Alléluia
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L'Alléluia est une acclamation utilisée très fréquemment dans divers chants des liturgies chrétiennes. Le mot « Alleluia » ou « Hallelujah » (en hébreu : הַלְּלוּיָהּ, transcrit ἀλληλούϊα / allêloúïa en grec et Hallelou-Yah[1] en alphabet latin), signifie littéralement « louez le Seigneur » (« Louez Yah » – du tétragramme YHWH)[2]. Dans le vocabulaire liturgique, le mot désigne un chant de forme responsoriale, c'est-à-dire où un refrain est répété en alternance avec des versets bibliques.
Sommaire
1 Dans la liturgie romaine
1.1 Évolution dans la liturgie
1.2 Alléluia du répertoire grégorien
1.3 Interprétation de l'Alléluia classique
1.4 Alléluia de l'office
1.5 Alléluia dans la liturgie de la Messe
2 Dans la tradition byzantine
2.1 Autres responsoriaux
2.2 Autres usages de l'Alléluia
3 Alléluia dans les musiques actuelles (la chanson actuelle)
4 Articles connexes
5 Liens externes
6 Références bibliographiques
7 Notes et références
Dans la liturgie romaine |
Il est d'ordinaire chanté avant la lecture de l'Évangile. L'Alléluia est un chant responsorial du propre de la messe.
L'acclamation a eu de nombreux usages dans les liturgies primitives. Elle était particulièrement employée pendant le temps Pascal (entre Pâques et la Pentecôte), probablement à cause de l'association entre les psaumes alléluiatiques et le temps de Pâques. Pendant ce temps liturgique, l'acclamation est ajoutée à la fin de chaque antienne, et un Alléluia pascal remplace même le graduel qui prend normalement place entre les deux lectures bibliques. A l'époque de saint Augustin, dans le diocèse d'Hippone, et très probablement dans les provinces occidentales d'Afrique, influencées par Rome, on ne chantait l'Alléluia que durant la période pascale.
L'Alléliuia est si étroitement relié à la joie que, dans de nombreux diocèses d'Europe occidentale, au Moyen Âge, apparaissent des traditions d'adieu à l'Alléluia, allant de chants liturgiques composés sur ce thème jusqu'à des cérémonies où l'on enterre un mannequin appelé Alléluia.
En revanche, l'acclamation est omise pendant les temps de pénitence, essentiellement le carême. Dans ce cas, l'Alléluia est remplacé par un Trait. Mais plus généralement on remplace l'Alléluia par une acclamation à la Parole de Dieu (Évangile), comme : « Ta Parole, Seigneur, est Vérité et ta loi délivrance » ou encore : « Gloire à Toi Seigneur, Gloire à Toi », avant et après le verset d'introduction à l'Évangile.
Les Alléluias étaient fréquemment l'objet de tropes. On considère généralement que les séquences tirent leur origine de tropes ajoutant des textes syllabiques sur la mélodie des jubilus, la séquence étant alors nommée d'après le verset de l'Alléluia correspondant.
Évolution dans la liturgie |
Selon Robert Le Gall, le terme alléluia s'emploie dans les psaumes 23 fois[2] ; donc celui-ci est toujours chanté depuis longtemps.
Au regard de la tradition chrétienne, l'alléluia devint tout d'abord le chant particulier d'allégresse pendant la liturgie pascale[3].
Vers 530, Benoît de Nursie fixa et précisa dans quelles périodes l'alléluia doit être chanté, pour la liturgie des Heures. À cette époque-là, celui-ci était déjà récité jusqu'à la Pentecôte :
« Depuis le saint jour de Pâques jusqu'à la Pentecôte, on dira tous les jours alléluia, tant aux psaumes qu'aux répons. ......... Tous les dimanches en dehors du Carême, on dira avec alléluia les cantiques, les matines, prime, tierce, sexte et none. Les vêpres se diront toujours avec antiennes. Quant aux répons, ils ne se diront jamais avec alléluia, si ce n'est de Pâques à la Pentecôte. »
— Règle de saint Benoît, chapitre XV En quels temps il faut dire alléluia[4]
C'est finalement le pape Grégoire Ier qui fit exécuter l'alléluia après la Pentecôte :
« "Quelles coutumes suivons-nous ?", mon interlocuteur répondit : "Vous avez fait chanter l'alléluia en dehors de la Pentecôte." »
— Lettre de Grégoire Ier destinée à l'évêque de Syracuse (598)[6]
Alléluia du répertoire grégorien |
En chant grégorien, pour le propre de la messe, la pièce de l'alléluia se compose de la forme Aa - Ab - B - Aa - Ab :
- Aa : l'alléluia proprement dit (ligne de la parole, d'abord[7]) ;
- Ab : le jubilus, à savoir mélisme très orné de la dernière syllabe ia qui signifie le diminutif du nom de Yahvé, Yah[2],[1] (ligne de la musique ensuite[7]) ;
- B : un verset[8].
Ces trois parties ont des mélodies propres, parfois construites à partir de mélodies types. C'est l'incipit du verset qui donne son nom à l'alléluia.
Parfois le compositeur préférait un nouveau jubilus plus développé après le verset, au lieu de la répétition :
- Aa - Ab - B - Aa - AC
Celui-ci (AC) s'appelait la sequentia, sequela ou longissima melodia[9].
La seule répétition du jubilus est également admise. Mais cette manière est de moins en moins fréquente[pf 1]
- Aa - Ab - B - Ab
De plus, il existe historiquement des manuscrits sans verset, car le jubilus est toujours principal, ainsi qu'au moins un manuscrit contenant quelques alléluias avec deux versets[pf 2] :
- Aa - AB (abbaye de Saint-Gall codex 484, bibliothèque de Chartres codex 47)
- Aa - Ab - Ba - Bb - Aa - Ab (abbaye territoriale d'Einsiedeln codex 121)
Le verset aussi possède sa propre structure. En général[pf 3],
- A1 - B - A2 - C ou
- A - B1 - B2 - C
Le style musical de l'alléluia est généralement neumatique, avec des passages mélismatiques. En revanche, son ambitus était parfois réduit tardivement : l'alléluia de la veille de Noël, par exemple, se limite à une quinte (mais c'est un cas extrême et un peu atypique). Au regard des manuscrits les plus anciens et les plus corrects, le jubilus était toutefois effectivement respecté et développé d'après le contexte théologique. En raison de ce jubilus, mélisme amplifié, à l'exception de l'Édition médicéenne qui le supprima, l'alléluia était réservé aux chantres, à savoir solistes qui étaient capables de le chanter.
D'ailleurs le jubilus possède une signification liturgique. La louange contenue dans l'Alléluia n'est pas humaine, c'est la louange céleste qui exprime la joie éternelle et divine. Cette joie est inexprimable, et pour la libérer de l'imperfection des mots, elle est représentée par un long mélisme sans paroles. Saint Augustin commente : « celui qui jubile ne peut s'exprimer par des mots ».
Aussi le terme jubilus s'emploie-t-il singulièrement pour l'alléluia.
Par ailleurs, le chant grégorien est si profondément lié au texte latin qu'à cette époque-là, il n'existait pas de chant sans texte, à l'exception du jubilus. D'où, mêmes les chantres connaissaient une difficulté considérable à le mémoriser. C'est la raison pour laquelle la séquence, nouveau chant syllabique, fut créée au IXe siècle ou avant. Mais celle-ci s'accompagne toujours de l'alléluia ou du verset de l'alléluia[10].
Interprétation de l'Alléluia classique |
Si l'on doit dire l'alléluia avec un verset :
- le premier alléluia est chanté (par un ou deux chantres) jusqu'à l'astérisque ;
- le chœur répète ensuite l'alléluia (sauf s'il s'agit du deuxième alléluia au temps pascal, pour lequel on ne fait pas la reprise) ;
- le chœur ajoute ensuite le jubilus sur le a final pour la louange ;
- les chantres exécutent alors le début du verset, jusqu'à l'astérisque, et le chœur termine le verset à partir de l'astérisque (en pratique, l'alternance du verset à l'astérisque n'est pas respectée).
Le verset achevé (et s'il ne s'agit pas du premier alléluia pascal), les chantres reprennent l'alléluia depuis le début, et le chœur ajoute seulement le jubilus, mais sans faire de reprise.
Aux temps ordinaires, on chante donc trois fois l'alléluia, deux fois avant le verset, et une fois après. Au temps pascal, il y a au graduel un premier alléluia pascal, suivi d'un deuxième alléluia, et chaque alléluia est interprété deux fois, ce qui fait quatre en tout. Pour le premier alléluia, on chante l'alléluia avec reprise avant le verset, mais on ne reprend pas l'alléluia après le verset. Pour le deuxième alléluia, on chante l'alléluia sans reprise avant le verset, et on le reprend l'alléluia après le verset.
Alléluia de l'office |
Les Alléluias classiques du répertoire grégorien de la Messe ne sont plus guère interprétés dans les liturgies modernes. Ils sont le plus souvent remplacés par des Alléluia d'office, antiennes dont la forme est caractéristique : trois alléluias dans un style syllabique. Dans l'ordinaire de l'office grégorien, il y a deux Alléluia de ce type pour chaque jour de la semaine, un pour l'office de Laudes et l'autre pour les Vêpres.
L'alléluia simple retenu pour la Messe par le « Jubilate Deo » est probablement ainsi devenu la pièce la plus chantée du répertoire grégorien.
Alléluia dans la liturgie de la Messe |
L'Alléluia est normalement un chant. Si l'on ne chante pas l'Alléluia ou le verset avant l'Évangile, on peut en omettre la lecture. Le verset est une partie de ce chant, que l'on devrait au moins psalmodier. On peut choisir son texte dans les choix proposés.
L'assemblée se lève. Le chantre entonne les trois alléluias, qui sont repris une première fois par la foule. Il chante ensuite seul le verset avant l'Évangile. Le ton du verset n'est pas nécessairement le ton psalmodique classique, car le texte est généralement traduit dans ce cas en langue vernaculaire. Puis, la foule reprend toute l'antienne en conclusion.
Dans la tradition byzantine |
L'Alléluia est bâti sur un modèle responsorial : il est chanté en alternance avec des versets psalmiques. Son usage le plus fréquent a lieu lors de la Divine Liturgie, après l'épitre et avant la lecture de l'évangile. On peut opposer la construction de l'Alléuia à celle du prokiménon sur un critère : là où dans le prokiménon, le verset initial est répété une dernière fois en deux parties, l'une lue par le lecteur (ou le diacre), l'autre chantée par le chœur, l'Alléluia se termine par un verset final.
Prokiménon | Alléluia |
---|---|
Lecteur : Prokiménon, ton 2 : Le Seigneur est ma force et ma louange, Il a été mon salut. | Lecteur : Alleluia, alleluia, alleluia, ton 2. |
Aux offices sacramentels (baptême, mariage, onction), les Alléluia qui précèdent les péricopes évangéliques n'ont qu'un verset. La seule liturgie de l'année où l'on ne chante pas d'Alléluia est celle du Samedi Saint : il est remplacé par un long responsorial (six versets) dont le refrain est « Lève-Toi, ô Dieu, juge la terre, car Tu feras Ton héritage de toutes les nations. »
Un autre usage de l'Alléluia, moins connu, est celui du début des matines de Carême. Historiquement, il était chanté toute l'année aux commémorations de saints les moins fournies hymnographiquement ; le développement hymnographique subséquent a restreint son usage aux jours de Carême[11]. Il a quatre versets, et, contrairement au « Le Seigneur est Dieu » chanté à sa place le reste de l'année, il n'est pas suivi de l'apolytikion du jour, mais d'un triadikon.
De même, l'office pour les morts commence, après le psaume 142, par un Alléluia à trois versets, suivi d'une doxologie intercalée de tropaires.
Autres responsoriaux |
D'autres pièces liturgiques sont construites sur le modèle de l'Alléluia :
- « Le Seigneur est Dieu », chanté au début des matines hors du Carême ;
- « Lève-Toi, ô Dieu » qui remplace l'Alléluia le Samedi Saint ;
- « Saint est le Seigneur Notre Dieu », qui introduit l'exapostilaire du dimanche ;
- les répons qui remplacent la lecture des apolytikions du jour dans les Heures de Carême ; ils s'achèvent par une doxologie divisée en deux entre le prêtre et le chœur.
Autres usages de l'Alléluia |
L'acclamation « Alléluia » a de nombreux usages dans la liturgie byzantine ; il est alors utilisé comme conclusion d'un chant, comme rappel de la louange due à Dieu (selon l'étymologie la plus acceptée).
- A la fin de divers usages des psaumes (chant du psaume 103 aux vêpres ou du psaume 118 aux matines du dimanche ou pour les défunts ; lecture ou chant d'un cathisme du psautier ; chant de versets choisis aux louanges des matines festives ; lecture de psaumes choisis dans la structure d'un office), on chante ou on dit « Alléluia, alléluia, alléluia, gloire à Toi, ô Dieu » ;
- Dans un acathiste, chaque ikos se termine par un Alléluia (trois dans l'office pour les morts) ;
- Lors du chant de certains psaumes, chaque verset est terminé par un ou plusieurs Alléluias : cathismes chantés, polyéléos (l'Alléluia n'est pas le seul refrain que l'on ajoute aux psaumes chantés : ainsi du psaume 103 chanté aux vêpres et du psaume 118 chanté lors de l'office pour les morts) ;
- Le Chérubicon et les chants qui le remplacent (les Jeudi et Samedi Saints et à la liturgie des Dons Présanctifiés) se terminent par un triple Alléluia ;
- « Vous tous qui avez baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ », verset tiré de l'épître de saint Paul aux Galates, que l'on chante à la fin d'un baptême et qui remplace le Trisagion aux liturgies baptismales (Nativité, Théophanie, Samedi de Lazare, Pâques, Pentecôte), se termine par un Alléluia.
S'inspirant de la prépondérance de l'Alléluia dans la liturgie des morts du rite byzantin, le compositeur orthodoxe John Tavener en fit le refrain de son chant funéraire Song for Athene[[Song for Athene (en)]] [[:en:Song for Athene (en)|<span class="indicateur-langue" title="Équivalent de l’article « Song for Athene (en) » dans une autre langue">(en)]], qui fut exécuté aux funérailles de Lady Diana Spencer.
Alléluia dans les musiques actuelles (la chanson actuelle) |
Plusieurs musiciens et groupes de musiciens ont interprété des chansons intitulées Hallelujah, comme Leonard Cohen, repris lui-même par l'artiste new-yorkais Jeff Buckley, le groupe allemand de metal industriel Rammstein, la chanteuse russe Olga Arefieva, ou même le groupe pop rock Paramore dans son album Riot!. Magma fait usage du mot Alléluia dans plusieurs morceaux, notamment dans la troisième partie de K.A. (2004).
Articles connexes |
- Jubilus
Liens externes |
Dictionnaires
Robert Le Gall, Dictionnaire de liturgie, 3e édition (1997) [lire en ligne : alléluia]
- Définitions lexicographiques et étymologiques de « alléluia » du Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales
Youtube, exécution de Song For Athene aux funérailles de Diana Spencer.
Références bibliographiques |
- Paolo Ferretti (deuxième directeur de l'Institut pontifical de musique sacrée), Esthétique grégorienne ou traité des formes musicales du chant grégorien, Abbaye Saint-Pierre, Solesmes 1938 (ISBN 978-2-85274-134-8) 349 p.
p. 184
p. 179 - 181
p. 186 - 188
Notes et références |
Transcription en alphabet Hallelou-Yah par André Chouraqui, qui publia sa propre Bible dont les noms et prénoms gardent orthographes hébraïques (La Bible, p. 1205 - 1208 (psaumes 111 - 114) et le reste ; Desclée de Brouwer, 1985).
http://www.liturgiecatholique.fr/Alleluia.html Dom Robert Le Gall, Dictionnaire de liturgie, 3e édition, p. 22, C.L.D., Chambray 1997
http://www.cnrtl.fr/definition/alleluia
Traduction par Dom Prosper Guéranger, p. 42 - 43, Abbaye Saint-Pierre de Solesmes, réimpression 2007
http://www.e-codices.unifr.ch/fr/list/one/csg/0359
[PDF]http://palmus.free.fr/session_2004.pdf Dom Daniel Saulnier, Session de chant grégorien II (2004), p. 62
Dom Daniel Saulnier (abbaye Saint-Pierre de Solesmes), Un nouvel antiphonaire monastique dans les Études grégoriennes, tome XXXIII, p. 177, Abbaye Saint-Pierre de Solesmes, 2005
http://www.liturgiecatholique.fr/Verset.html
Dom Daniel Saulnier, Le chant grégorien, p. 85, Abbaye Saint-Pierre de Solesmes, 2003
http://www.liturgiecatholique.fr/Sequence.html ; http://www.liturgiecatholique.fr/Prose.html
Macaire de Simonos-Pétra, Mystagogie du Grand Carême ; Essai de théologie du temps liturgique, Limours, Apostolia, 2018
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