Ghetto de Varsovie
Le ghetto de Varsovie était le plus important ghetto juif au sein des territoires d'Europe occupés par les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale. Situé au centre de Varsovie, il fut créé en 1940 et pratiquement détruit en mai 1943 après l'insurrection de ses occupants contre les nazis. Il rassembla jusqu'à 380 000 personnes[2].
Sommaire
1 Contexte historique et création du ghetto
2 Localisation géographique
3 Organisation
4 Dans le ghetto
5 La déportation
6 Insurrection
7 Monuments
8 Mémoire du monde
9 Notes et références
10 Voir aussi
10.1 Bibliographie
10.1.1 Témoignages et récits autobiographiques
10.1.2 Ouvrages historiques
10.1.3 Ouvrages de fiction
10.2 Filmographie
10.3 Articles connexes
10.4 Liens externes
Contexte historique et création du ghetto |
En septembre 1939, l'armée allemande attaque puis occupe la Pologne. Les Allemands entrent dans Varsovie le 29 septembre[3].
Adam Czerniaków, qui vient d'être nommé le 23 septembre à la tête de la communauté juive de la ville[4], est chargé par les Allemands de constituer un conseil juif (Judenrat)[5]. Ce conseil est chargé de gérer le futur ghetto.
Dès l'hiver 1939 – 1940, les nazis commencent à persécuter les Juifs : obligation de porter un brassard blanc avec l'étoile de David bleue, identification des magasins juifs sur leurs vitrines, confiscation des radios, interdiction de voyager en train (novembre 1939).
L'ordre de transplantation de Juifs est donné le 2 octobre 1940. Puis, le 12 octobre 1940 (jour de la fête juive de Yom Kippour), les Allemands annoncent aux Juifs qu'ils n'ont que jusqu'à la fin du mois pour déménager dans le quartier juif.
Le 7 novembre 1940, une « zone d'épidémie » est définie par le gouverneur du district de Varsovie. Interdite aux soldats allemands, elle correspond aux « rues juives ». Deux mois plus tard, le quartier juif devient officiellement une « zone de contagion[6] ».
80 000 non-juifs quittent le secteur, et 138 000 Juifs s'y installent dans la précipitation et la peur. Le ghetto est fermé le 16 novembre 1940[7] et un mur d'enceinte est construit. 40 % de la population de la ville s'entasse dans des conditions insalubres dans 8 % de sa superficie[6].
Localisation géographique |
Le ghetto se situe au centre de la ville de Varsovie. Il est initialement composé de deux parties, le grand ghetto et le petit ghetto, reliées par un pont en bois. Le tout est entouré de 18 kilomètres de murs hauts de plusieurs mètres et de fil de fer barbelé. Dans cette enceinte d’une superficie d’environ 300 hectares, on compte 128 000 habitants au km² contre 14 000 environ dans la Varsovie non juive. La population du ghetto, 381 000 personnes enregistrées en janvier 1941, atteint 439 000 en juin 1941 pour retomber à 400 000 en mai 1942. Ces différences peuvent s'expliquer par l'arrivée de nombreux réfugiés et la surmortalité qui prévaut dans le ghetto. Seul lien avec l’extérieur, un tramway réservé aux Polonais non-juifs traverse le lieu. À peu près 80 000 personnes meurent entre novembre 1940 et juillet 1942 sans déportation ni fusillade[6].
Organisation |
La gestion du ghetto est déléguée au conseil juif (Judenrat) par les Allemands. Ce conseil est dirigé par Adam Czerniaków. Il joue un rôle essentiel dans la transmission des ordres des Allemands aux habitants du ghetto. Ses effectifs augmentent entre 1940 et juillet 1942 passant de 1 741 employés à 9 000 en comptant la police juive[6]. Cette dernière, appelée aussi Jüdischer Ordnungsdienst (service d'ordre juif), est chargée de maintenir l'ordre. Elle est rémunérée et possède des avantages comme l’exemption du travail forcé. Elle est très souvent corrompue et participe aux opérations de déportation massive en juillet et août 1942. Les occupants emploient la main-d'œuvre du ghetto pour les besoins de l'armée et implantent de nombreux ateliers et usines dans le quartier juif.
Dans le ghetto |
Les conditions de vie dans le ghetto sont inhumaines. D'abord, il est trop petit pour accueillir tous les Juifs de Varsovie et des villages environnants (40 % de la population sur 8 % de la superficie, une densité de population de sept personnes par pièce au début du ghetto). Beaucoup ont tout perdu (leurs familles et/ou leurs biens) en arrivant dans ce quartier fermé. Et puis, il est mal, ou presque pas approvisionné en nourriture et combustible. Dès l'hiver 1940 – 1941, la faim et le froid se font ressentir. Nombreux sont alors ceux qui organisent de petits trafics avec l'extérieur[8]. Certains de ces trafiquants y laisseront parfois leur vie en essayant d'apporter de la nourriture dans le ghetto. Mais il existe aussi une solidarité avec les « comités d'immeubles », une vraie vie culturelle, un réseau d'enseignement clandestin, une vie religieuse[9].
La mort est courante. Elle est causée par la faim, mais aussi par des épidémies de typhus et de tuberculose. Il n'est pas rare de retrouver des cadavres en pleine rue. Une charrette passe alors ramasser les corps, qui sont comptés puis enterrés dans une fosse commune. Au début de l'année 1942, on compte une naissance pour 45 décès[9].
La déportation |
En été 1942 commence le « repeuplement vers l'est », qui est en fait la déportation vers le camp de Treblinka, situé à 80 kilomètres au nord-est de Varsovie. Lancée dans le cadre de l'Aktion Reinhard, elle débute le 22 juillet. Pendant huit semaines, entre 6 000 et 8 000 personnes sont déportées tous les jours. Les rafles se font de jour comme de nuit, aussi bien dans les habitations que dans les usines, où il est plus facile d'arrêter les Juifs. Ceux-ci sont ensuite conduits vers la Umschlagplatz, la gare de triage de Varsovie. Cette première vague de déportations vers les camps de la mort ramène la population du ghetto à 70 000 habitants.
Insurrection |
L'Organisation juive de combat naît au cœur de la grande déportation de juillet 1942. C'est la principale organisation de résistance juive. Elle se manifeste une première fois le 18 janvier 1943.
Le soulèvement commence le 19 avril 1943, veille de Pessa'h, la Pâque juive, en réponse à une dernière grande rafle organisée par les nazis. Destinée à liquider le ghetto des quarante à cinquante mille Juifs restant en les déportant dans les différents camps, et principalement à Treblinka, cette rafle se heurte à l'opposition armée juive au grand étonnement des nazis. L'Organisation juive de combat - qui rassemble les communistes, les bundistes et plusieurs courants du sionisme - comporte de 600 à 700 insurgés, tandis que l'organisation de droite AMJ, proche du Betar, en compte une centaine. Ce combat sans espoir « pour votre liberté et pour la nôtre »[10] s'achève le 16 mai, un mois après son déclenchement, avec la destruction de la grande synagogue de Varsovie. Après cette date, des combats sporadiques ont encore lieu dans le ghetto en ruines.
L'impact psychologique de l'insurrection du ghetto de Varsovie fut très important. La résistance fut plus forte que prévu par les nazis, même si l'issue était certaine vu le déséquilibre des forces.
« Nous ne voulons pas sauver notre vie. Personne ne sortira vivant d'ici. Nous voulons sauver la dignité humaine[11]. »
— Arie Wilner (pseudonyme Jurek), soldat de la ŻOB
Monuments |
Le souvenir du ghetto de Varsovie est marqué par plusieurs monuments dans la capitale polonaise, le plus imposant étant le monument aux héros du ghetto. C'est au pied de ce monument que le chancelier ouest-allemand Willy Brandt s'est agenouillé le 7 décembre 1970.
Mémoire du monde |
Depuis 1999, les archives du ghetto de Varsovie sont classées par l'Unesco sur la Liste Mémoire du monde, qui recense les documents du patrimoine documentaire d'intérêt universel, dans le but d'assurer leur protection.
Notes et références |
L'enfant juif de Varsovie. Histoire d'une photographie, par Frédéric Rousseau, aux Éditions du Seuil (collection L'Univers historique), 2009 (ISBN 978-2-02-078852-6). (ouvrage primé par la Fondation Auschwitz (Bruxelles) au printemps 2009).
En 1939, il y avait 1 300 000 habitants à Varsovie, dont 400 000 Juifs.
« Varsovie », sur www.ushmm.org/ (consulté le 3 mars 2017).
« Chronologie: Adam Czerniakow », sur www.kronobase.org (consulté le 18 juin 2018)
Georges Bensoussan (dir.), Jean-Marc Dreyfus (dir.), Édouard Husson (dir.) et al., Dictionnaire de la Shoah, Paris, Larousse, coll. « À présent », 2009, 638 p. (ISBN 978-2-035-83781-3), p. 245.
Dictionnaire de la Shoah, p. 245.
« ÉTUDE DE CAS : LE GHETTO DE VARSOVIE (1940-1943) », sur enseigner-histoire-shoah.org/ (consulté le 3 mars 2017).
Au nom de tous les miens de Martin Gray.
Dictionnaire de la Shoah, p. 246.
Proclamation de l'Organisation Juive de Combat. Cité dans la brochure Pour notre liberté et pour la vôtre, Insurrections dans les ghettos, 2003, Éditions du Centre Medem. p. 22.
polonais : My nie chcemy ratować życia. Żaden z nas żywy z tego nie wyjdzie. My chcemy ratować ludzką godność.
Voir aussi |
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Bibliographie |
Témoignages et récits autobiographiques |
Kazimierz Moczarski (trad. Jean-Yves Erhel, préf. Andrzej Szczypiorski, postface Adam Michnik), Entretiens avec le bourreau, Paris, Gallimard, coll. « Folio - Histoire », 2011, 634 p. (ISBN 978-2-070-44438-0, OCLC 864197040).
Marek Edelman et Paula Sawicka (trad. Malgorzata Smorag-Goldberg), La vie malgré le ghetto "et il y avait de l'amour dans le guetto, Paris, Liana Levi, 2010, 171 p. (ISBN 978-2-867-46543-7, OCLC 669768839).
Bernard Goldstein, Marek Edelman (avant-propos) et Leonard Shatzkin (notice biographique) (trad. E. Dal et V. Clerck-Ayguesparse, préf. Daniel Blatman), L'ultime combat nos années au ghetto de Varsovie [« Finf jor in warshaver ghetto »], Paris, Zones La Découverte, 2008, 266 p. (ISBN 978-2-355-22016-6, OCLC 750994264, présentation en ligne).
Emanuel Ringelblum, Archives clandestines du ghetto de Varsovie, Fayard, 2007, Tome 1 et 2.
Władysław Szpilman, Le Pianiste, Pocket Poche, 2003.
Marian Apfelbaum, Retour sur le ghetto de Varsovie, Paris, Odile Jacob, 2002, 328 p. (ISBN 978-2-738-11062-6, OCLC 645164720, lire en ligne).
Marek Edelman, Mémoires du ghetto de Varsovie, Paris, Éditions Liana Levi, 2002.
Hillel Seidman, Du fonds de l'abîme, Journal du ghetto de Varsovie, Plon, 1998.
Adam Czerniaków, Carnets du ghetto de Varsovie, éditions La Découverte, 1996.
Bernard Mark, « L'insurrection du ghetto de Varsovie », dans Le Livre noir, Ilya Ehrenbourg et Vassili Grossman, Actes Sud, 1995.- Emanuel Ringelblum, Chronique du ghetto de Varsovie. Janvier 1940-décembre 1942, Paris, Robert Laffont, 1978, 372 p.
Marek Halter, Le Fou et les Rois, Albin Michel, 1976.
Martin Gray, Au nom de tous les miens, 1971.
Nathan Weinstock, Chroniques du désastre, Métropolis, (ISBN 2-88340-095-4).
Ouvrages historiques |
Samuel Kassow (en), Qui écrira notre histoire ? : Les archives secrètes du ghetto de Varsovie, Grasset, 2011.- Dariusz Libionka, Laurence Weinbaum, hochsztaplerzy, opisywacze. Varsovie: Stowarzyszenie Centrum Badań nad Zagładą Żydów, 2011 (ISBN 978-83-932202-8-1).
Larissa Cain, Ghettos en révolte, Pologne, 1943, Éditions Autrement, collection Mémoires, 2003.
Ouvrages de fiction |
- Bernard Dan, Le livre de Joseph, Éditions de l'Aube, 2011 (ISBN 978-2-8159-0298-4).
- David Barré et Agata Mozolewska, Elle, elle a sauvé les autres..., biographie romancée d'Irena Sendlerowa, Lyon, Éditions du Cosmogone, 2009 (ISBN 978-2-8103-0007-5).
Paule du Bouchet, Chante, Luna, Gallimard, 2004.
Marek Halter, La force du bien, Robert Laffont, 1995.
Jarosław Marek Rymkiewicz (en), La dernière gare, Umschlagplatz, Robert Laffont, 1989 (ISBN 2-266-12221-5).
John Hersey, La Muraille, Gallimard, 1979 (tome 1 et 2).
Richard Zimler, Les anagrammes de Varsovie, Buchet-Chastel, 2013 (ISBN 978-2283025383).
Leon Uris, Mila 18 (en), Robert Laffont, 1961.- Jim Shepard, Le livre d'Aron, Éditions de l'Olivier, 2016.
Filmographie |
Le Temps du ghetto de Frédéric Rossif, 1961, documentaire
Au nom de tous les miens de Robert Enrico ,1983 (adaptation du roman éponyme)
Korczak d'Andrzej Wajda, 1990
1943 l'ultime révolte de Jon Avnet, 2001
Le Pianiste de Roman Polanski, 2002 (adaptation du roman éponyme)
Articles connexes |
- Rapport Stroop
- Shoah
- Judenrat
- Hôtel Polski (Varsovie)
Heinz Auerswald, commissaire du ghetto.
Adam Czerniaków, président du Conseil juif du ghetto.
Mordechaj Anielewicz, l'un des principaux meneurs de l'insurrection.
Marek Edelman, l'un des principaux meneurs de l'insurrection.
Michał Klepfisz, organisateur de l'insurrection, spécialiste des explosifs, négociateur pour introduire des armes dans la ghetto en lien avec l'Armia Krajowa.
Emanuel Ringelblum, historien et archiviste clandestin du ghetto, à la tête du projet Oyneg Shabbos.
Martin Gray, écrivain, ancien pensionnaire du ghetto.
Abraham Gancwajch, journaliste, collaborateur juif polonais, fondateur du Groupe 13 qui tenta de saboter l'insurrection.
Josef Blösche, symbole du nazisme de par son apparition dans l'une des plus célèbres photos de la Seconde Guerre mondiale.
Insurrection de Varsovie de 1944
- Registre international Mémoire du monde
Gershon Sirota, célèbre Hazzan
- Bernard Goldstein (résistant polonais)
Bożena Umińska-Keff, dramaturge et militante polonaise- Exécutions dans les ruines du ghetto de Varsovie (1943-1944)
Liens externes |
- Ressources relatives à la géographie : Encyclopedia of the Ghettos • GeoNames
- Liste des ghettos en Europe occupée
- Les 22 mémoriaux du mur du ghetto de Varsovie
- Monumentalisation du Ghetto de Varsovie
Ô sympathy, chanson écrite à Varsovie début 1943, par des jeunes du Bund qui ne se faisaient plus d'illusions sur les raisons pour lesquelles on les avait empêchés de se révolter dès le début.
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