéressé aurait ainsi « perdu le droit d’avoir des droits[6] ».



Quelques situations |



Birmanie |


En 1982, des habitants musulmans de la Birmanie, les Rohingyas, ont été privés de la nationalité birmane par une disposition législative. Ils sont alors devenus apatrides, et beaucoup ont quitté le pays pour chercher refuge ailleurs[7].



Côte d'Ivoire |


Depuis quelques années, la Côte d’Ivoire a adopté des mesures de lutte contre l'apatridie. En particulier la Loi spéciale n°2013-653 du 13 septembre 2013 «portant dispositions particulières en matière d’acquisition de la nationalité ivoirienne par déclaration»[8]. Cette loi dont la mise en œuvre a duré deux ans, de septembre 2013 à septembre 2015, n’a cependant pas atteint tous ses objectifs. Elle a permis de régler la situation d’environ une dizaine de milliers de personnes, alors que plus de 700 000 seraient concernées selon un rapport du Haut-Commissariat des Nation-Unies pour les Réfugiés (HCR). Une campagne a été mené en 2018 en Côte d’Ivoire demandant au gouvernement ivoirien de reconduire cette loi spéciale [9].



France |


La France a signé la convention internationale de 1961 limitant les cas d'apatridie, mais ne l'a pas ratifiée[10], de même que la convention européenne sur la nationalité de 1997. De plus, l'article 15 de la déclaration universelle des droits de l'homme est dépourvu de valeur normative pour le Conseil d'État[11].


En conséquence, pour le constitutionnaliste Didier Maus, « juridiquement il n'y a pas de texte international qui engage la France à interdire l'apatridie »[12]. Mais pour un autre constitutionnaliste, Dominique Rousseau, « sa simple signature [de la convention de 1961] engage [la France] à respecter l'esprit et le but du texte »[13].


La loi du 29 juillet 2015 a défini dans le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) un statut des apatrides regroupant diverses dispositions qui étaient jusqu’alors disséminées dans le code[14].



Royaume-Uni |


Le Royaume-Uni est la seule nation européenne à prévoir, depuis 2014, dans des conditions très strictes, la possibilité de créer des apatrides, mais elle n'en a encore jamais (en 2015) fait usage[6].



Syrie |


Par décret (n° 93) du 23 août 1962, entré en vigueur le 5 octobre 1962, le gouvernement syrien décide d'effectuer un recensement exceptionnel de la population de la province kurde d'Al-Hassake. À la suite de cette opération, plus de 120 000 Syriens, tous d'origine kurde, furent déchus de leur nationalité syrienne.


Pour faire face au mouvement de contestation secouant la Syrie depuis le 15 mars 2011, un décret présidentiel d'avril 2011, a restitué la nationalité syrienne aux apatrides kurdes. Cependant, comme les autres lois et décrets pris par le président syrien pour absorber le mouvement de contestation, ce décret n'a pas été appliqué.


La Syrie compte aujourd'hui plus de 300 000 Kurdes-Syriens apatrides[15],[16].



Ex-URSS |


Articles détaillés : Non-citoyens d'Estonie et Non-citoyens de Lettonie.

Après la chute de l'URSS, lors des définitions des nouvelles citoyennetés, de nombreux Soviétiques se sont retrouvés sans la citoyenneté de leur pays de résidence.



  • En Estonie, les personnes de citoyenneté indéterminée (estonien : määratlemata kodakondsusega isik, russe : лица с неопределенным гражданством) constituaient 12,4 % de la population en 2000 (170 349 personnes), 7,1 % en 2011 (97 437 personnes) et 6,5 % en 2015 (85 312 personnes), soit moins que les citoyens russes (respectivement 6,3 % et 6,8 %[pas clair]).

  • En Lettonie, les non-citoyens (letton : nepilsoņi) formaient 15,0 % de la population en 2010.



Ex-Yougoslavie |


Un phénomène similaire s'est produit lors de la division de la Yougoslavie, quand les nouvelles républiques indépendantes se sont mises en place. Près d'1 % de la population de Slovénie a été considérée comme « effacée » ou « radiée ».



Quelques apatrides célèbres (temporaire ou définitif) |




  • Karl Marx : né allemand en 1818, il quitte sa Prusse natale pour parcourir l’Europe à l'âge de 25 ans. En 1849, expulsé de Paris et interdit de séjour dans son pays, il trouve alors refuge à Londres. Il y mourra apatride en 1883.


  • Oussama ben Laden : mort apatride en 2011. L'Arabie saoudite lui retire d'abord son passeport en 1992 avant de le déchoir de sa nationalité en 1994 pour s'être opposé au pouvoir en place et pour avoir continué d'appuyer des groupes armés islamistes anti-régime.


  • Adolf Hitler : né autrichien, il est interdit de séjour dans tout le Land de Prusse et de parole dans de nombreux autres Länder à sa sortie de prison. Il devient ainsi apatride le 30 avril 1925, et le reste jusqu'au 26 février 1932, date à laquelle il est nommé fonctionnaire d'État (de), ce qui lui confère automatiquement la nationalité allemande.


  • Alexandre Grothendieck : né à Berlin, il est longtemps resté apatride tout en travaillant en France avant d'obtenir la nationalité française en 1971 à l'âge de 43 ans. Farouchement antimilitariste, il voulait être sûr d'échapper à l'encasernement.


  • Friedrich Nietzsche : né en Prusse, Nietzsche se disait apatride. Il souhaitait obtenir la nationalité suisse, mais ne l'obtint jamais.


  • Daniel Cohn-Bendit : né à Montauban en 1945, il reste apatride jusqu'en 1959 avant de devenir allemand, puis français en 2015.


  • Albert Einstein : né allemand, il renonce à sa nationalité en 1896 (à l'âge de 17 ans). 5 ans après, en 1901, il devient suisse.


  • Mikheil Saakachvili : né soviétique, homme d'État géorgien et homme politique ukrainien, puis apatride. En juillet 2017, le président Porochenko signe un décret ad hoc lui retirant la nationalité ukrainienne pour des « irrégularités » dans son dossier de naturalisation et pour des « documents incomplets ».



Notes et références |


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Sur les autres projets Wikimedia :







  1. Convention du 28 septembre 1954 sur le statut des apatrides sur le site du UNHCR.


  2. a b et cLe HCR lance une campagne mondiale pour lutter contre l'apatridie.


  3. « Définition de heimatlos - Encyclopædia Universalis », sur www.universalis.fr (consulté le 17 septembre 2018)


  4. Article 15 de la déclaration universelle des droits de l'homme


  5. Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d'Europe, 2006, p. 1028.


  6. a b et cAlain Auffray, Sylvain Mouillard, Lilian Alemagna et Laure Bretton, « Au PS, allons ensemble vers l’apatride », liberation.fr, 4 janvier 2016(consulté le 7 janvier 2016)


  7. « Des apatrides nommés Rohingyas », sur http://www.monde-diplomatique.fr


  8. Chris Monsékéla, « Apatridie en Côte d’Ivoire : le MIDH plaide pour la reconduction de la loi de septembre 2013 - AFRIKIPRESSE - Actualité Afrique », sur www.afrikipresse.fr (consulté le 27 mars 2018)


  9. Cheickna Dabou, « Apatridie : Le MIDH demande la reconduction de la loi N°2013-653 du 13 septembre 2013 », Fratmat.info,‎ 27 octobre 2017(lire en ligne)


  10. Voir le site de l'ONU.


  11. Déchéance de nationalité : aucun texte international n'empêche la France de rendre une personne apatride sur le site du Huffington Post, 4 janvier 2016


  12. "L'interdiction de l'apatridie n'est pas actuellement dans les obligations de la France", dit un juriste sur le site de RTL, 5 janvier 2016


  13. Enora Ollivier, «La “déchéance pour tous”, juridiquement difficile à imposer», Le Monde, 7 janvier 2015.


  14. « Le statut d'apatride », sur Ministère de l'Intérieur (France), 2 novembre 2015(consulté le 2 mai 2016)


  15. «Syrie : information sur le traitement des Kurdes par les autorités en 2002», sur le site refworld du UNHCR.


  16. «Les Kurdes de Syrie : apatrides sur leur terre natale», article du site Scribd




Bibliographie |



  • Apatrides : pas d'identité légale, peu de droits, cachés aux marges de la société, Centre d'études sur les réfugiés, Oxford, 2009, 75 p.


Filmographie |



  • Le Terminal (2004), de Steven Spielberg avec Tom Hanks


Articles connexes |



  • Convention de New York sur l'apatridie

  • Convention de New York sur la réduction des cas d'apatridie

  • Convention européenne sur la nationalité

  • Réseaux d'exfiltration nazis



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