Action française
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Action française | |
Logotype officiel. | |
Présentation | |
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Secrétaire général | François Bel-Ker |
Fondation | 1898 |
Siège | 10, rue Croix-des-Petits-Champs 75001 Paris |
Mouvement de jeunesse | l'AFE, l'AFL et l'AF jeunes professionnels |
Adhérents | 3 000 (février 2018)[1] |
Positionnement | Droite contre-révolutionnaire à extrême droite |
Porte-parole | Antoine Berth |
Idéologie | Royalisme Nationalisme intégral Souverainisme Orléanisme |
Couleurs | Bleu roi et Ambre |
Site web | actionfrancaise.net |
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L'Action française (abrégée en AF) est une école de pensée et un mouvement politique nationaliste et royaliste d'extrême droite, qui s’est principalement développé dans la première moitié du XXe siècle en France.
L'Action française est fondée en 1898 par Henri Vaugeois et Maurice Pujo dans l'objectif d'effectuer une réforme intellectuelle du nationalisme. Originellement, structurée par un nationalisme républicain antidreyfusard, elle devient rapidement royaliste sous l'influence de Charles Maurras et de sa doctrine du nationalisme intégral. C'est ainsi que l’AF, s’établit sur des positions contre-révolutionnaires, antirépublicaines et antidémocratiques, sur fond de positivisme. La doctrine de la ligue royaliste prône l'antiprotestantisme, l'antimaçonnisme, la xénophobie et l'antisémitisme. Après la Seconde Guerre mondiale, sous l’impulsion de Pierre Boutang, le mouvement abandonne progressivement son antisémitisme « d'État »[2]. Dès lors, il revendique une monarchie traditionnelle, héréditaire, antiparlementaire et décentralisée.
Les structures de l’AF sont diverses et ont beaucoup évolué avec le temps. À ses débuts, il y a une revue qui deviendra par la suite un journal quotidien ; des hommes de main, les Camelots du roi, qui s'organisent en fédération tout comme les étudiants d'AF ; une ligue politique ; une maison d'édition, la Nouvelle Librairie nationale ; une commission de propagande pour le soutien financier ; un cercle de Dames et de Jeunes Filles royalistes ; un Institut d'étude politique qui est l'école de pensée de l'Action française ; un groupe de réflexion, le Cercle Proudhon ; une bibliothèque, une librairie, une salle de sport et même au niveau régional, un théâtre.
Dans les années 1908-1914, l’Action française participe largement au « réveil national », dont le but est d’alerter la population et le gouvernement sur la menace allemande. Lorsque la guerre éclate en 1914, elle participera à l'Union sacrée. Deux mille six cent quarante de ses militants meurent au combat[3]. Cela n’empêchera pas le mouvement de connaître, après guerre un certain succès et de grandir en influence. En 1926, la condamnation par le pape Pie XI stoppera cette dynamique. L'Action française connaîtra encore quelques victoires lors des manifestations du 6 février 1934, ou elle mobilise prés de soixante mille personnes devant l'Assemblée nationale provoquant ainsi la démission du gouvernement. La décennie finira dans la douleur pour l'AF avec, en 1937 le désaveu du prince Henri d'Orléans, comte de Paris et prétendant au trône de France, puis la guerre.
Après la défaite de 1940, Charles Maurras rallie la Révolution nationale du maréchal Pétain. Cette décision divise ses disciples : si certains la jugent cohérente avec la doctrine maurrassienne, d'autres se sentent trahis. C'est ainsi qu'on trouve des membres de l'AF à la fois aux côtés du Maréchal Pétain, aux côtés de de Gaulle, dans des mouvements de Résistance non affiliés à Londres et chez les collaborationnistes. Ces derniers seront rejetés par la direction du mouvement qui invoque le slogan : « la France seule ». De son côté, le journal, autour de Maurras dénonce violemment la Résistance intérieure et la France libre avant de cesser de paraître après que l’occupant a demandé son caviardage. Le mouvement sort déconsidéré de la Seconde Guerre mondiale, à la suite de la condamnation et de l'emprisonnement pour « intelligence avec l'ennemi » de Maurras et de Pujo. Aussi, le quotidien L'Action française cesse de paraître et l'utilisation de son titre est interdite.
Dès 1947, l'Action française renaît à travers le journal Aspects de la France auquel Maurras et Pujo transmettent le flambeau en participant à la rédaction. En 1955, autour du journal, le mouvement politique « Centre de propagande royaliste d'Action française », officiellement appelé Restauration nationale se structure. En 1998 l'entité officielle Restauration nationale deviendra le Centre royaliste d'Action française, le journal Aspects de la France deviendra L'Action française 2000 et le mouvement politique reprend ouvertement le nom « Action française ».
Sommaire
1 Histoire de l'Action française
1.1 Création
1.1.1 Le rôle de l'affaire Dreyfus
1.1.2 L'Enquête sur la monarchie
1.1.3 Un mouvement attaché au catholicisme
1.2 Lignes directrices de la politique d'Action française
1.2.1 Le principe électoral et le suffrage universel
1.2.2 Pensée économique et sociale
1.2.3 L'antisémitisme d'État
1.3 Les moyens de l'action : presse, Ligue d'Action française et Camelots du roi
1.3.1 Fondation d'un journal quotidien
1.3.2 La Ligue d'Action française
1.3.3 L'Institut et les Camelots du roi
1.3.4 Associations proches et sociabilités
1.4 Un rayonnement politique important
1.4.1 En France
1.4.2 À l'étranger
1.5 Un mouvement alerte à l'aube de la Première Guerre mondiale
1.5.1 L’avant-guerre
1.5.1.1 Contexte historique
1.5.1.2 Le rapport Humbert
1.5.1.3 La Guerre dans la littérature d’Action française
1.5.2 La Grande Guerre
1.5.2.1 Le complot des panoplies
1.5.2.2 Morts et disparus
1.6 L'entre-deux-guerres
1.6.1 Rayonnement de l'Action française
1.6.2 Assassinats de royalistes et emprisonnement
1.6.3 Léon Daudet : prison, libération et exil
1.6.4 Condamnation par la Papauté et levée de la condamnation (1926-1939)
1.6.5 Les années 1930, l'Action française au cœur des controverses
1.6.6 Politique extérieure : Les paradoxes de l’antigermanisme, entre appel au réarmement et pacifisme de droite
1.6.6.1 Les années 1920, ou maintenir définitivement l'Allemagne à terre
1.6.6.2 Rapports avec le fascisme italien
1.6.6.3 L'Action française et le nazisme
1.6.6.3.1 Une menace pour la France régulièrement dénoncée
1.6.6.3.2 Critique idéologique
1.6.6.3.3 L'accusation d'ambivalence vis-à-vis de la politique nazie
1.6.6.4 Volonté isolationniste et pacifisme de droite
1.7 Sous l'occupation allemande
1.7.1 Le pétainisme maurrassien
1.7.2 L'Action française et les collaborationnistes
1.7.3 L'Action française et les résistants
1.7.4 La question de l'influence de l'Action française sur Vichy
1.8 La mouvance de l'Action française dans l'après-Seconde Guerre mondiale
1.8.1 Maurras en prison (1944-1952)
1.8.2 Après la mort de Maurras (1952)
1.9 L'Action française dans les années 1970
1.10 La « génération Maurras » (années 1980-1990)
1.11 L'Action française dans les années 2000
2 L'Action française contemporaine
2.1 Ligne politique
2.2 Organisation
2.3 Faits marquants
3 Identité visuelle
4 Notes et références
4.1 Notes
4.2 Références
4.2.1 Ouvrages utilisés
4.2.2 Autres sources utilisées
5 Annexes
5.1 Articles connexes
5.2 Liens externes
5.3 Bibliographie
5.3.1 Études historiographiques
5.3.2 Études historiques
5.3.3 Essais
5.3.4 Études sociologiques
5.3.5 Ouvrages et articles en langues étrangères
5.3.6 Colloques évoquant l'Action française
5.4 Filmographie
Histoire de l'Action française |
Création |
L'Action française naît en pleine affaire Dreyfus. Le 8 avril 1898 s'organise un petit Comité d'action française où Henri Vaugeois, professeur de philosophie au collège de Coulommiers, et Maurice Pujo coudoient le capitaine Caplain-Cortambert[4] et le colonel de Villebois-Mareuil[5]. L'idée de créer le mouvement est lancée par Maurice Pujo le 19 décembre 1898[6]. Au moment où s'ouvre l'affaire Dreyfus, Maurice Pujo appartient avec Henri Vaugeois à l’Union pour l'action morale que dirige Paul Desjardins, cercle d'intellectuels qui veulent « instaurer le règne de la Vertu et de la Morale »[A 1],[7] dans la société. Vaugeois et Pujo, ne cautionnant pas le soutien de l’Union au capitaine Dreyfus, décident de partir[a]. Vaugeois et Pujo se préoccupent de créer un groupement qui serait une Union pour l'Action française. Fin 1898 est créée la Ligue de la patrie française (antidreyfusarde), pour s'opposer à la Ligue des droits de l'homme (dreyfusarde) qui vient juste d'être créée. Certains des fondateurs de l'Action française participent à la Ligue de la patrie française, mais ce n'est pas le même mouvement[8].
En avril 1899, un premier comité s'organise, bientôt rejoint par Maurice Barrès[6] et Henri Vaugeois. Puis, le 20 juin 1899, le mouvement naît officiellement lors d'une conférence donnée par Vaugeois, rue d’Athènes à Paris, présidée par François Césaire de Mahy, sous le titre : « L'Action française ». Ce groupe de réflexion n'est alors qu'un rassemblement d’intellectuels patriotes sans préjugés politiques, et cela notamment sur la forme du régime, décidés à rechercher les conditions d'un rassemblement national[9]. La Revue d'Action française est fondée au mois de juillet[6]. Il s'agit pour les fondateurs de l'Action française de tirer la leçon du fiasco de la Ligue de la patrie française qu'ils estiment faible sur le plan doctrinal en dépit de son succès (cent mille adhésions recueillies en 24 heures et le patronage de la moitié de l'Académie française)[C 1]. Le but est d'effectuer une réforme intellectuelle du nationalisme. Jamais le mouvement ne s'écartera de la préoccupation doctrinale de ses origines[C 1].
Le premier numéro de cette revue bimensuelle de petit format et de couverture grise fait état du compte-rendu de la réunion publique faite par Vaugeois. Le second numéro, auquel commence la pagination, paraît le 1er août 1899. Lors de son premier éditorial, Vaugeois intitule « Réaction d'abord » son article manifeste. Vaugeois était alors républicain ; sa revue le fut, tout en acceptant la collaboration du monarchiste Charles Maurras mais aussi des républicains, des catholiques et des libres penseurs[C 1]. Leur mot d'ordre est « la seule France » et leur leitmotiv est de réagir contre l'anarchie qu'ils déclarent « résulter de la proclamation sans précaution ni contrepartie » des droits de l'homme[C 1]. Dès 1899, la revue qu'ils publient s'affirme antisémite, hostile à la démocratie[A 2] et rejette « la liberté comme base de l'ordre social »[A 3].
Le rôle de l'affaire Dreyfus |
L'Action française est, dès sa création, radicalement engagée dans le camp antidreyfusard. Elle se félicite de sa condamnation et conteste le décret de grâce qui lui est ultérieurement accordé, dans la mesure où, par antisémitisme[b], elle voit en lui la quintessence du « Juif traître »[c]. Justifiant le « faux Henry », après que celui-ci fut découvert[d], Maurras poursuit Dreyfus de ses invectives. Ne s'intéressant pas, au fond, à la question effective de l'innocence ou de la culpabilité de Dreyfus, qui devait selon lui être sacrifié à l'intérêt national[D 1], il généralise le cas Dreyfus en dénonçant ses défenseurs[D 2].
Après la grâce de Dreyfus (1899) et plus encore après sa réhabilitation (1906), l'Action française n'aura de cesse, pour reprendre le mot de Maurras, de « réviser » l'affaire. Elle mènera ainsi de 1906 à 1911 une campagne ininterrompue et d'une rare violence qui lui vaudra d'être plusieurs fois lourdement condamnée à la suite des plaintes portées par le commandant Dreyfus lui-même[10].
L'Enquête sur la monarchie |
Les deux premiers fascicules de l’Enquête sur la monarchie paraissent en 1900 dans les colonnes de la Gazette de France sous la plume de Charles Maurras (le troisième paraîtra en 1903). L'idée de ce qui, selon Raoul Girardet, constitue sans doute « la dernière des grandes utopies politiques du XIXe siècle français[H 1] », est de diffuser les conclusions expérimentales auxquelles Maurras est parvenu et de privilégier une clientèle issue des rangs d’un parti royaliste en désarroi mais essentiellement de religion catholique. Il y affirme que « l'ouvrier, le serviteur, le chef de la défense et de la grandeur françaises ne peut être que le descendant des Chefs fondateurs et conservateurs, le Roi ». La légitimité du pouvoir monarchique en France repose pour Maurras sur sa capacité à assurer le salut public[11].
En disciple d’Auguste Comte, Maurras entend que « le pouvoir spirituel » soit le dénominateur commun à partir duquel la société pourra se reconstruire et définit le royalisme comme « une union nationale supérieure à toute division de partis » et accueillante aux « libertins de gauche », comme aux catholiques de droite. Il déclare notamment à Barrès son ambition de « conquérir au royalisme non seulement l’Action, mais vous-même et la France entière[12] ».
Le nationalisme maurrassien va dès lors s’articuler et se définir comme la volonté de restaurer un pouvoir fort dont le but est de rendre la nation à elle-même en rétablissant les fondements de l’État, l’armée, la magistrature, l’Église, et ce, en excluant les étrangers, nomades, immigrés sans racines, qui « campent » sur le territoire national, c’est-à-dire ce qu'il appelle les « quatre États confédérés », à savoir les juifs, les protestants, les francs-maçons et les métèques[13]. Depuis la mort du comte de Chambord en 1883, le sentiment royaliste était frappé à mort. Son déclin s'était précipité avec le soutien au boulangisme et avec la mort du comte de Paris (1894)[C 2]. Son fils ne parvenait pas à susciter d'enthousiasme ni à être crédible en tant qu'héritier de la maison de France. Le zèle, « la conviction têtue et la force persuasive » de Maurras, alors âgé de 32 ans, et le ralliement d'une poignée de jeunes hommes allaient régénérer « le vieux tronc et lui infuser une sève nouvelle » : un néo royalisme plus combatif et plus jeune mais sans « l'attachement quasi religieux à la personne du roi »[C 2], un royalisme positiviste[C 3].
Au sein du mouvement, Charles Maurras insuffle une nouvelle idéologie, le nationalisme intégral, qui reprend des éléments traditionnels. Dans le vocabulaire de l'Action française, le nationalisme intégral a toujours désigné le nationalisme qui conclut à la monarchie. L'historien René Rémond, dans son ouvrage de référence sur les droites françaises, souligne que l'Action française demeurera toujours plus nationaliste que monarchiste et plus monarchiste que royaliste[C 4]. À partir de 1903, l'Action française est dotée de ses deux traits fondamentaux (le nationalisme et le monarchisme) et a ainsi amalgamé dans son idéologie « deux des trois courants de la Droite française »[C 3]. Le mouvement se fait désormais le vecteur « d'une monarchie héréditaire, antiparlementaire et décentralisée » avec le soutien de figures des lettres françaises d'alors tels Paul Bourget et Jules Lemaître[C 2],[14].
L’autorité croissante de Maurras et de son nationalisme intégral finit par éloigner les derniers partisans républicains de l'Action française ou bien de les convertir au monarchisme (Vaugeois, Pujo, Lucien Moreau, Jules Lemaître)[13] bien qu'une partie de la clientèle catholique visée répugne à adhérer à ce nouveau royalisme. Les nationalistes républicains ne furent pas exclus de la Revue d'Action française, mais ils s'éloignèrent. Caplain résigna ses fonctions d'administrateur de la revue. La liste des collaborateurs où Barrès figurait au verso de la couverture, avec d'autres républicains nationalistes, disparut le 15 février 1903[15].
Un mouvement attaché au catholicisme |
En ce début de XXe siècle, la République française cherche à élever un rempart de sécularisation entre l’Église et la société ; un fort courant anticlérical se développe. Considérée par certains catholiques comme une « invasion laïque[16] », cette politique conduit à la Loi de séparation des Églises et de l'État en 1905[e]. « Après avoir mis Dieu hors de l'école, le bloc républicain décide de le pousser hors de l'État[f] »[G 1]. Un « malaise catholique » voit alors le jour, les catholiques se sentant assiégés, « exilés dans leur patrie » selon l'expression de Michel Lagrée et, comme le note Véronique Auzépy-Chavagnac, la plupart sont opposés au gouvernement. En réaction à la mise en place progressive de la laïcité, des manifestations publiques sont organisées.
C'est dans ce contexte particulier que l'Action française est créée.
La plupart des membres de l'Action française sont élevés dans le milieu catholique. Comme l'écrivait René Rémond dans la préface de l'ouvrage de Véronique Auzépy-Chavagnac, ces derniers « retrouvent les valeurs d'ordre, d'autorité, de tradition qui définissaient le catholicisme intransigeant du XIXe siècle, héritage du combat contre la Révolution et ses principes jugés pernicieux, réactivé par Maurras et légitimé par une lecture fondamentale de Saint-Thomas d'Aquin. »
Au début du XXe siècle, les catholiques voient en l'Action française un retour à l'expression politique qui leur donne une doctrine pour faire face à la laïcisation de la société. Nombre de catholiques se sentent en effet comme dépossédés de leur citoyenneté et l'AF est là pour rétablir leurs droits sur la nation. Mais ils voient aussi en l'Action française une défense rigoureuse de l'énoncé dogmatique de la foi chrétienne[17],[18]. En effet, « en un temps où le rationalisme et la libre-pensée dénonçaient l'obscurantisme de la dogmatique catholique, où, dans l'Église elle-même, d'aucuns déjà répugnaient à défendre ces enseignements indiscutables (au sens étymologique du terme), Charles Maurras, hostile au pré-modernisme blondélien, célébrait le dogme, le défendait contre les attaques modernistes. »[19] Sa défense du dogme, fondement nécessaire « de toute morale complète »[20] selon lui, et son opposition vive « à la fois du transformisme dogmatique et d'un quelconque subjectivisme en matière de révélation » ont facilité le développement de sympathies de certains théologiens envers celui qui, « de l'extérieur de l'Église, guerroyait contre ceux qui en son sein, combattaient la théologie traditionnelle »[19].
La condamnation du Sillon par Rome en 1910[21] augmente d'autant plus l'intérêt des catholiques pour l'Action française. Le mouvement de Maurras, de par la foi chrétienne partagée par ses membres et selon des considérations sociales et politiques, voit en l'Église catholique, apostolique et romaine l'instigateur de l'équilibre politique français et l'assurance d'un corps social français en bonne santé.
Charles Maurras poursuit par ailleurs une œuvre littéraire néoclassique, écrivant ainsi Le Chemin du paradis en 1894 et Anthinéa en 1901. Ces deux ouvrages lui font craindre une condamnation par l'Index. Malgré cela, les catholiques ne rejettent pas le mouvement d'Action française, ce qui peut s'expliquer en deux points :
- les sympathisants du mouvement maurrassien ne lisent pas forcément Maurras ;
- beaucoup de catholiques faisaient la différence entre l'œuvre du mouvement et celle de l'homme.
Le cardinal Billot raisonnait d'ailleurs de cette manière quand il essayait de persuader Pie X de ne pas condamner l'AF pour ces écrits : « Les livres de Maurras n'ont rien à voir avec l'Action française[22]. »
Lignes directrices de la politique d'Action française |
Charles Maurras, le chef du mouvement d'Action française, distingue le « pays réel » du « pays légal » (les institutions républicaines). Ces expressions lui servaient à affirmer dans les débuts de la Troisième République que la vie politique française (« pays légal ») serait totalement étrangère aux préoccupations et aux besoins de la France.
Le principe électoral et le suffrage universel |
L'Action française pense que le vote nécessite une formation en science politique. Maurras en parlait ainsi : « La politique est une science parce qu'elle est un métier ou plutôt un art. Cet art de servir l'intérêt général suppose instruction, éducation, apprentissage, compétence. » Il continue : « les électeurs sont incapables de se prononcer en faveur du bien public, incompétents pour le discerner, inaptes à désigner les bons gouvernants[23]. »
Maurras pense que le suffrage universel est conservateur :
« Nous n'avons jamais songé à supprimer le suffrage universel, dit-il. On peut dire que le suffrage universel doit élire une représentation et non un gouvernement, sans vouloir supprimer ce suffrage, et en voulant tout le contraire. Car ce suffrage, entre bien des vertus ou bien des vices, possède une propriété fondamentale, inhérente à son être même : le suffrage universel est conservateur […][g]. »
L'Action française s'oppose violemment à la démocratie, à la république, et au parlementarisme : « L'ultime recours de la restauration nationale résidait dans le coup d'État »[A 4]. » Maurras écrit d'ailleurs :
« la démocratie c'est le mal, la démocratie c'est la mort[23] »
Mais en 1910, Maurras salue l'arrivée des femmes dans le cycle des études supérieures[D 3]. Considérant qu'elles seraient plus sensibles aux arguments traditionalistes et catholiques que les hommes, il demande le droit de vote des femmes[D 3] dès 1919, qui ne leur a été accordé que par l'ordonnance du 21 avril 1944 du Gouvernement provisoire de la République française. De façon générale, Charles Maurras aimait les femmes et cela se traduisit par des prises de position politiques : en 1910, il salua l'entrée des femmes dans le cycle des études supérieures : « Représentez-vous ce que les 2 500 étudiantes de Paris nous annoncent d'artistes, de lettrées, d'avocats, de doctoresses et tout ce qu'elles vont faire d'imitatrices, étudiantes de demain, parmi les fillettes qui sautent à la corde ou préparent leur première communion[24] ? » Il rappelait que les femmes avaient voté sous Louis XVI dans les paroisses[25]. Touchée par les pages que lui consacra Maurras, la poétesse saphique Renée Vivien compara Maurras à un « Archange »[26],[h].
Pensée économique et sociale |
C'est avec une conviction raisonnée que l'Action française, animée d'un esprit social hérité des enseignements catholiques, ouvrier du fait de ses positions contrerévolutionnaires[i] et prolétaire[j], expose à partir de 1908 « la nécessité d'incorporer le prolétariat à la société, de donner aux ouvriers de la grande industrie des garanties sérieuses qui fissent partie du statut national. » Ainsi, déjà favorable au corporatisme, elle devient sur le plan économique proche du patronat[B 1].
D'ailleurs, dans les années 1909-1910, déçu par la CGT, Georges Sorel se rapproche un temps de l'Action française — sans toutefois en partager le nationalisme ni la visée politique. Ses idées inspirent les initiateurs du Cercle Proudhon formé en décembre 1911 afin de rassembler syndicalistes révolutionnaires et royalistes autour de l'instauration de salut public d'une monarchie fédérative, donc sociale. Des tentatives de rapprochement avec le « syndicalisme jaune » de Pierre Biétry sont également effectuées[27]. Mais ces efforts pour gagner le monde ouvrier demeurent toutefois vains[28].
En dépit de l'appui mesuré et prudent qu'il donna au Cercle Proudhon, cercle d'intellectuels divers et indépendants, Charles Maurras défendit une politique sociale plus proche de celle de René de La Tour du Pin ; Maurras ne fait pas comme Georges Sorel et Édouard Berth le procès systématique de la bourgeoisie où il voit un appui possible[29]. À la lutte des classes, Maurras préfère opposer comme en Angleterre, une forme de solidarité nationale dont le roi peut constituer la clef de voûte.
À l'opposé d'une politique de masse, il aspire à l'épanouissement de corps intermédiaires librement organisés et non étatiques, l'égoïsme de chacun tournant au bénéfice de tous. Les thèmes sociaux que traite Charles Maurras sont en concordance avec le catholicisme social et avec le magistère de l’Église tout en relevant également d'une stratégie politique pour arracher à la gauche son emprise sur la classe ouvrière[30].
Comme l'Action française, le Cercle Proudhon est décentralisateur et fédéraliste, et insiste sur le rôle de la raison et de l'empirisme ; il se trouve loin de l'irrationalisme, du jeunisme du populisme, de l'intégration des masses dans la vie nationale qui caractériseront par exemple les ambitions du fascisme italien, gonflé par les conséquences sociales de la guerre[29]. Charles Maurras veilla cependant à ce que le Cercle Proudhon ne soit pas intégré à l'Action française : il rejetait en effet le juridisme contractualiste de Proudhon, qui représente pour lui un point de départ plutôt qu'une conclusion : « Je ne dirai jamais : lisez Proudhon qui a débuté par la doctrine réaliste et traditionnelle, mais je n'hésiterai pas à donner ce conseil à quiconque ayant connu les nuées de l'économie libérale ou collectiviste, ayant posé en termes juridiques ou métaphysiques le problème de la structure sociale, a besoin de retrouver les choses vivantes sous les signes sophistiqués ou sophistiqueurs ! Il y a dans Proudhon un fort goût des réalités qui peut éclairer bien des hommes[20]. »
L'antisémitisme d'État |
Lors de la création de la Ligue d'Action française au printemps 1905, « la lutte antijuive est au cœur du combat contre la République. Jusque-là, l'AF était une association d'intellectuels qui se réunissaient au café de Flore et lançaient leurs mots d'ordre dans une revue paraissant tous les quinze jours. Dorénavant, le mouvement dispose de troupes préparées à l'agitation et au coup de poing. La doctrine est fixée, la stratégie également : ces combats prendront pour cible privilégiée les Juifs », observe l'historien Laurent Joly[31]. Ainsi, chaque ligueur de l'Action française doit prêter un serment qui affirme notamment : « Seule, la Monarchie assure le salut public et, répondant de l’ordre, prévient les maux publics que l’antisémitisme et le nationalisme dénoncent[31]. »
Laurent Joly souligne que « jusqu'en 1914, l'antisémitisme de l'Action française est radical et absolu : un Juif n’est pas, ne peut pas être un Français. La doctrine de l’« antisémitisme d'État », théorisée aux débuts des années 1910, se résume alors en une seule proposition : éliminer le Juif de la vie de la Cité en lui retirant sa « nationalité fictive de Français », en le replaçant dans le statut d'éternel étranger d’avant la Révolution française[32]. » Lors d'une réunion de l'Action française en 1912, en réponse à une question du nationaliste Charles Mordacq, ancien secrétaire du marquis de Morès, Bernard de Vesins affirme : « Le Roi fixera le statut des Juifs. Ce que nous voulons, c'est moins expulser les Juifs du territoire, que les expulser de notre nationalité. On peut avoir besoin de Juifs pour de basses besognes ou pour des services matériels d'argent. Mais on ne peut les utiliser que sous le Roi, qui se charge en revanche de les protéger parfois contre d'excessifs débordements populaires »[33].
Durant la Grande Guerre, la ligue monarchiste réaffirme déplorer « de voir les Juifs gouverner la France » mais honore des juifs tués au front, au nom de l'Union sacrée[34]. Les historiens Léon Poliakov[35] et Michel Dreyfus résument cette position ainsi : « pour L'Action française de Maurras un bon Juif est d'abord un Juif mort au combat[36]. »
À compter de 1920, l'Action française formule les critères de « « juifs bien nés » et de « services rendus » (notamment à la guerre) susceptibles de laver les Juifs français, et eux exclusivement, de la tare judaïque », observe ironiquement l'historienne Catherine Nicault[37]. Selon l'analyse de Laurent Joly, « cette ouverture aux « bons serviteurs » maintient une relation fondamentalement dissymétrique. L'atténuation théorique née de la Grande Guerre est d'abord et avant tout une légitimation de l'« antisémitisme d'État » : le « Juif bien né » est une pierre de plus à l’édification de la pensée maurrassienne, une confirmation de sa bienfaisance. Dans les faits, les Juifs d'AF n'ont le choix qu'entre la mort sacrificielle ou l'aliénation[38]. »
D'après Catherine Nicault, « la plupart des israélites » nourrissent des espoirs mesurés à la suite des années d'Union sacrée et estiment avoir acquis « un titre de propriété [français] définitif » pour eux et leur descendance. Ils apprécient donc que « l'antisémitisme de l'AF, dans l'ensemble, a[it] déplacé sa cible à l'extérieur des frontières. » Toutefois, « les responsables communautaires restent sur la réserve » et relèvent plusieurs manifestations de l'antisémitisme maurrassien durant les années 1920[39]. Catherine Nicault conclut que les « Français israélites » ne partagent pas une analyse commune de l'antisémitisme : à l'exception du groupe minoritaire des « israélites « nationaux » [...], les autres « familles » israélites, et particulièrement l'élite communautaire, n'ont pas cessé [...] d'être conscientes du danger antisémite, se divisant toutefois, et profondément, sur la tactique à lui opposer. » Quant à l'opinion des juifs français sur l'antisémitisme de l'Action française en particulier, Nicault affirme que « hormis les antifascistes qui considèrent que les disciples de Maurras comptent au nombre des « pires ennemis des Juifs », les « Français israélites » ont tendance à ne pas les mettre tout à fait dans le même sac que les autres [antisémites français]. Il est apparu que la minorité juive « autochtone », profondément patriote, fait preuve d'une sensibilité, voire d'une porosité sans équivalent à l'égard des thématiques du nationalisme intégral et de l'AF. D'où des attitudes de compromis, une attirance, voire une imprégnation dans certaines de ses marges[40]. »
Dans les années 1930, Charles Maurras tente de théoriser un « antisémitisme d'État » qu'il différencie d'un « antisémitisme de peau »[41]. L'historienne Carole Reynaud-Paligot note que le chef de l'Action française souhaite établir une distinction entre « l'antisémitisme allemand dont il expliquait la « tradition de brutalité » par les fondements biologiques de la notion de race, par l'idéologie de la race pure et un antisémitisme français à qui il déniait son caractère raciste en raison de son absence de fondements biologiques[42]. »
Or l'historien Ralph Schor affirme que la différence entre « antisémitisme d'État » et « antisémitisme de peau » est essentiellement théorique : « dans la pratique, le maître à penser de l'Action française ne différait guère des autres antisémites[43]. » De même, Carole Reynaud-Paligot relève que les « représentations essentialistes » imprègnent la vision d'une « race française » dotée par Maurras de « fondements biologiques[44]. » L'historienne souligne également que « Laurent Joly a [...] montré que Maurras et ses compagnons de l'Action française adhèrent pleinement à une conception naturalisante de la judéité et qu'ils soutiennent que l'hérédité raciale, en assurant la transmission des caractères intellectuels et moraux, rend le Juif inassimilable. Cette déclaration de Maurras au début de l'Occupation en témoigne : « J'ai vu ce que devient un milieu juif, d'abord patriote et même nationaliste, quand la passion de ses intérêts proprement juifs y jaillit tout à coup : alors, à coup presque sûr, tout change, tout se transforme, et les habitudes de cœur et d'esprit acquises en une ou deux générations se trouvent bousculées par le réveil des facteurs naturels beaucoup plus profonds, ceux qui viennent de l'être juif »[42]. »
Laurent Joly observe que « durant l'entre-deux-guerres, la prose maurrassienne a habitué les lecteurs de L'Action française à un antisémitisme d’autant plus légitimé qu'il se présentait sous des dehors rationnels, avec ses exceptions pour les « Juifs bien nés » et ses considérants politiques. Dans l'opinion d'extrême droite et dans de larges franges de la droite conservatrice, les articles de Maurras ont imposé comme une évidence la nécessité de « régler la question juive » d'un point de vue politique : soit dans le cadre plus étendu du problème des « métèques », soit par une dénaturalisation des Juifs français, soit, enfin,par un « statut » particulier définissant des limitations et interdictions professionnelles. Ces trois options, théorisées dans les pages de L'Action française durant près de trois décennies, sont celles qui, dès l'été 1940, retiendront l'attention du gouvernement de Vichy[45]. »
L'Action française tient un discours violemment antisémite sous l'Occupation[D 4]. Lors de son procès en 1945, Maurras déclare ignorer les pratiques d'extermination dans les camps, et tient des paroles de compassion pour les victimes[D 5]. En 1952, « hanté par la crainte de nouveaux cataclysmes », Maurras désignera « les camps d'extermination allemands ou « moscovites » comme les lieux où risquent de périr les nations » et « en constate l'horreur à l'échelle de l'Histoire, mais sans en percevoir la spécificité génocidaire[D 6] ».
Les moyens de l'action : presse, Ligue d'Action française et Camelots du roi |
Fondation d'un journal quotidien |
La Revue d'Action française est remplacée par Action française quotidienne, organe du nationalisme intégral, qui paraît pour la première fois le 21 mars 1908. Sa devise est une citation du duc d'Orléans : « Tout ce qui est national est nôtre ». Ce quotidien exista « jusqu'à l'été 1944, où il connut une fin abrupte, en même temps que le régime qu'il avait contribué à inspirer[A 5] ».
Beaucoup de donateurs sont de la noblesse ; en 1912, le prétendant orléaniste au trône donne mille francs par mois[A 6]. Mais cette presse — qui envoyait des milliers d'abonnements gratuits et qui devait payer les amendes aux tribunaux pour les articles diffamatoires qu'elle publiait — était fortement déficitaire et faisait régulièrement appel à des souscriptions pour lutter « contre l'or juif »[A 6]. Entre 1920 et 1926, « les pertes du journal s'élevèrent à près de cinq millions de francs ». Le milliardaire François Coty donna 2 millions de francs à l'Action française entre 1924 et 1928[A 7]. Entre 1930 et 1935, la perte moyenne dépassait le million de francs par an[A 8]. Finalement, « la seule période où le budget de l'Action française paraisse s'être trouvé en équilibre, c'est peu avant qu'il ait cessé de paraître, à Lyon, quand les ventes furent assurées et les autres activités en panne »[A 9], après avoir refusé, en 1941, les subventions du ministère de l'Information de Vichy dont bénéficiait la presse repliée dans la zone libre[A 10].
De nouvelles personnalités rejoignent les rangs du mouvement, telles le polémiste et romancier Léon Daudet, l'historien Jacques Bainville, le critique Jules Lemaître, l'écrivain Paul Bourget, l'économiste Georges Valois, etc.
On peut lire dans l'article initial :
« Nous apportons à la France la Monarchie. La Monarchie est la condition de la paix publique. La Monarchie est la condition de toute renaissance de la tradition et de l'unité dans notre pays. C'est pour l'amour de cette unité, de cet ordre, que commence aujourd'hui notre guerre quotidienne au principe de la division et du mal, au principe du trouble et du déchirement, au principe républicain.
À bas la République ! et, pour que vive la France, vive le Roi[5] ! »
Suivaient les signatures d'Henri Vaugeois, Léon Daudet, Charles Maurras, Léon de Montesquiou, Lucien Moreau, Jacques Bainville, Louis Dimier, Bernard de Vesins, Robert de Boisfleury, Paul Robain, Frédéric Delebecque et Maurice Pujo.
Dès lors, l'ensemble de la presse maurrassienne rencontre un certain succès[46]. L'année 1908 voit aussi la naissance de la Revue critique des idées et des livres, qui est, jusqu'à la guerre, le « laboratoire d'idées » et l'organe littéraire du mouvement maurrassien.
Peu avant la condamnation papale, le quotidien vit son apogée. Ainsi, beaucoup d'officiers de l'Armée française sensibles au nationalisme intégral de Maurras[47] lisent le journal. En 1926, alors que le journal tire à près de 100 000 exemplaires[E 1], le journal nationaliste compte, selon Eugen Weber, 45 000 abonnés et le même nombre d'acheteurs au numéro[A 11] auxquels il faut ajouter les 25 000 abonnés du supplément du dimanche, L'Action française agricole[E 1]. En 1920, son tirage n'était que 60 000 exemplaires[48] Le 5 février 1934, le tirage atteint une pointe de 200 000 exemplaires[48]. Mais en 1939, il est revenu à 45 000 exemplaires.
Mais en cette même année, la condamnation romaine entraîne une non-reconduction de beaucoup d'abonnements bien que certains restent fidèles au journal tel le capitaine Philippe de Hautecloque qui sera un lecteur assidu de Bainville et de L'Action française dans les années 1930[49].
Au niveau militaire d’ailleurs, c’est à partir de 1928, qu’une page spéciale contenant la rubrique du général Lavigne-Delville est imprimée le 10 et le 25 de chaque mois formant ainsi la liaison entre presse, armée et pouvoir[50].
Quant à La Revue universelle, elle se vend en 1930 à 9 000 exemplaires[A 11] et La Restauration nationale, organe royaliste présent dans la région de La Rochelle depuis 1928, absorbe L’Écho de Touraine.
La Ligue d'Action française |
En 1905 est créée la Ligue d'Action française. Son objectif déclaré est « de renverser la République et de rétablir la monarchie[E 2] ». Les adhérents prêtent serment où ils s'engagent « à combattre tout régime républicain » et à « servir par tous les moyens » la restauration de la monarchie[B 2].
Selon Ariane Chebel d'Appollonia, « la majorité [de ses] effectifs provient de la bourgeoisie » et « la part des ouvriers est très faible et n'ira qu'en diminuant »[E 3]. Paradoxalement, c'est l'effet inverse qui se produit dans le Languedoc méditerranéen : entre 1912 et 1914, une section de commis, une autre d'employés de commerce et un groupement de cheminots d'Action française se développent. Un « théâtre d'Action française » voit même le jour[F 1].
Mais dans son ensemble, l'Action française « devient peu à peu le refuge d'un conservatisme strict »[E 4], comme d'une obéissance souvent aveugle aux dirigeants du mouvement : selon l'historien Jacques Prévotat, « un des traits les plus frappants de l'emprise de l'Action française est la crédulité et la naïveté avec lesquelles les ligueurs accueillent sans l'ombre d'esprit critique les démonstrations des chefs du mouvement[B 3] ».
Concernant les femmes, la plupart des ligues nationalistes, au début du XXe siècle, comme celle de l'Action française, ne leur sont pas ouvertes[51]. Cependant, les liens étroits établis avec les milieux catholiques conservateurs ont permis le contact avec des groupements féminins.
L'Institut et les Camelots du roi |
En février 1906, l'Action française fonde son Institut afin, dit-elle, « de redresser les intelligences qu'ont égarées la littérature et la philosophie du dix-neuvième siècle, la presse, le haut enseignement de l'Université républicaine ». L'Institut, qui se compose de huit chaires, est financé par le colonel Fernand de Parseval[A 12].
L'Action française possède alors un grand prestige[52]. L'historien français Jean Touchard, dans l'article de l’Encyclopædia Universalis qu'il consacre à l'Action française, attribue trois raisons à l'influence du mouvement royaliste sur l'opinion publique :
- d'abord, la pensée de Maurras « se présente comme un ensemble parfaitement cohérent » ;
- ensuite, une « doctrine d'opposition absolue » ;
- et enfin, « l'incontestable qualité littéraire de l'Action française, la liberté de ton dont témoigne la rubrique littéraire[53] ».
La doctrine de l'Action française attire alors une partie des élites catholiques[4], mais aussi une partie de la jeunesse française de droite[F 2], en particulier dans le « Quartier latin » à Paris[54] comme en témoigne le contingent important de sympathies que fournit l'École nationale des chartes avant et après la Première Guerre mondiale[A 13], de même que l'Institut catholique, les facultés de droit de la capitale et plus modérément celles de médecine et de pharmacie, les Beaux-Arts et la « Khâgne » du lycée Louis-le-Grand sous l'impulsion de André Bellessort[55]. Toutefois, en dépit de la présence de plusieurs normaliens maurrassiens au début des années 1930, tels Robert Brasillach ou Thierry Maulnier[56], et bien qu'elle ait été un vivier pour les pages littéraires du journal[57], l'École normale supérieure de la rue d'Ulm reste pour sa part largement réfractaire aux idées nationalistes[F 3].
Les Camelots du roi naissent de l'intervention de Maxime Real del Sarte qui protestait contre la réhabilitation du capitaine Dreyfus. Initialement destinés à vendre le journal aux portes des églises, ils acquièrent la célébrité par leurs « coups de main » dans la rue. On les voit en effet souvent défiler avec « dans la main une bonne canne, dans la poche un bon livre » selon l'expression de Henri Lagrange. Le recours à la violence est effectivement récurrent[G 2],[58], pour empêcher l'expression d'idées différentes[réf. souhaitée]. Ils s'en prennent par ailleurs pour des « prétextes les plus futiles » à des professeurs juifs, comme le recteur Lyon-Caen ou le professeur Wahl[59]. Le doyen Alfred Croiset est également victime de campagnes de l'Action française[A 14].
En juin 1908, la jeunesse de l'Action française manifeste bruyamment contre le transfert des cendres d'Émile Zola au Panthéon de Paris. Les affiches du mouvement proclament alors : « La République est le gouvernement de ces étrangers plus ou moins naturalisés ou métèques, qui ces jours-ci souilleront du cadavre de leur Zola le Panthéon désaffecté ; ils accaparent le sol de la France, ils disputent aux travailleurs de sang français leur juste salaire, ils font voter des lois qui ruinent l'industrie […][k] ».
En décembre 1908, l'affaire Thalamas refait surface : les Camelots veulent empêcher Amédée Thalamas d'assurer un cours libre à la Sorbonne sur « la pédagogie pratique de l'enseignement de l'histoire », perturbent ses cours et agressent le professeur. Thalamas avait déjà été la cible de l'Action française en novembre 1904, alors qu'il était professeur d'histoire au lycée Condorcet, pour avoir selon le mouvement « insulté Jeanne d'Arc » en offrant à ses élèves une vision positiviste de sa vie. Le jeune camelot Georges Bernanos est notamment arrêté pour avoir agressé Thalamas[F 4].
En février 1911, la Comédie-Française affiche une pièce d'Henri Bernstein. Très applaudi sur les théâtres du boulevard, il jouit d'une grande renommée. Son entrée à la Comédie-Française suscite l'opposition de l'Action française. Du 21 février au 2 mars, ses militants troublent les représentations et conspuent le dramaturge, qualifié par eux de « juif déserteur ». Suivent des manifestations nationalistes dont la plupart sont scandées par des « À bas les Juifs ! »[F 5]
Les Camelots du roi sont aussi présents chez quelques étudiants et lycéens. Ainsi, l'Action française met à leur disposition une salle de réunions, une salle de lecture avec des journaux, des revues et une bibliothèque et crée pour les étudiants une bourse aux livres. Au début des années 1920, l'AF leur propose même un cercle de tennis et ouvre une salle d'armes à leur intention[F 6].
Associations proches et sociabilités |
Les anciens combattants d'Action française sont rassemblés dans l'Association Marius Plateau, déclarée légalement en janvier 1930[60]. Son premier président a été Joseph Darnand. Elle est ensuite présidée par Georges Gaudy.
Des adhérents de la ligue ont fondé à partir de 1926 le Cercle Fustel de Coulanges, pour les universitaires, professeurs du secondaire et instituteurs. Des banquets corporatifs accueillent par ailleurs des membres ou proches de la ligue dans l'entre deux guerres, notamment les médecins à partir de 1927[61], autour du docteur Paul Guérin jusqu'à ce qu'il quitte l'AF en 1930[62], puis autour de Charles Fiessinger, ami et médecin de Maurras[63], de 1931 à 1935 puis en 1939[64]. L'un des médecins les plus fidèles, dès 1927, a été le docteur Théophile Alajouanine. L'AF a aussi rassemblé des médecins sympathisants en province, entre 1933 et 1936[65]. Certains banquets ont été interdits par des préfets après la dissolution de la ligue en 1936, comme à Lille ou à Lyon[66]. Cette tradition des banquets médicaux a été revivifiée en 1963[67].
Un rayonnement politique important |
De 1900 à 1926, l'influence de l'Action française est considérable et ne peut se jauger au seul tirage de son journal et encore moins aux effectifs des Camelots du roi[C 5]. En effet, l'Action française se développe par delà les frontières françaises. Ainsi, peut-on voir une influence voire sa présence en Belgique, en Suisse, en Italie, en Espagne, en Roumanie mais aussi en Amérique du Sud et au Canada français.
En France |
À ses débuts, l'influence de l'Action française se situe dans les salons provinciaux et repose sur certaines notabilités. Héritière des idées sociales de l’Église, elle tente de se rapprocher du prolétariat, ce qui donne naissance en 1911 au Cercle Proudhon. C'est dans ces années que l'AF obtient sa notoriété.
Si liée que soit la doctrine royaliste, elle n'est pas indivisible en ce sens que sans y adhérer on peut s'en inspirer partiellement. L'Action française possède ainsi des zones d'influence, un rayonnement bien plus étendu que le cercle de ses militants.
Si les lendemains du premier conflit mondial marquent l'acmé de l'influence de l'Action française en France, il apparaît que vis-à-vis de l'étranger, le premier conflit mondial coïncide avec une croissance de son expansion[J 1].
De ce fait, dans les années 1930, les étudiants français sont largement sensibles aux thèses nationalistes et patriotiques de l'Action française[68]. « L'enseignement de Maurras séduit de larges fractions de la jeunesse »[C 5].
Plus largement, à cette époque, selon Eugen Weber, bien des Français « sont maurrassiens sans le savoir »[69]. « Le général de Gaulle lui-même a été marqué par l'influence de Maurras qui d'ailleurs est resté germanophobe jusqu'à la fin. »[70]
Comme le relève René Rémond, l'Action française est importante aux yeux de l'Histoire : « [Elle a] rajeuni un royalisme déclinant, renouvelé sa doctrine, doté d'un système de pensée la passion nationaliste et tenté une synthèse originale de leurs apports même contraire »[C 5].
La philosophie réactionnaire apportée par l'Action française imprègne donc une partie de l'opinion française[C 5] facilitant le recrutement. Ainsi, de nouvelles générations arrivent : Robert Brasillach, Thierry Maulnier ou encore Lucien Rebatet. Mais plus tard, elle est frappée par de multiples dissidences. Georges Valois trouve la position de l'AF trop archaïque. Plus tenté par le fascisme que par le monarchisme maurrassien, il veut un chef qui combatte les financiers et les hommes politiques. Il se sépare donc de l’Action française pour fonder le Faisceau, premier parti fasciste français, entraînant environ deux mille adhérents avec lui. À la suite, Louis Dimier se brouille avec Charles Maurras et décide alors de quitter la vie politique. Des éléments monarchistes comme le Dr Martin ou Eugène Deloncle, lassés du conservatisme de la ligue et souhaitant une action directe, s'éloignent du mouvement maurrassien pour fonder la Cagoule, dont l'action est dénoncée par les dirigeants de l'Action française.
En 1934, l'Action française rassemblait 60 000 adhérents, dont 7 000 dans la région parisienne[71].
À l'étranger |
Avant la Première Guerre mondiale, l'AF n'est pas très développée à l'étranger.
- En Suisse romande, La réputation de l'Action française à l'étranger commence dans les années 1908-1909. Le journal quotidien vient alors d'être lancé et il y est fortement lu et commenté, principalement via les actions des Camelots du roi qui impressionne une partie de la jeunesse intellectuelle, comme les frères Cingria[J 2]. La jeunesse étudiante romande commence dès lors à être influencée, telle La Salévia, association genevoise d'étudiants catholiques[72]. Il faut aussi noter la création, en 1910 à Lausanne et en 1911 à Genève, d'un groupe franco-suisse d'AF[J 3]. Quant à la Belgique, l'Action française y est présente à Gand et à Bruxelles sans toutefois y être adaptée voire en étant « caractérisée par une complète marginalité » jusqu'en 1914, selon le mot de l'historien Eric Defoort. Il faut aussi ajouter un groupe romain en 1912[J 3] et un groupe londonien dès 1914[J 1], auxquels s'ajoutent des mentions de Charles Maurras en Espagne et au Canada français, qui commence à y être connu. Ainsi, à la veille du premier conflit mondial, l'Action française « reste hors de France un phénomène marginal »[J 1].
- En Belgique, au cours des années 1930, les idées de Charles Maurras connaissent un vif succès au sein de la jeunesse catholique de droite et serra l'une des inspiratrices du mouvement rexiste.
- En Grande-Bretagne, Charles Maurras fut suivi et admiré par des écrivains et philosophes et a plusieurs correspondants britanniques, universitaires ou directeurs de revue ; en 1917, il a été sollicité par Huntley Carter du New Age et de The Egoist[73],[74]. Plusieurs de ses poèmes furent traduits et publiés en Grande-Bretagne où Maurras a de nombreux lecteurs parmi les High Church de l'anglicanisme et les milieux conservateurs[75]. On compte parmi ses lecteurs T. S. Eliot ou T. E. Hulme. Eliot trouva les raisons de son antifascisme chez Maurras : son antilibéralisme est traditionaliste, au bénéfice d’une certaine idée de la monarchie et de la hiérarchie. Music within me, qui reprend en traduction les pièces principales de La Musique intérieure paraîtra en 1946, sous la houlette du comte G.W.V. Potcoki de Montalk, directeur et fondateur de la The Right Review[76],[77]. La condamnation de 1926 eut ainsi des effets jusqu'en Grande-Bretagne où elle détourna du catholicisme des partisans de la High Church, déçus par le juridisme romain : la conversion de T. S. Eliot à l’anglicanisme, l’éloignement du catholicisme de personnalités comme Ambrose Bebb sont liés à cet événement[78]. Eliot inséra une citation en français de L’Avenir de l’intelligence dans son poème « Coriolan » qu’il tenait pour un maître livre pour sa satire des honneurs officiels[79].
- Au Canada, la pensée maurrassienne a été adoptée par des groupes d'intellectuels sensibles à cette référence prestigieuse pour intervenir dans des débats culturels, identitaires et politiques : L'AF est un périodique puis le nom d'une ligue (1921-1927), soutenus par un groupe de défenseurs de la langue française et dirigé pendant dix ans par le prêtre Lionel Groulx qui est le théoricien : défense de la langue française, de la famille, de la ruralité. La ligue défend l'idée d'un État pour les Canadiens français, protecteur contre les menaces de la modernité urbaine. Certains eurent des contacts personnels avec des dirigeants de l'Action française et retinrent de la pensée de Maurras l'hostilité à la démocratie et au parlementarisme, la distinction entre pays légal et réel et les conceptions esthétiques (génie latin, classicisme français). Le mouvement changera de nom et deviendra l'Action canadienne française puis l'Action nationale[80].
- Au Mexique, Jesús Guiza y Acevedo, surnommé « le petit Maurras », et l'historien Carlos Pereyra (es).
- En Espagne, il existe un mouvement proche de l'Action française Cultura Española, qui dispose de sa revue Acción Española et joue un rôle important durant les années 1930[J 4].
- Au Pérou, le marquis de Montealegre de Aulestia a été influencé par Maurras. Ce grand penseur réactionnaire péruvien, admiratif de sa doctrine monarchique, le rencontre en 1913.
- En Argentine, le militaire argentin Juan Carlos Onganía, tout comme Alejandro Agustín Lanusse, avaient participé aux Cursillos de la Cristiandad, ainsi que les dominicains Antonio Imbert Barrera (es) et Elias Wessin y Wessin (es), opposants militaires à la restauration de la Constitution de 1963.
- Au Portugal, António de Oliveira Salazar qui gouverna le pays de 1932 à 1968 admirait Maurras même s'il n'était pas monarchiste et il fit part de ses condoléances à sa mort en 1952[81].
Un mouvement alerte à l'aube de la Première Guerre mondiale |
L’avant-guerre |
Les années 1908-1914 sont des années de fort développement pour l'Action française. La jeunesse, les ligueurs, les Dames et les Jeunes Filles, le journal, réagissent sans trêve ni merci contre l’antimilitarisme, l’antipatriotisme et le désarmement, ce que l’Action française considérait comme « la décomposition et l’affaiblissement de l’esprit national qui ont suivi l’affaire Dreyfus. » Dans ces années l'idéologie de l'Action française se constitue comme un nationalisme antisémite, théorisant l'antisémitisme d'État et multipliant les insultes contre les Juifs dans son organe de presse[82].
Contexte historique |
En 1906, Georges Clemenceau assure pour la première fois la présidence du Conseil. Avec son gouvernement et son ministre de la Guerre, le général Picquart, il appuie la révolution Jeune-Turque. Cette révolution a pour conséquences l’annexion en 1908 de la Bosnie-Herzégovine occupée depuis 1878, par l'empereur d'Autriche, roi de Hongrie, l’agitation des nationalismes orientaux ainsi que la subversion de l’Orient, facteurs non négligeables des tensions qui règnent alors en Europe.
En 1907-1908, alors que Clemenceau et Picquart occupent toujours les mêmes postes, le budget militaire français ne cesse de diminuer alors que celui de l’Empire allemand ne cesse de s'accroître : l’Allemagne dépense 431 millions de plus que la France[83]. Les cabinets suivants (Briand, Monis, Caillaux) ne modifient en rien cette baisse budgétaire.
Quelques années plus tard, en novembre 1911, la France, dans le but de tempérer la crise d'Agadir, cède à l'Allemagne une partie du Congo français, en échange de la reconnaissance du protectorat français sur le Maroc. À court terme, l'effet attendu est positif mais à moyen terme cela n'est pas le cas. Ainsi, après le compromis d'Agadir, l'Allemagne cesse de s'intéresser au Maroc pour mieux s'intéresser aux évènements qui se déroulent alors en Orient. En effet, l'annexion de la Bosnie-Herzégovine, conséquence de la révolution turque, cristallise la haine des Serbes et des panslavistes à l’égard de l'État habsbourgeois en précipitant certains orthodoxes ou « serbocrates serbes », dans le terrorisme. C'est le cas de Gavrilo Princip, assassin de l'archiduc François Ferdinand, héritier du trône des Habsbourg et de son épouse Sophie. Leur assassinat à Sarajevo, le 28 juin 1914, servit de prétexte au déclenchement de la Première Guerre mondiale.
Le coup d'Agadir, la révolution Jeune-Turque, l'annexion de la Bosnie-Herzégovine, sont vus par Maurice Barrès, Albert de Mun et les dirigeants de l’Action française, parmi lesquels on peut citer Maurras, Daudet et Bainville, comme des facteurs déclencheurs d'un hypothétique péril imminent. Ils sonnent alors l’alerte, s’efforcent d’instruire les pouvoirs publics pour avertir la population française et étrangère dans les colonnes de leur journal.
Selon René Girault, les années 1910-1912 marquent le « réveil national » français face à la menace allemande, l'Action française y participant largement[46]. Parmi les premiers « réveillés », on peut citer le socialiste Marcel Sembat qui écrit en 1913, le pamphlet « Faites un roi, sinon faites la paix » dans lequel « il soutient que le patriotisme belliqueux ne peut convenir à un républicain, à plus forte raison à un socialiste »[84]. Un autre socialiste, Charles Andler, dénonce en 1913 la volonté d’agression de l’Allemagne.
Les élections législatives de 1914 ont pour thème « la folie des armements ».
« Depuis que la Monarchie est tombée », écrit Charles Maurras dans le discours préface du Petit Manuel de l’Enquête sur la Monarchie (1928), « le cœur du pays est ouvert, l’Étranger est entré trois fois dans la capitale, il l’a menacée une quatrième fois, et, si l’on en cherche la cause, on voit que la Démocratie parlementaire ou plébiscitaire n’a cessé d’y contribuer, tantôt, comme en 1792, par l’imprudente volonté de son initiative guerrière, tantôt, comme en 1914, par un désarmement qui provoquait l’initiative de l’ennemi. »
Le rapport Humbert |
En 1912, puis en 1913, l’Action française soutient les cabinets Raymond Poincaré et Louis Barthou qui essayent de redresser le budget militaire. Puis, le gouvernement retourne aux mains des radicaux et des socialistes qui, malgré l’assassinat de Gaston Calmette, protestent contre la loi des trois ans.
Les 13 et 14 juillet, à la tribune du Sénat, Charles Humbert révèle les résultats de la politique menée jusque-là[l] Après cette séance, Georges Clemenceau s’écrie :
« Depuis 1870, je n’ai pas assisté à une séance du Parlement aussi émouvante, aussi angoissante… La vérité, c’est que nous ne sommes ni défendus ni gouvernés[85]. »
À quinze jours des hostilités, la France, selon le commentaire de Maurras, était mise en face du vrai.
La Guerre dans la littérature d’Action française |
Jacques Bainville dans ses articles qui ont formé ses livres Le Coup d’Agadir et La Guerre d’Orient, considérait qu'en cédant le Congo, la France aurait surexcité les appétits germaniques. À la même époque, L’Avant-Guerre de Léon Daudet expliquerait « avec preuves et documents irréfutables, que l'invasion commerciale et industrielle allemande couvre un vaste réseau d'espionnage. »[86] L'ouvrage est sous-tendu par un « antisémitisme délirant » et théorise un complot de l'« Anti-France » se situant dans la lignée de Drumont[82]. Selon l'auteur nationaliste Louis Marchand, écrivant dans les années 1920, il s'en serait suivi une offensive morale des Allemands tournée contre Daudet, Maurras et l'Action française[87].
Charles Maurras, quant à lui, décrivait avant l'heure les conséquences du prochain holocauste : « Cinq-cent mille jeunes Français couchés froids et sanglants sur leur terre mal défendue. »[88] Il témoignera plus tard, devant la Cour de justice du Rhône, de l'œuvre accomplie par l'Action française :
« Maurice Pujo imprima à ses Camelots du roi, à ses Étudiants d'Action Française, aux fonctionnaires d'élite de nos ligues, ce magnifique esprit national, civique, militaire, qui fit reflamber dans la nouvelle jeunesse une âme de patriotisme combattif et pur. Avec Marius Plateau et Maxime Réal del Sarte, on peut dire que, de 1908 à 1914, six années de batailles de rues et de prétoires, six années de prison et de triomphe, restaurèrent le moral national de toutes les classes de la nation. Car les jeunes ouvriers, les jeunes employés étaient aussi nombreux dans leurs rangs, plus nombreux peut-être que les jeunes bourgeois. Ce vieux sang français se réveillait de tous les purs sangs de ses hérédités, mais roulant des métaux d'une vaillance et une générosité inconnues. Le nom de Jeanne d'Arc, son oriflamme, sa devise, les fleurs que l'on apportait à ses statues, comme à des autels, restent le symbole historique de cette époque de feu. Mais on avait commencé par punir Thalamas, on finissait, comme il le fallait bien, par soutenir le gouvernement qui tenait le drapeau et l'épée de la France. Quand M. Barthou fit voter la loi de trois ans, il disait : « Cela n'aurait pas été possible sans les Camelots du roi », c'est-à-dire l'Action française, qui tinrent en respect l'anarchie révolutionnaire[89]. »
— Charles Maurras devant la Cour de justice du Rhône, Le Procès de Charles Maurras - Cour de justice de Lyon, janvier 1945.
La Grande Guerre |
Quand la guerre éclate en 1914, l'Action française se plie à l'Union sacrée en apportant un « soutien ferme et indéfectible aux gouvernements en place[90] ». Dans ses Mémoires, à la date du 28 octobre 1917, Raymond Poincaré écrit : « Depuis le début de la guerre, Léon Daudet et Charles Maurras ont oublié leur haine contre la République et les républicains, pour ne plus penser qu’à la France »[91].
Le complot des panoplies |
Pendant la guerre, L'Action française dénonce les industriels traitant avec l'Allemagne. Il en résulte de nombreux procès en diffamation, dont un conduit à la confiscation du quotidien pendant une semaine. Des descentes de police dans les locaux du journal ont lieu de même que des perquisitions chez Charles Maurras, Marius Plateau ou encore Maxime Réal del Sarte. En octobre 1917, au cours de l'une de ces perquisitions, diverses armes sont saisies. Le journal de l'Action française tourne alors en dérision ce « complot des panoplies », le gouvernement recule et, en novembre 1917, Clemenceau remplacera Painlevé mis en minorité avec l'appui de l'Action française.
Morts et disparus |
Un grand nombre des espoirs militants et dirigeants de l'Action française sont tombés pendant la guerre et Maurras leur rendra hommage dans Tombeaux en 1921 : Henry Cellerier, André du Fresnois, Pierre Gilbert Crabos, Léon de Montesquiou, Lionel des Rieux, Jean-Marc Bernard, Albert Bertrand-Mistral, vingt-et-un rédacteurs de la Revue critique comme Joachim Gasquet, Octave de Barral, Henry Lagrange, Augustin Cochin. L'ouvrage Les morts de l'Action Française, guerre de 1914-1918 en cite 2640 noms.
L'entre-deux-guerres |
Rayonnement de l'Action française |
La fin de la Première Guerre mondiale et l'immédiat après-guerre voient l'audience et le prestige de l'Action française s'accroître.
- C'est avec l'appui de l'Action française qu'en novembre 1917 Georges Clemenceau est nommé à la tête du gouvernement en dépit de la réticence de Maurras pour ce jacobin anticlérical qui a refusé l'offre de paix séparée proposé par l'impératrice Zita ; néanmoins, Clemenceau cherche l'appui moral de l'Action française via l'entremise du député royaliste Jules Delahaye[92].
- La Grande Guerre est pour Charles Maurras une période de développement de l'audience de son journal et de sa pensée. En 1917, le journal voit son nombre d'abonnés augmenter de 7 500. Le journal comptait 1 500 lecteurs en 1908, 22 000 en 1912, 30 000 en 1913, et tire à 156 000 exemplaires en 1918[93]. Les souscriptions augmentent également, ce qui permet en 1917 à L'Action française de quitter son local de la Chaussée d'Antin dans lequel elle avait emménagé en 1908 pour la rue de Rome. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, Charles Maurras et son mouvement bénéficient d'un grand prestige dans l'opinion publique, bien au-delà de son courant politique y compris dans l'établissement politique républicain.
- D'après Bainville, dans les milieux républicains et radicaux, on dit alors que Maurras, en restaurant la grande discussion politique en France a rendu un immense service à la République elle-même en l'obligeant à faire son examen de conscience[94].
- L'Action française atteint son apogée au lendemain de la Première Guerre mondiale et reçoit l'hommage public de Raymond Poincaré[95],[F 7]. Aux élections législatives de 1919, les listes d'Union nationale, soutenues par l'Action française, obtiennent 30 élus, dont Léon Daudet à Paris, ainsi que des royalistes légitimistes et des conservateurs[B 4], parmi lesquels Xavier de Magallon, Victor Rochereau, Xavier Vallat, etc.[A 15] Poincaré se justifie de sa politique en écrivant à Maurras et le félicite pour la délicieuse préface de Trois aspects du président Wilson, « elle aussi chargée de pensée et illuminée de raison française[96]. » Le 1er mars 1925, Maurras est élu « Prince ces écrivains » par les membres de « La plume », succédant ainsi à Anatole France[97].
- Autour de la ligue gravitent aussi un Comité des Dames et de nombreux sympathisants antiféministes comme Marthe Borély. L'influence intellectuelle de Maurras est à son zénith alors que Jacques Bainville et Henri Massis fondent la Revue universelle dans laquelle débutent Jean Cocteau, Pierre Drieu La Rochelle ou encore Henry de Montherlant[95].
- Cette popularité de l'Action française au lendemain de la Grande Guerre se traduit par l'élection de Léon Daudet comme député de Paris à la Chambre bleu horizon ou par la publication par Henri Massis dans Le Figaro du 19 juillet 1919 d'un manifeste « Pour un parti de l'Intelligence » signé par cinquante-quatre personnalités dont Daniel Halévy, Francis Jammes, Jacques Maritain[98].
- En 1924, l'Action française prône un « Bloc de droite »[B 5], mais la force du sentiment républicain empêchait de passer d'une alliance de fait à la Chambre à une coalition assumée en période électorale[A 16]. L'Action française se voit donc contrainte d'affronter isolée les élections de 1924, échec cuisant qui montre alors « l'inefficacité de l'Action française en matière électorale[A 17] » en dehors de circonstances exceptionnelles comme celles de 1919.
Assassinats de royalistes et emprisonnement |
- Le 9 juin 1925, l'article quotidien de Charles Maurras est remplacé par deux lettres ouvertes. La première est adressée au préfet de police de Paris, Alfred Morin et la seconde au ministre de l'Intérieur, Abraham Schrameck[99]. Ces lettres ouvertes font suite à une série d'attentats qui eurent lieu à l'encontre des royalistes et plus généralement des patriotes. Maurras énumère au préfet de police les divers attentats : celui des anarchistes Germaine Berton et Georges Taupin, de Maria Bonnefoy, etc. « Sept cadavres en moins de six mois, sept hommes massacrés par la révolution amie de Blum et de Schrameck, il faut avouer que c'est excessif », « nos amis […] estiment être allé un peu trop souvent au cimetière », ces morts « forment une pléiade funèbre qu'il est tout à fait inutile de laisser s'accroître. »
- La lettre adressée au ministre de l'Intérieur fait état de la politique qu'il mène ou plutôt qu'il ne mène pas contre la pègre. Maurras prévient qu'il demandera le meurtre de Schrameck si la force publique assassine ses partisans : « Il suffira d'essayer de nous désarmer et de nous livrer à vos bourreaux chinois. Vous subirez la peine à laquelle vous serez condamné. C’est sans haine et sans crainte que je donnerai l’ordre de verser votre sang de chien s’il vous arrive d’abuser de la force publique pour ouvrir les écluses du sang français sous les balles et les poignards de vos chers bandits de Moscou. » Maurras dénonce alors la complaisance de la police et de la justice à l'égard de ceux qui ont assassiné ou tenté d'assassiner ses partisans et ne sont condamnés qu'à des peines légères.
- L'assassinat de Marius Plateau en 1923, celui d'Ernest Berger en 1925 et d'autres attentats commis contre l'Action française contribuent aussi à créer un élan de solidarité autour de Charles Maurras et à renforcer son prestige[100], dont témoignent les paroles de Jacques Maritain : « L'idée des dangers que vous courez, rend encore plus cher au cœur de tous ceux qui aiment la France et l'intelligence[101]. »
Léon Daudet : prison, libération et exil |
Condamnation par la Papauté et levée de la condamnation (1926-1939) |
Le 27 août 1926, L'Aquitaine, semaine religieuse du diocèse de Bordeaux, publiait une lettre du cardinal Andrieu. Celle-ci dénonçait la question de Dieu traitée par les dirigeants de l'AF dans leurs livres et articles alors qu'ils s'y déclarent athées ou agnostiques. Le 5 septembre, Pie XI écrit au cardinal Andrieu. S'il le félicite de sa « vigilance paternelle, il s'exprime avec plus de mesure en n'émettant qu'une simple mise en garde »[102].
Après la mise à l'Index de certaines œuvres ouvertement agnostiques de Maurras, Rome condamne l'Action française[103] le 29 décembre 1926. L'ensemble des ouvrages de Maurras ainsi que le quotidien sont mis à l'Index par décret du Saint-Office. Le 8 mars 1927, les adhérents de l'Action française sont interdits de sacrements. Ceci porte un coup très dur au mouvement. En effet, en froid avec la République, beaucoup de catholiques avaient adhéré ou sympathisé avec les idées de l’Action française mais cette condamnation romaine entraîne le départ de pléthore d’entre eux, les détournant de l’engagement antirépublicain au bénéfice d’un engagement répondant à l’action catholique promue par Pie XI. Ainsi, bien qu’elle soit restée l’organisation la plus importante au défilé de Jeanne d’Arc de 1927, son journal quotidien voit ses abonnements baisser en nombre important.
À l'occasion du décès de Pie XI, Pierre-Henri Simon écrit que la condamnation de l'Action française avait été, selon lui, « un des actes doctrinaux et disciplinaires les plus considérables du pontificat. »[m] Le principal reproche fait par Rome au nationalisme intégral était de subordonner la religion à la politique et au nationalisme, car Charles Maurras, rationaliste, se définissait comme agnostique, et ne soutenait le catholicisme que comme le moyen d'unifier la Nation[réf. souhaitée].
L'interdiction faite aux catholiques de lire L'Action française provoque une chute du tirage du journal qui perd la moitié de ses lecteurs entre 1925 et 1928[A 18]. La levée de la condamnation en 1939 ne permet cependant pas au journal et au mouvement de retrouver l'audience perdue.
Au niveau de l’épiscopat, entre 1926 et 1939, les partisans de Maurras se trouvent peu à peu remplacés par de jeunes prélats moins engagés politiquement. En 1936, la guerre d’Espagne ravive l’anticommunisme au sein de l’Église. De nombreux ecclésiastiques, par l’intermédiaire des carmélites de Lisieux, font campagne à Rome en faveur d’une réconciliation avec l’Action française, qui aboutit en juillet 1939 à la levée de l’interdit par le nouveau pape Pie XII.
Les années 1930, l'Action française au cœur des controverses |
- En mars 1925, c'est l'affaire George Scelle qui commence à inscrire le mouvement maurrassien dans une ligne de controverses qui ne cessera plus. Cette première affaire rassemble autour de l'Action française de nombreuses organisations hostiles aux ministères radicaux-socialistes[104].
- Dans un contexte de crise économique et de scandales politiques — notamment l'affaire Stavisky —, les ligueurs d'Action française sont au premier rang de la manifestation antiparlementaire du 6 février 1934[105],[106],[n] qui vise avant tout à protester contre la révocation par Édouard Daladier, nouveau président du Conseil, du préfet de police de Paris, Jean Chiappe[107], du fait de sa proximité avec l'extrême droite[108]. Cette révocation est aussi liée à la découverte par Daladier que Chiappe a freiné l'instruction de l'affaire Stavisky. La manifestation dégénère en combat de rue[109], notamment au pont de Solférino. Le colonel de La Rocque, à la tête de la plus importante des organisations présentes, les Croix-de-Feu, gagne l'esplanade des Invalides mais refuse le coup de force. L'objectif de l'Action française, prendre par la force le contrôle de la Chambre des députés et renverser la République, n'est finalement pas atteint. L'absence de coordination préalable entre les différentes ligues et leur rivalité font de cette journée un échec : s'ils échouent, la violence des affrontements fait une vingtaine de morts parmi les militants d'Action française[B 6], soit deux tiers des victimes[E 1]. Cet échec voit le départ de beaucoup de membres actifs comme Jacques Renouvin, convaincus finalement que la Ligue est impuissante et vouée à la sclérose doctrinale[E 1]. Le lendemain, le 7 février 1934 au matin, le journal L'Action française est saisi chez tous ses dépositaires à Paris et dans le département de la Seine, sur ordre du nouveau préfet de police. L'AF engage alors une instance contre le préfet devant la Justice, accordée par la suite par le Tribunal des conflits qui juge que la mesure incriminée constituait une voie de fait[110],[o]. Par la suite, l'Action française crée le groupement L'Ordre français avec deux autres ligues d'extrême droite : Solidarité française et les Jeunesses patriotes[A 19].
- De janvier à mars 1935, les grèves dans les facultés de médecine contre la présence d'étudiants étrangers sont marquées par une série de manifestations organisées par l'Action française ; les noms de professeurs à consonance étrangère ou juive sont conspués et les slogans proclament « Dehors les métèques »[F 8]. Le jeune François Mitterrand, alors étudiant à l'École libre des sciences politiques, participe notamment au cortège du 1er février 1935.
- Le 9 février 1936 meurt l'historien et journaliste Jacques Bainville, académicien et grande figure de l'Action française. Ses obsèques ont lieu quatre jours plus tard, le 13 février, et rassemblent près de 10 000 personnes, le maréchal Pétain et le maréchal Franchet d'Espérey, d'anciens ministres, des ambassadeurs, des académiciens, des sympathisants d'Action française, des Camelots du roi, mais aussi des opposants au mouvement. Alors que la foule attend le passage du cortège funèbre, la voiture de Léon Blum traverse le boulevard Saint-Germain et s'arrête en face. Un groupe d'anciens Camelots, exclus de l'Action française et mené par Jean Filiol (futur fondateur de l'OSARN), suit le cortège indépendamment de toute délégation d'Action française[A 20],[p]. L'ayant reconnu, il profite de l'occasion pour l'attaquer violemment : « Blum — qui avait quand même 64 ans — est attaqué et roué de coups. Il est blessé à la tempe par un coup de barre de fer »[111]. Sauvé par l'intervention d'ouvriers qui travaillaient sur un chantier rue de l'Université, Blum, « bless[é] légèrement[A 21] », parvient à échapper au lynchage, le visage couvert de sang[112]. Interrogé par la police, il lui dira qu'il lui est impossible de reconnaître ses agresseurs[113]. Le conseil des ministres se réunit d'urgence et décrète par la voix d'Albert Sarraut la dissolution de la Ligue d'Action française, de la Fédération nationale des Camelots du roi et de la Fédération nationale des étudiants d'Action française avec effet immédiat, en application d'une loi contre les ligues votée un mois plus tôt. À la suite de la dissolution, des perquisitions sont menées dans les locaux de l'Action française, où l'on retrouve le chapeau de Blum[114], et au domicile de Maurice Pujo, Charles Maurras, Maxime Real del Sarte, Lucien Lacour, François de Lassus, Georges Calzant et Pierre Juhel[115]. Dans un sentiment de vengeance et de haine, le 19 février, le quotidien monarchiste profère de nouvelles menaces antisémites : « À bas les Juifs ! Ceux qu'on avait le tort d'admettre à égalité affichent une ridicule ambition de nous dominer. On les mettra au pas, et la petite peine n'ira pas sans plaisir[A 22] », menaces qui s'amplifieront lors de la victoire du Front populaire en mai, Maurras dénonçant un « cabinet juif ». L'Action française, quant à elle, y voit l'œuvre d'un complot juif[116] et « la riposte du youpin »[A 22].
- Le 9 avril 1935, Maurras publie dans L'Action française un violent article antisémite contre Léon Blum, qu'il traite de « détritus humain », ajoutant : « C'est un homme à fusiller, mais dans le dos[117] ».
- Le 21 juillet 1936, Maurras est condamné à huit mois de prison ferme et effectue sa peine à la prison de la Santé. Les maurrassiens s'indignent d'une condamnation qu'ils jugent politique, en rappelant que dans Le Populaire, on avait écrit un an plus tôt que si la guerre était déclarée, « les mobilisés abattront MM. Béraud et Maurras comme des chiens[118]. » De fait, Maurras reçoit de très nombreuses marques de soutien dont celui du pape Pie XI et de mère Agnès, sœur aînée de sainte Thérèse de Lisieux et supérieure du Carmel[119] ; de cent députés et sénateurs alsaciens, qui signeront une protestation[120]. Le 8 juillet 1937, entre quarante et soixante mille personnes viennent rendre hommage à Maurras à l’occasion de sa libération au Vélodrome d’Hiver en présence de la maréchale Joffre[121].
- Pendant sa captivité, Charles Maurras écrit chaque jour son article politique pour L’Action française ainsi que plusieurs ouvrages : Les Vergers sur la mer, Dans Arles aux temps des fées, Devant l’Allemagne éternelle, la Dentelle du rempart et Mes idées politiques[q].
- En juillet, L'Action française accuse à tort Roger Salengro d'avoir déserté pendant la Première Guerre mondiale et joue un rôle majeur dans la violente campagne de diffamation menée, avec le quotidien d'extrême droite Gringoire, contre le ministre de l'Intérieur du Front populaire. Découragé, saisi par « le dégoût d'avoir à lutter contre une calomnie insupportable »[A 23], Salengro se suicide le 18 novembre 1936[122]. Cette accusation se révèlera infondée.
Politique extérieure : Les paradoxes de l’antigermanisme, entre appel au réarmement et pacifisme de droite |
Les années 1920, ou maintenir définitivement l'Allemagne à terre |
L'Action française continua après la Grande Guerre à développer un antigermanisme affirmé dès ses origines : pour elle, « quel que fût son régime […] l'Allemagne était l'ennemie de la France[A 24] ». Ainsi, considérant que c'était l'unification de l'Allemagne réalisée par Bismarck qui avait créé au sein du peuple allemand un nationalisme si agressif qu'il avait fini par menacer l'existence même de la France, elle réclama que le traité de Versailles s'inspire des traités de Westphalie et répartisse le peuple allemand entre plusieurs États, plusieurs Allemagnes, ce que Maurras nommait « la paix Bainville ». Cependant, l'Action française eut beau réclamer l'annexion du Landau, de la Sarre et l'établissement d'un protectorat français sur la Rhénanie[E 5], le traité de Versailles ne répondit pas à ses attentes sur ce point, se contentant de prévoir l'occupation de la rive gauche du Rhin (Rhénanie) par les Alliés pour quinze ans.
Jacques Bainville fut le plus prestigieux relais de cette volonté perpétuelle de l'Action française de dénoncer un germanisme qui, écrivait Bainville, « existe en dehors de l'histoire, au-delà des frontières ou des coutumes, une idée, une idéologie qui peut revendiquer Riga aussi bien que Strasbourg, la Bohême non moins aisément que l'Autriche : ce nationalisme idéaliste tend aux ambitions infinies »[A 25]. Dans ce cadre, il réclamait les garanties les plus concrètes pour contraindre l'Allemagne à respecter les traités qui avaient clôturé la Grande Guerre, quitte, en échange, « à se concilier les Allemands aux dépens des nouvelles nationalités nées sur ses frontières orientales »[A 26].
L'obsession, chez les partisans d'Action française, de contenir la puissance allemande, trouva rapidement une première occasion de s'inquiéter : isolées depuis la fin de la guerre, l'Allemagne et l'URSS conclurent en 1922 à Rapallo un traité les liant par une union diplomatique, militaire et commerciale, ce qui renforça « Bainville dans la conviction que le bolchevisme et le pangermanisme [prétendaient] à l'hégémonie européenne »[E 5]. Dans la même logique anti-germanique l'AF était hostile à la politique de rapprochement franco-allemand engagée par Briand, politique jugée laxiste par les royalistes car trop passive, « un pacifisme sentimental et purement verbal »[I 1].
Confrontée aux difficultés de l'Allemagne à payer ses réparations de guerre, défaut qui déstabilisait les finances françaises, la France décida de faire pression sur elle en s'engageant, le 11 janvier 1923, dans l'occupation de la Ruhr, centre métallurgique de l’Allemagne sur la rive droite du Rhin. L’Action française soutint l'expédition. La situation économique et financière de l'Allemagne demeura cependant très difficile et, en juillet 1924, pour lutter contre l’hyper-inflation qui mettait en danger la survie de la république de Weimar, fut organisée aux États-Unis, une commission dite « des réparations » présidée par Charles Dawes, qui élabora un plan de sauvetage. Ce « plan Dawes », prévoyait d’imposer le paiement par l’Allemagne d’importantes réparations à ses anciens adversaires et de soumettre la liquidation et le versement de ces sommes à un contrôle politique. Il visait également la fin de l'occupation de la Ruhr. Confrontée à de graves difficultés financières comme à la pression de ses alliés, la France finit par accepter les propositions du plan Dawes et retira ses troupes : le 25 août 1925, l'armée française avait évacué la Ruhr. L’Action française commença alors une campagne critique à l'égard de ce retrait qu'elle jugeait précipité.
Mais en 1929, au plan relativement autoritaire de Dawes, arrivé à son terme, se substitua, sous la pression américaine, le « plan Young »[r]. Plus enclin à ménager l'Allemagne, il transformait sa dette politique, directement prélevée sur les recettes allemandes (douanes notamment) par les gouvernements créanciers, en une dette commerciale, garantie par l’État allemand et dont le paiement devait s'échelonner sur cinquante-neuf ans jusqu'à 1988[A 27]. Les Alliés ne disposaient plus dès lors de leviers économiques ou financiers pour faire pression sur l'Allemagne. Mieux, « une fois que le gouvernement allemand aurait donné son accord à ce plan, il pouvait prétendre s'être acquitté des conditions du traité de paix et pouvait demander qu'il fût mis fin aux mesures coercitives destinées (antérieurement) à en assurer l'exécution — en d'autres termes, il pouvait demander l'évacuation de la Rhénanie entière »[A 28]. Le Royaume-Uni approuva cette option et le gouvernement français, soucieux de démontrer les bonnes dispositions de la France, également. L’Action française, fermement opposée au plan Young, organisa plusieurs manifestations : ainsi, durant les discussions à la Chambre des députés, elle largua des tracts par avion au-dessus de Paris pour alerter l‘opinion. Cependant, la mesure fut définitivement approuvée le 5 avril 1930 : dès le lendemain, l’Action française, sous la plume de Charles Maurras, se désolait de cet abandon des gages concrets au profit de promesses qui risquaient fort, selon lui, de n’être jamais tenues[s].
Un an plus tard, en mars 1931, l'AF s'inquiéta d'un projet d'union douanière entre l’Allemagne et l’Autriche, qu'elle voyait comme la confirmation de l'erreur qu'aurait constitué l’abandon du plan Dawes et l’évacuation de la Ruhr par les troupes françaises : il semblait préfigurer l'union de l'Allemagne et de l'Autriche, interdite par les Alliés lors du traité d’armistice de 1919[I 1].
Rapports avec le fascisme italien |
Pour François Huguenin, comprendre la position de Maurras face au fascisme nécessite de prendre en compte trois ordres de préoccupation autonomes parfois confondus : celui de la politique extérieure, celui de l'idéologie, celui de la réussite révolutionnaire[123].
- Sur le plan de la technique de la prise de pouvoir, les maurrassiens seront impressionnés par la capacité du fascisme à mettre fin au désordre démocratique libéral[123]. Léon Daudet affirma évoquant le fascisme italien que « l'Action française, elle aussi, s'emparerait du pouvoir par la force, et que l'épuration faite par les fascistes ne serait rien à côté de ce dont la France serait témoin alors[A 29] ».
- Sur le plan idéologique, la dictature fasciste italienne fut initialement perçue positivement par l'Action française car elle ménagea la royauté, réconcilia la papauté et l'État italien et possédait une dimension hiérarchique, antiparlementaire et anti-socialiste[A 29]. Cependant Maurras mit en garde contre une trop grande admiration de Mussolini et sa position évolue avec l'évolution du fascisme ; au tout début du fascisme, avant le développement de l'étatisme et la théorisation par le fascisme du totalitarisme, Maurras souligne la parenté entre certaines de ses idées et celles du mouvement de Mussolini[124] ; mais dès 1928, il écrit[125] : « C'est la naïveté courante. Ceux qui la formulent et la propagent innocemment ne se rendent pas compte qu'une action d'ordre et de progrès comme celle du fascisme italien suppose une base solide et stable, que la Monarchie fournit et qu'un certain degré d'aristocratie, ou, si l'on veut, d’anti-démocratie doit encore la soutenir. » Comme Massis, Maurras s'inquiétera des lois scolaires du fascisme[126]. Quand en 1932, Mussolini déclare qu'« en dehors de l'État, rien de ce qui est humain ou spirituel n'a une valeur quelconque », Maurras dénonce une conception aux antipodes de sa pensée : rappelant le double impératif de « fortifier l'État » et d'« assurer la liberté des groupes sociaux intermédiaires », il réaffirme combien les partisans du nationalisme intégral ne sont pas étatistes[127].
- Sur le plan de la politique extérieure, Maurras ne cessera de prôner face au péril allemand une union latine englobant la France, l'Italie, l'Espagne et le Portugal[128]. En 1935, Maurras s'opposera aux sanctions contre le régime fasciste pour empêcher de pousser Mussolini à s'allier avec Hitler[128], alors que Mussolini souhaitait initialement contrer l'expansion du national-socialisme en liaison avec les alliés de l'Italie pendant la Première Guerre mondiale comme la France. L'idéologie ne dicte pas cette volonté d'alliance orientée contre l'Allemagne qui explique la discrétion des critiques de Maurras contre le fascisme italien, critiques pourtant contenues dans l'anti-étatisme de Maurras. Maurras essaiera de détourner Mussolini de l'alliance avec Hitler et il dénoncera le choix de la complaisance pour l'alliance avec l'Allemagne : la « supériorité générique » qu’invoque l’hitlérisme se formule « par rapport à ce que l’on appelle les races latines et (comme il n’y a pas de race latine) sur ce qu’il faut appeler l’esprit latin. Mussolini doit savoir cela aussi bien que nous, il l’oublie, il veut l’oublier. Mais l’oubli se paie cher L’erreur[129]. » Pour Maurras, le tort italien est déterminé par la conduite de Londres et Paris, qui par leurs sanctions contre l’Italie ont poussé cette dernière à fauter[130]. Mais c'est surtout comme allié potentiel face à la montée en puissance de l'Allemagne, que l'Italie fasciste intéressait l'Action française. Jacques Bainville y voyait le seul allié possible face aux ennemis de la France, l'Allemagne et la Russie soviétique, thèse qu'il développa dans son ouvrage Les Conséquences politiques de la paix[131]. L'Action française combina alors ultrapacifisme et volonté de créer une coalition franco-italienne ou « Union latine » qui serait dirigée contre l'Allemagne[132]. Ainsi l'Action française approuva-t-elle en janvier les accords signés à Rome entre Pierre Laval et Benito Mussolini et soutint Mussolini durant la guerre d'Éthiopie[A 30]. Dans cette perspective, l'engagement antifasciste du nouveau président du Conseil Léon Blum dans l'affaire d'Éthiopie amena Maurras, en juin 1936, à dénoncer dans ses articles le « complot judéo-communiste » dirigé par Blum et à appeler au meurtre de ce dernier[133].
Le souci de ménager l'Italie pour éviter qu'elle ne s'engage militairement avec l'Allemagne et l'admiration de la réussite d'un coup de force tranchant avec l'impuissance des nationalistes français expliquent la faible insistance à souligner les divergences importantes avec le fascisme italien[134]. D'ailleurs de façon générale, Charles Maurras, dans sa réflexion centrée sur la France, n'a jamais pris la peine de réfuter les expériences politiques étrangères, ce qui vaut pour le marxisme comme pour le fascisme et l'Action française s’accommodera pour l'étranger de régimes dont elle ne voudrait pas pour la France[135]. On passait ainsi plus ou moins sous silence les importantes divergences entre les deux mouvements : s'ils avaient tous deux les mêmes ennemis, s'ils étaient issus de la même réaction antidémocratique, ils se séparaient sur la question de la place de l'État : « alors que l'Action française mettait l'accent sur les dangers de la centralisation et du pouvoir de l'État, Mussolini visait à s'emparer de l'État pour utiliser le pouvoir jusqu'à ses dernières limites ; il existait une différence radicale entre l'anti-étatisme maurrassien et la statolatrie fasciste »[A 29].
C'est à un de ses disciples, Thierry Maulnier, que reviendra de dénoncer le fascisme, comme si l'attraction fasciste était plus sensible pour un homme de sa génération que pour un homme comme Maurras ; Thierry Maulnier multipliera dans le quotidien de Maurras ou dans d'autres publications les écrits contre le fascisme, « ce collectivisme autoritaire, religieux, total et désolant » et la « civilisation française »[136]. De façon générale, nombre de maurrassiens ont affirmé que la pensée de Maurras les avait prémunis de l'attraction du fascisme ; dans les années 1990, Raoul Girardet dira : « Même ébréchée, la doctrine maurrassienne constituait à cet égard une barrière solide : la conception totalitaire de l'État et de la société lui était complètement étrangère[137]. »
Les autres régimes autoritaires méditerranéens étaient également appréciés de l'Action Française du fait qu'ils étaient contre-révolutionnaires. Elle soutenait le régime de Salazar, le dictateur du Portugal sous l'égide du maréchal Carmona. Également contre-révolutionnaire, le général Francisco Franco était admiré par Maurras qui affirma : « il y a peu d'esprits plus ordonnés, de volontés plus conservatrices, plus humaines et attentives à la peine du peuple[5] ». L'Action française soutint son putsch contre la République espagnole en organisant et en participant à la Bandera Jeanne d'Arc.
L'Action française et le nazisme |
Pendant une vingtaine d'années, l'Action française dénonça le national-socialisme à la fois comme menace géopolitique pour la sécurité de la France avec en particulier les articles de Charles Maurras et Jacques Bainville, et comme idéologie spécifique (critique par Maurras du racisme, de l'eugénisme, du totalitarisme, de l'antichristianisme, de l'antifédéralisme etc.). Sa dénonciation radicale de la résistance et son soutien au Maréchal Pétain, bien qu'associés à l'hostilité à l'Allemagne et au nazisme, ont été présentés par ses opposants au sortir de la guerre comme une complaisance, ce que Maurras et les partisans de l'Action française comme Pierre Gaxotte et Pierre Boutang ou ses ennemis comme Lucien Rebatet ont toujours farouchement contesté.
Une menace pour la France régulièrement dénoncée |
- En 1922, Maurras a des informations précises sur Hitler en provenance d'un agent secret à Munich par le président Raymond Poincaré[138]. Dès lors, s'il dénonce le pangermanisme de la classe politique allemande de la république de Weimar, comme celui de Stresemann favorable à l'Anschluss[139], il attire régulièrement l'attention de ses lecteurs sur les dangers propres du national-socialisme : ainsi, en 1924, il dénonce la déroute des Wittelsbach au profit du « racisme antisémite » du NSDAP et le « rapide accroissement du bloc dit raciste sorti de terre en quelques mois et fondé ou échafaudé sur de vieilles imaginations périmées avec sa philosophie abracadabrante de la Race et du Sang[140]. »
- En 1930, L'Action française dénonce l’abandon de Mayence par l’armée française et titre « Le crime contre la Patrie » là où Léon Blum écrit « la paix est faite[141] ». La même année, L’Action française publie une série d'articles sur le parti national-socialiste allemand, présenté comme « un des plus grands dangers pour la France[142] », alors que le 1er janvier 1933, Le Populaire annonce sa prochaine disparition[143].
- L'obsession de la menace hitlérienne se traduit par l'ouverture de L'Action française à des officiers d’état-major signant parfois sous pseudonyme : comme chroniqueurs militaires, ils suivront l’évolution du budget militaire allemand avec une inquiétude croissante jusqu’au désastre[144]. En 1932, le général Weygand, proche de l'Action française, dénonce dans ses rapports secrets la politique de désarmement menée par la gauche : « L’armée française est descendue au plus bas niveau que permette la sécurité de la France[145] » mais son légalisme l'empêche d'exprimer publiquement sa proximité avec Maurras[146].
- En 1933, on lit dans L'Action française à propos des nazis : « Quoi que fassent ces barbares, il suffit d’appartenir au monde officiel, au monde de la gauche française, pour incliner à leur offrir de l’encens, le pain, le sel et la génuflexion[147]. » Maurras voit dans l’arrivée d’Hitler au pouvoir la confirmation de ses pronostics[148] et dénonce le prohitlérisme : « Le halo du prohitlérisme joue autour de ces brigandages, les défend et les auréole, ce qui permet aux forces de Hitler un rapide, puissant et formidable accroissement continu. Nous aurons laissé dépouiller et envahir nos amis[149]. »
- En 1934, après la nuit des Longs Couteaux, L'Action française dénonce l’« abattoir hitlérien », félicite la presse britannique énergique dans sa condamnation et annonce le pacte germano-soviétique : « Je le répète : il n’y a pas de plus grand danger que l’hitlérisme et le soviétisme. À égalité ! Et ces égaux-là sont faits pour s’entendre. La carte le confirme. L’avenir le vérifiera[150]. » Pour Maurras, il n’y a pas de ménagement possible avec Hitler : l’invasion progressive du centre et de l’est européen entraînera celui de la Belgique et donc la soumission de la France à un géant écrasant le continent de sa puissance. Maurras, Bainville et Daudet rivalisent de démonstrations et d’accents polémiques pour que la France s'arme suffisamment pour se défendre et éventuellement attaquer préventivement[151]. La menace allemande constitue le fil rouge de ses préoccupations : dans ses écrits, les débats intérieurs lui sont subordonnés : la politique étrangère qu’il défend consiste à ménager les puissances secondaires d’Europe, celles que menacent l’URSS et le Reich allemand : Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie. Il exalte l’union des pays latins France, Italie, Espagne, Roumanie avec la Grande-Bretagne, la Hongrie, la Pologne[129].
- En 1936, Maurras écrit la préface de l'ouvrage contre le nazisme de la comtesse Joachim de Dreux-Brézé qui sera sa maîtresse[152] ; il y déplore l'assassinat de Dollfuss par les nationaux-socialistes[153]. Le 7 mars 1936, le Reich occupe la Rhénanie et alors que la plupart des journaux appellent au calme et que le gouvernement à six semaines des élections refuse de réagir, L’Action française réclame une riposte militaire immédiate.
- En 1937, Maurras publie Devant l’Allemagne éternelle, sous-titré « Chronique d’une résistance » ; il rassemble quarante ans d’écrits sur l’Allemagne, le pangermanisme et l’influence allemande en France.
- En 1938, il défend les accords de Munich, non qu’il soit devenu favorable à un rapprochement avec l’Allemagne nazie, mais car il estime que la France n’est pas prête militairement et court à la défaite ; il accepte les accords comme une défaite sanctionnant les erreurs de la politique étrangère de la République, tout en appelant au réarmement[154]. Il s'agit d'éviter de déclencher prématurément une guerre pour des raisons de doctrine et de préparer la France à l'affronter avec de vraies chances de succès : cette position se veut le contraire d'une position germanophile, il s'agit d'appliquer le si vis pacem, para bellum[154], de ne pas lâcher la Pologne mais de sauver d'abord la France pour sauver l'avenir polonais[155].
- En 1939, L'Action française titre « La mort d’un peuple » quand les Allemands envahissent la Tchécoslovaquie dont Maurras a admiré la renaissance littéraire et se lamente que l’on n'ait pas écouté vingt ans de mise en garde[156]. Il ne veut pas la guerre car il croit que la France a toutes les chances de la perdre, comme l'écrit le colonel Gauché du Deuxième Bureau : « Jamais, à aucune période de son histoire, la France ne s'est engagée dans une guerre dans des conditions aussi défavorables[157]. » Mais il affirme que si elle advient elle devra être menée avec détermination[158]. Inquiet, il prend diverses initiatives pour renforcer les chances de la France. Il lance une campagne de souscription en faveur de l’aviation militaire : vingt quotidiens parisiens, cinquante journaux de province le rejoignent mais Daladier s’y oppose[159].
- Maurras écrit à Franco afin de le convaincre de détourner l’Italie de l’alliance avec l’Allemagne. Maurras a salué la victoire de Franco, gage de sécurité contre le communisme et les persécutions contre les catholiques et dont il pense qu’elle ne peut être que l’ennemie de l’Allemagne[160],[t]. L'obsession allemande a d'ailleurs influé sur la position de Maurras quant à la guerre civile espagnole : il a soutenu les insurgés mais, à l'arrivée du Front populaire, il défend une neutralité de principe pour éviter une entrée en guerre officielle de l'Allemagne au côté de Franco qui le satelliserait et ruinerait la politique méditerranéenne de la France[161]. La victoire acquise et ce danger écarté, le pari stratégique de Maurras sera confirmé dans les faits : Franco refusera la possibilité à Hitler de traverser le territoire espagnol pour envahir l'Afrique du Nord, ce qui aura un impact important sur l'issue de la guerre[154].
- En liaison avec des intellectuels britanniques, L'Action française prône l’alliance avec l’Angleterre jusqu’à l’extrême limite du possible[162],[73],[u]
- Il soutient le gouvernement républicain d'Édouard Daladier dans sa volonté d'interdire le parti communiste dont des militants ont participé à des opérations de sabotage au profit de l'Allemagne nationale-socialiste.
- En 1940, un message en caractères énormes ouvre le journal : « Le chien enragé de l’Europe, les hordes allemandes envahissent la Hollande, la Belgique, le Luxembourg. » Maurras écrit : « Nous avons devant nous une horde bestiale et, menant cette horde, l’individu qui en est la plus complète expression. Nous avons affaire à ce que l’Allemagne a de plus sauvagement barbare, c’est-à-dire une cupidité sans mesure et des ambitions que rien ne peut modérer. […] Nul avenir ne nous est permis que dans le bonheur des armes[163]. »
Critique idéologique |
La condamnation du national-socialisme se fonde sur une série d'arguments se situant à différents niveaux d'analyse.
- Maurras dénonce le racisme depuis le début de son activité politique : « Nous ne pouvions manquer, ici d’être particulièrement sensibles : le racisme est notre vieil ennemi intellectuel ; dès 1900, ses maîtres français et anglais, Gobineau, Vacher de Lapouge, Houston Chamberlain, avaient été fortement signalés par nous à la défiance des esprits sérieux et des nationalistes sincères[164]. » Charles Maurras écrit en 1933 : « Nous ne croyons pas aux nigauderies du racisme[165]. » Maurras traite de « basses sottises » les idées de Joseph de Gobineau et de Georges Vacher de Lapouge et rappelle : « J'ai, pour mon compte, toujours pris garde de séparer les réflexions sur l'hérédité politique et économique d'avec les généralisations vagues, aventureuses et captieuses sur la stricte hérédité physiologique[166] ». Pour Maurras : « Nous sommes des nationalistes. Nous ne sommes pas des nationalistes allemands. Nous n'avons aucune doctrine qui nous soit commune avec eux. Toutes les falsifications, tous les abus de textes peuvent être tentés : on ne fera pas de nous des racistes ou des gobinistes[167] ». Maurras écrit à propos du nazisme : « l’entreprise raciste est certainement une folie pure et sans issue[168] ».
- Maurras précise sa critique métaphysique du nazisme en soulignant fondements fichtéens : il dénonce l’image de l’homme allemand défini par Fichte, initiateur du narcissisme originel et fondamental où Hitler se retrouve ; Maurras insiste sur l'horreur fichtéenne d'Hitler pour le fédéralisme, sa démagogie métaphysique, son déisme à la Robespierre[169]. Maurras est un des rares à souligner la dimension et l’inversion théologiques du nazisme, son imitation caricaturale et perverse d’Israël et, comme Alain Besançon, il voit le national-socialisme procéder à une contrefaçon fichtéenne de la notion de peuple élu[170]. Dès le début des années 1930, Maurras et l'Action française mettent en garde contre le messianisme du nationalisme allemand dont le national-socialisme est l'expression et accomplira jusqu'à la folie la logique dominatrice[171].
- Le nationalisme d'Action française est héritier de Fustel de Coulanges et de Renan, historique et politique, on n'y trouve « ni linguisticisme, ni racisme : politique d’abord ! […] Entre tous, l’élément biologique est le plus faiblement considéré et le moins sérieusement déterminé. Dès lors, ces déterminations vagues d’une part, ces faibles déterminations d’autre part, ne peuvent porter qu’un effet : l’exaltation des fanatismes d’où sortent les exagérations que le Vatican dénonçait l’autre jour, et l’encouragement aux méprises et aux malentendus[172]. »
- Sa critique du national-socialisme est aussi fondée sur le fait que celui-ci est selon lui un aboutissement logique du rousseauisme et de la démagogie démocratique : dans De Demos à César, il analyse l’évolution des régimes contemporains et discerne des liens de continuité entre la société démocratique et les tyrannies bolcheviques ou nazies, le prolongement que le despote moderne fournit au moi rousseauiste, en absorbant l’individu dans la collectivité[173].
- Bien qu'agnostique, Maurras défend la civilisation catholique et l'Action française perçoit dans le nazisme un ennemi du catholicisme et de ses valeurs : lorsque le pape Pie XI promulgue Mit Brennender Sorge, le 25 mars 1937, Maurras approuve avec enthousiasme et précise sa position : « Tous les esprits impartiaux qui ont étudié le nationalisme français, même intégral, surtout intégral, savent combien il est profondément hostile à ce que l'Encyclique d'hier appelle « la théorie du sol et du sang », théorie métaphysique, bien entendu, qui substitue aux relations normales et objectives des hommes, au jeu naturel des apports collectifs nationaux et professionnels, une distribution toute subjective fondée sur les races et sur les climats, dérivée du principe que l'Homme allemand (« all-mann ») est l'Homme par excellence, le tout de l'Homme, et de ce que Luther incarna cet Homme dans l'histoire politique et dans l'histoire des religions[174] ». Les maurrassiens dénonceront le national-socialisme à la lumière d'une critique plus générale de l'esprit allemand[175].
- Sa critique du national-socialisme est aussi une critique du totalitarisme. C’est la nation que l'Action française défend et pas l’idolâtrie de son État : « un nationalisme n’est pas un nationalisme exagéré ni mal compris quand il exclut naturellement l’étatisme[176] ». Il discerne dans le totalitarisme une usurpation de l’État sur la société : « Quand l’autorité de l’État est substituée à celle du foyer, à l’autorité domestique, quand elle usurpe les autorités qui président naturellement à la vie locale, quand elle envahit les régulateurs autonomes de la vie des métiers et des professions, quand l’État tue ou blesse, ou paralyse les fonctions provinciales indispensables à la vie et au bon ordre du pays, quand il se mêle des affaires de la conscience religieuse et qu’il empiète sur l’Église, alors ce débordement d’un État centralisé et centralisateur nous inspire une horreur véritable : nous ne concevons pas de pire ennemi[177]. »
- Maurras s’inquiète de ce que certains pourraient voir dans l’Allemagne un rempart contre le communisme, il y voit un piège politique : « Les cornichons conservateurs […] qui prendraient Hitler pour un sauveur de l’ordre — de l’ordre français — sont certainement coupables d’un crime devant l’esprit au moins égal à celui de nos moscoutaires[178]. » Il note même que « l’intrigue hitlérienne est plus dangereuse que celle des Soviets[179]. » En avril 1936, Maurras dénonce le péril national-socialiste et le déclare même pire pour la France que le péril communiste : « Hitler est encore notre ennemi numéro 1. Moscou est bien moins dangereux[154]. »
- Maurras et l'Action française dénoncent Hitler, appelé le « chien enragé de l'Europe »[180] car son idéologie est porteuse de barbarie ; Maurras s’en prend à la presse qui « travaille à créer pour cette gloire de primate, un cercle de respect béant et d’inhibition ahurie à l’égard du dictateur walkyrien[152]. » Face à la barbarie nazie, Maurras écrit : « Ce ne peut être en vain que la France a été pendant des siècles la civilisatrice et l’institutrice du monde. Elle a le devoir de ne pas renoncer à ce rôle[181]. » Hitler prépare la « barbarisation méthodique » de l'Europe[179].
- Maurras alerte les Français sur l'eugénisme : « Le 1er janvier 1934, une certaine loi sur la stérilisation est entrée en vigueur ; si elle joue contre l’indigène du Reich, croit-on que l’étranger s’en défendra facilement[182],[v] ? » Afin de mettre en garde les Français sur ce qui les attend, il réclame une traduction non expurgée de Mein Kampf, dont certains passages laissant prévoir les ambitions hitlériennes avaient été censurés dans la version française[171].
L'accusation d'ambivalence vis-à-vis de la politique nazie |
Le péril que faisait peser l'Allemagne nazie sur l'avenir de la France préoccupait l'AF. Mais elle n'avait que peu d'intérêt pour les implications de la doctrine national-socialiste à l'intérieur des frontières allemandes et tournait en dérision l'indignation facile contre l'antisémitisme d'Hitler[A 31]. Rien ne justifiait que l'on se préoccupât d'« aider les communistes souffrant sous la tyrannie de Goering » ou de condamner des autodafés qui s'appliquaient à des ouvrages « dans la lignée de Marx ou d'André Gide »[A 32]. Comme le souligne Eugen Weber, « l'égoïsme sacré avait plus de poids que la réalité des camps de concentration »[A 32]. L'Action française se signala ainsi par une indifférence aux catégories de population persécutées par le régime nazi bien que cette indifférence soit largement partagée : si, après l'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler en janvier 1933, L'Action française, sous la signature de Georges Gaudy, publia un article sur « la vie affreuse des prisonniers dans les camps de concentration », elle considérait qu'il s'agissait strictement d'une affaire allemande[A 33]. Les victimes du nazisme réfugiées en France dès le mois de juin étaient alors décrites comme une « invasion judéo-maçonnique » dans le journal[183].
Cependant, ce discours était répandu dans de nombreux journaux y compris d'orientation très différente : le journal pacifiste de gauche Redressement par la plume de Ludovic Soretti publiait : « On ne va tout de même pas faire la guerre pour 100 000 Juifs polonais »[184]. et quand Léon Blum, qualifié à cette occasion par Léon Daudet d'« Hébreu sanguinaire »[185], proposa en août 1933 un boycott économique et moral de l'Allemagne à la suite des premières persécutions nazies, l'Action française condamna sa proposition, tout en refusant de sauver des « communistes » et des « Juifs » et négligeant le fait que c'était « précisément ce [qu'elle] avait réclamé pendant si longtemps », le réarmement en moins[A 33].
Mais l'antisémitisme et la xénophobie de l'Action française ne signifient pas son adhésion à la doctrine nazie. D'ailleurs, le mouvement royaliste distinguait l'antisémitisme hitlérien de son « antisémitisme d'État » qui visait à la discriminer les juifs sans viser leur élimination physique[D 7] et approuva en 1937 la publication de l'encyclique Mit brennender Sorge par le pape Pie XI, qui condamnait différents points de l'idéologie nazie[D 8]. De fait, comme l'écrit Eugen Weber, « l'Action française n'avait aucune sympathie particulière pour la théorie nazie, encore moins pour les hommes qui l'appliquaient »[A 31]. Cependant, les réticences de l'Action française face aux théories nazies ne reposaient pas sur une quelconque compassion pour les victimes du régime hitlérien[A 34]. C'est avant tout par la primauté que le nazisme accordait à la race et à l'État qu'il était incompatible avec le corpus théorique de l'Action française, hostile à l'étatisme et mal à l'aise à l'idée d'une nation fondée sur une identité raciale biologique commune[A 31].
Pourtant, le développement du nazisme ne fut pas sans exercer une certaine fascination sur quelques membres de l'Action française comme Lucien Rebatet et Robert Brasillach. Cependant, Maurras dénonça publiquement ceux qui rompirent avec lui pour prôner le nouvel ordre européen En 1941, quand Brasillach envisagea de refaire paraître Je suis partout à Paris : « Je ne reverrai jamais les gens qui admettent de faire des tractations avec les Allemands[186] » Maurras tint parole à l'égard de Brasillach. Quant à Rebatet, il écrivit que « Maurras est de tous les Français celui détestait le plus profondément l'Allemagne », s'insurgeant contre les propos de Maurras qui qualifie le Führer de « possédé »[187]. Comme tous les collaborationnistes désireux que la France entrât en guerre aux côtés de l'Allemagne, il se déchaîna contre Maurras qui répliqua en évoquant « Un gros crachat de 664 pages produit d’un cacographe maniaque nabot impulsif et malsain[188],[189]. »
Même si Maurras ne cessa de prévenir ses amis et disciples contre les dangers de ce qu'il appelait avec mépris l'« hitléromanie de la Droite », il ne fut pas toujours suivi par certains d'entre eux, prompts à avancer que le régime nazi, régime autoritaire par excellence, n'était pas sans incarner une révolution autoritaire considérée comme un fondement de la doctrine d'Action française ; comme le souligne Eugen Weber, « quelques-uns d'entre eux comptèrent même parmi les partisans principaux du Führer »[A 35]. Pendant toutes les années 1930, Maurras dans ce domaine ne changea pas de point de vue : la tentation de miser sur Hitler, voire de le flatter suffisamment pour envisager une alliance commune contre la Russie soviétique était une grossière erreur, qui condamnerait la France à l'esclavage et à la ruine.
Il le soulignait : « aucun antidémocratisme ni antisémitisme ne valent ce prix »[A 36]. Mais ses mises en garde, contrairement à ses débordements de haine contre les juifs, la République ou les communistes, n'étaient que peu écoutées. Comme le souligne Eugen Weber, le peu d'impact de Maurras sur ses fidèles à ce propos s'explique par l'impasse idéologique dans laquelle il se trouva jusqu'à la fin. De fait, il « refusait d'accepter les conséquences de ses observations : jamais pro-Allemand, Maurras ne pouvait tout simplement pas se résoudre à surmonter sa profonde et bouillante aversion pour les ennemis de l'Allemagne » (les démocrates et les Soviétiques)[A 37].
C'est ce qui explique la mansuétude de Maurras — et au-delà, de l'Action française — à l'égard de ceux de ses amis ou disciples qui adoptaient une posture plus ou moins germanophile ou pro-nazi et se félicitaient du triomphe nazi en Allemagne avant la guerre[E 6],[A 38]. S'il désapprouvait une telle attitude en général, il n'en fit jamais directement le reproche, jusqu'à ce qu'ils sombrent pendant l'occupation dans un collaborationnisme assumé, aux hommes qui dirigeaient par exemple la rédaction de Je suis partout, alors même que ces personnages, se présentant ouvertement comme ses anciens disciples, auraient pu être particulièrement sensibles à telle prise de position[E 6],[A 39]. Le fait qu'il se soit refusé pendant si longtemps à les désavouer peut, selon Eugen Weber, « être attribué, en définitive, au fait qu'il croyait, au fond, qu'essentiellement ils avaient raison » et que tout valait mieux que de laisser la France entraînée dans un conflit avec un « anticommunisme militant » (l'Allemagne nazie) dont le seul bénéficiaire serait l'Union soviétique[A 39].
Au-delà de cette commune hostilité épidermique au bolchevisme soviétique, la question des convergences entre nazisme et doctrine d'Action française a fait débat parmi des historiens. Ainsi, pour Ariane Chebel d'Appollonia, tout en affichant son hostilité au nazisme allemand, l'Action française dispose de points communs avec celui-ci : « le nationalisme intégral théorisé par Maurras comporte certains éléments proches de l'hitlérisme » à savoir « la révolution autoritaire, […] les notions de régénérescence nationale et d'intégrité, l'opposition entre le nombre et la qualité, l'antisémitisme »[E 6]. De même, Colette Peter Capitan distingue certains éléments irrationnels communs entre nazisme et nationalisme intégral, notamment « la valorisation de la force et de l'énergie », tout en soulignant que si « la vocation populaire du nazisme, l'idée hitlérienne de la soumission aux lois de la nature, donnaient au national-socialisme un pouvoir d'agression rare, le conservatisme bourgeois de l'Action française lui faisait peu à peu préférer le goût de l'ordre à l'audace ou à l'esprit d'aventure »[E 7]. François Furet pour sa part estime que Maurras « est étranger à l'esprit du fascisme, qui est révolutionnaire, ouvert sur une société fraternelle qui est à construire et non pas sur un regret du monde hiérarchique. Le modèle de la monarchie absolue française est constamment présent chez Maurras, alors que toute référence à un régime passé est inexistante chez Mussolini, ou Hitler[190] ». Finalement, ces portraits de ce qu'était l'Action française peuvent expliquer l'incohérence fondamentale — et déterminante pour son avenir — entre pensée et action de la Ligue, son incapacité à se déterminer entre les deux seules options disponibles : se joindre aux Soviétiques pour combattre l'éternel ennemi allemand ou à l'inverse renoncer à sa germanophobie de principe pour abattre, au côté de l'Allemagne nazie, le communisme exécré[A 40]. Dès lors qu'il refusait de faire un choix, il ne restait à Maurras que celui du repli sur La Seule France, selon le titre de l'ouvrage qu'il publia en 1941[191] : c'est la position qu'il adopta sous l'occupation allemande.
Volonté isolationniste et pacifisme de droite |
Le danger que représentait l'Allemagne nazie pour la France, constamment souligné par Maurras, amena l’Action française à réclamer sans cesse un nouveau renforcement des capacités militaires françaises, notamment l’allongement du service militaire, réforme obtenue en 1935 après le plébiscite de la Sarre, où 99 % des votants, après quinze ans d'occupation française, s'exprimèrent en faveur du rattachement à l'Allemagne[A 41].
Pourtant, l'Action française se manifestait par ailleurs par son souci d'éviter un affrontement militaire qui lui paraissait alors « suicidaire », la France n'étant, selon elle, jamais suffisamment préparée à la déferlante germanique[A 42]. Ainsi, Maurras refusait l'idée de « faire la guerre à Hitler » parce que « cette guerre [la France] la perdrait »[J 5].
Ce discours se fondait sur une logique de défiance généralisée.
- Défiance vis-à-vis de l'intérieur d'une part : l'Action française ne pouvait admettre qu'à un quelconque moment des politiciens républicains par ailleurs voués aux gémonies aient correctement préparé le pays à l'affrontement qui se profilait avec l'Allemagne nazie[A 43],[A 44]. Ils étaient systématiquement jugés responsables de la dégradation de la situation de la France en Europe soit parce qu'ils avaient fait preuve de faiblesse face aux provocations nazies[A 45], soit parce qu'au contraire ils leur avaient donné l'occasion de s'exprimer par un discours inutilement agressif : ainsi, quand en avril 1936 Hitler porta la durée du service militaire à deux ans, l'Action française imputa la responsabilité de cette décision aux attaques antifascistes du Front populaire[A 46]. Mieux, laissant « le préjugé embrumer une vision lucide et claire à l'origine »[A 47], les royalistes mirent régulièrement à mal les programmes de réarmement engagés par les divers gouvernements des années 1930, réarmement qu'ils réclamaient pourtant par ailleurs à cor et à cri : quand tel ou tel ministre soulignait voire dramatisait les risques de guerre pour augmenter les crédits militaires, les royalistes de l'AF, loin de les soutenir, dénonçaient des « fauteurs de guerre »[A 45] qui, au service de l'Etranger (notamment la Russie soviétique), des juifs et des francs-maçons, ne visaient qu'à jeter la France dans un conflit qui assurerait sa définitive ruine[A 48].
- Défiance vis-à-vis de l'étranger d'autre part : même si la géopolitique semblait désigner comme des alliés « naturels » les voisins orientaux de l'Allemagne (notamment la Tchécoslovaquie) dans la mesure où ils permettraient d'ouvrir, en cas d'agression allemande, ce second front qui empêcherait Hitler de déverser toutes ses forces sur le territoire français, l'Action française considérait avec suspicion l'intérêt d'une telle alliance de revers, dans la mesure où elle entraînerait la France dans un conflit hasardeux qui ne correspondrait pas à la défense de ses intérêts vitaux[A 49]. D'où le refus de se sentir tenu par les obligations contractées avec les Tchèques[A 50]. D'où plus largement la volonté de s'en remettre à une stratégie purement défensive et réduite à la surface du territoire national[A 45]. Comme le souligne Eugen Weber, « ils en étaient venus à croire que le seul espoir restant à la France résidait dans l'isolement délibéré, au risque même de perdre les quelques alliances qui lui restaient »[A 45] et ne se préoccupaient plus dès lors que d'établir « une solide chaîne de mitrailleuses bien graissées »[A 33] apte, selon eux, à garder la France des entreprises nazies. Maurras en était persuadé, comme Bainville à la veille de mourir : la France ne pouvait compter que sur elle-même, les alliances orientales avec des pays de trop peu d'envergure ne pouvant « aboutir qu'à une offensive allemande sur la France, alors que l'aide que fournissaient ces alliés serait toujours inférieure à celle qu'ils exigeaient de la France »[A 51]. Pourtant, un pays disposait de l'envergure nécessaire pour équivaloir, à l'est, à la puissance française à l'ouest ; ce pays, qui aurait pu s'allier à la France pour contenir la puissance allemande, c'était l'URSS. Mais l'antimarxisme viscéral de l'Action française lui interdisait d'envisager un quelconque lien avec une Russie soviétique en laquelle on ne pouvait, selon Maurras, avoir confiance[A 52]. D'autant qu'une éventuelle victoire conjointe avec les Soviétiques contre l'Allemagne aurait eu, pour les militants d'AF, beaucoup d'inconvénients : les principes exécrés du marxisme en seraient sortis plus puissants encore, alors même que la défaite nazie « signifierait l'effondrement des systèmes autoritaires constituant le rempart le plus solide contre la révolution bolchevique et, peut-être, contre la bolchevisation de l'Europe »[A 53]. En outre, une alliance franco-soviétique tournerait le regard de l'Allemagne vers la France, « que les nazis auraient à liquider avant de régler leurs comptes aux Russes »[A 49]. Mieux valait s'abstenir, et tourner, en lui laissant les mains libres à l'est, l'énergie allemande vers la conquête des steppes russes, « périlleuse aventure que les Occidentaux pourraient regarder tranquillement du haut des remparts »[A 54] comme le laissait espérer le 6 décembre 1938 la signature des accords Ribbentrop-Bonnet. On sait ce qu'il advint : las de solliciter l'alliance des démocraties occidentales contre l'Allemagne nazie, Staline s'entendit avec elle, démontrant l'inanité du « machiavélisme niais de ceux qui espéraient lâcher l'Allemagne sur les Russes »[A 55].
Dès lors, le choix d'un isolationnisme plus ou moins intégral étant fait[A 45], la seule solution résidait pour l'Action française dans une politique d'armement et de préparation militaire toujours plus poussée de la France[A 51]. En la matière, Maurras se voulait exemplaire : après Munich, il lança l'idée d'une souscription nationale « pour la liberté du ciel de France » en faveur de l'aviation militaire[D 9]. En attendant que cette préparation fut jugée suffisante, on devait éviter à tout prix de s'engager dans un affrontement militaire périlleux avec l'Allemagne nazie[192]. Ce pacifisme de droite n'était pas uniquement le fruit des circonstances. Dès les lendemains de la Première Guerre mondiale, Jacques Bainville développait une thèse selon laquelle la Gauche, parti de la Révolution s'identifiait au parti de la Guerre, qu'elle avait soutenue et provoquée depuis un siècle et demi, contrairement à la monarchie, parti de la Paix, et seul régime apte à l'assurer[A 56].
Cette logique pacifiste et isolationniste[A 57], cette obstination de l'AF, à chaque fois que l'éventualité d'un affrontement se dessinait, à refuser la guerre, s'exprima de manière emblématique lors de la crise germano-tchèque de l'automne 1938. Le mouvement « combattit à l'avant garde d'une offensive concertée en vue de dégager la France » de ses devoirs vis-à-vis de Prague[A 57], titrant le 27 septembre de toute la largeur de sa Une : « À bas la guerre ! ». Léon Daudet se déchaîna, évoquant, en référence à Jacques Bonhomme, « Jacques Couillonné, le cobaye de la démocratie sanguinaire qui doit aller crever sur un signe de tête d'un juif qui l'a en horreur dans un obscur et lointain patelin dont il n'a pas la moindre notion »[A 57],[w]. Dès lors, très logiquement, l'Action française fustigea toute fermeté belliqueuse[x] et apporta son soutien aux volontés conciliatrices de Neville Chamberlain, la guerre étant, « Maurras y insistait, pour les hommes de Moscou ou pour les juifs »[A 58] et applaudit bruyamment les accords de Munich[A 59],[193]. Ainsi, « la nouvelle du plus abject recul de l'Occident fut accueillie comme celle d'une victoire — et c'en était une dans une certaine mesure, celle des auxiliaires d'Hitler, conscients ou inconscients, dont le virulent, le persistant pilonnage avait forcé certains hommes d'État de l'Occident à faire machine arrière, aidé certains autres à se laisser faire »[A 58] analyse Eugen Weber.
Même si Maurras reconnaissait que Munich était une défaite pour la France[A 60], il considérait que c'était « une défaite pour éviter un désastre »[194],[195]. Il persista, pour les mêmes raisons, dans ce refus de l'interventionnisme quand Hitler s'empara en mars 1939 des dernières dépouilles de la Tchécoslovaquie[A 61] et même quand, fin août 1939, le pacte germano-soviétique, en levant l'hypothèque russe, rendit plus qu'évidente une prochaine offensive allemande sur la Pologne et sur Dantzig. Il convenait qu'il était nécessaire « qu'on se hérisse de défenses, qu'on mobilise et qu'on remobilise. […] Mais marcher avant que l'on ait marché sur nous, [c'était] une autre affaire… »[A 55] Pour lui, ni la Pologne, ni les « principes anglais » ne justifiaient que l'on fonce tête baissée au combat[A 55] : la France devait persister dans la recherche de la voie étroite qui préserverait — pour elle — la paix[A 62]. Ce « pacifisme de droite » et la défense de l'« état d'esprit munichois » par l'Action française provoqua, au sein du mouvement, le départ de jeunes militants comme Jacques Renouvin, Honoré d'Estienne d'Orves ou encore Guillain de Bénouville qui, sans renier leur foi monarchiste, rejettaient ce « néo-pacifisme »[H 2],[y]. Ce ne fut que lorsque la guerre fut officiellement déclarée que l'Action française se résigna, le 2 septembre, à soutenir le combat qui s'engageait[A 62].
Sous l'occupation allemande |
- Apportant, jusqu’aux derniers combats de juin 1940, un soutien sans faille à l’effort de guerre, Maurras approuve, comme la quasi-totalité des Français, l’armistice.
- Maurras est regardé comme un adversaire par les autorités d'occupation qui font piller par la Gestapo les bureaux de l'Action française et placent certains livres de Maurras sur la liste « Otto » des livres interdits ; en 1943, le haut responsable des forces d'occupation en France, le conseiller Schleier, place Maurras parmi les personnes à arrêter en cas de débarquement[196],[197].
- Pour Maurras, le soutien à Pétain est une nécessité imposée par les circonstances et il considère « les gaullistes et la presse [collaborationniste] de Paris comme les deux versants d'un complot révolutionnaire de l'Étranger visant à anéantir la nation[z],[198] ». Après la guerre, Maurras aura dans son entourage d'anciens résistants ayant lutté militairement contre l'Allemagne alors qu'il n'y aura pas de collaborationnistes ayant lutté les armes à la main pour elle.
- Après l'invasion et la victoire allemande de juin 1940, militants et sympathisants de l’Action française se divisent en trois tendances inégales[aa].
Le pétainisme maurrassien |
Maurras décide d'apporter son soutien au Maréchal Pétain. La victoire allemande sur la France le désespère et il dira au moment de l'arrivée de soldats allemands en Provence voir réalisé le « cauchemar de son existence[189] ». La raison principale de ce soutien est la recherche de l'unité française comme condition du redressement et donc de la revanche contre l'Allemagne, indépendamment de toute considération idéologique.
- Maurras affirme lui-même que le soutien au gouvernement Pétain est de même nature que celui apporté aux gouvernements républicains de la Première guerre mondiale ; à Pierre Gaxotte, il déclare[199] : « Je soutiens Pétain comme j’ai soutenu tous les gouvernements pendant la guerre de 1914-1918 » ; ce soutien procède de la volonté de sauver l'unité française coûte que coûte car elle est la « condition de l'Espérance[200] ». À Pierre Boutang, il affirme que l'unité française est « un outil de revanche[201] ». Pour Maurras, le vainqueur de Verdun ne peut que défendre les intérêts du peuple français et toute dissidence affaiblit la France et compromet son rétablissement. Le soutien à Pétain est alors général : il est notamment estimé de Léon Blum à cause de sa réputation de soldat républicain, contrairement à Weygand ou Lyautey, jugés monarchistes[199]. Dans cette optique, le soutien à Vichy n'est donc pas originellement un choix idéologique, ni tactique, c'est une donnée, posée au-dessus de toute référence, par l'exigence de l'unité du pays[202]. Ce soutien se veut de même nature que celui que Maurras a apporté à la Troisième République pendant la Première Guerre mondiale contre les monarchies traditionnelles allemande et autrichienne, il s'agit de faire le choix de l'union sacrée qui passe par le soutien à l'État[203]. Dans les deux cas, c'est le souci de l'unité française qui prime mais, autant après 1918, ce soutien au gouvernement français aura été profitable au prestige et l'influence de l'Action française, autant après 1945, il aura des conséquences désastreuses sur l'aura de Maurras[186], « en ruinant le crédit d'un demi-siècle d'aventure intellectuelle, en occultant tout un mouvement varié de pensée que l'on ne peut réduire par amalgame au régime de Vichy[204] ».
- Pour Maurras, la France demeure et n'a besoin ni de l'Angleterre, ni de l'Allemagne pour être ; ceux qui le croient et rejoignent ce qu'il appelle le « clan des yes » et le « clan de ja », deviennent des agents de l'étranger : ce thème est celui de la France seule. À l'été 1940, malgré les conseils de Pierre Gaxotte, Maurras fait reparaître L'Action française à Lyon, avec en tête le slogan « La France seule ».
- Maurras se réjouit également de la remise en cause des institutions démocratiques puisqu'il affirme que la défaite « a eu le bon résultat de nous débarrasser de nos démocrates[205] ». En effet, pour Maurras, l'invasion et l'occupation du territoire français résulteraient de l'application de la politique révolutionnaire et de la rupture avec la sagesse présumée de la politique étrangère de l'Ancien Régime, en 1940 comme en 1814, 1815, 1870. Maurras a d'ailleurs déclaré au préfet de la Vienne : « Que voulez-vous, monsieur le Préfet, soixante-dix ans de démocratie, ça se paie ! » Maurras évoque également une « divine surprise »[206] à propos de l'accession au pouvoir du Maréchal Pétain[207]. Cette formule ne désigne pas la victoire de l'Allemagne, comme cela lui fut reproché à la Libération[208] mais sa conséquence, à savoir Pétain parvenu à la tête de l'État[209],[210]. De fait, des convergences peuvent être détectés sur certains plans entre les thèmes de la Révolution nationale et ceux de l'Action française. En septembre 1940, lorsque le maréchal Pétain lui demande sa conception de la Révolution nationale, il répond « un bon corps d'officiers et un bon clergé »[211], une position qu'il appelle : « défendre l'héritage en l'absence d'héritier »[212]. En tant que nationaliste profondément germanophobe, il soutient le régime de Vichy, non la politique de collaboration[213]. Certains aspects du discours de la Révolution nationale suscitent son adhésion[214], par exemple l'abolition par Vichy du décret Crémieux[215].
- Mais ce soutien va surtout à la personne Maréchal Pétain et non à tous les dirigeants ou à toute la politique de Vichy : Maurras fêta le renvoi de Laval dans les locaux de L'Action française[186]. Maurras chercha à user de son influence auprès des dirigeants de Vichy comme il le fit auprès de Raymond Poincaré pour contrer les mesure lui semblant mauvaises. Au cours des mois de juillet et août 1940, il joue de ses relations auprès du maréchal Pétain qu’il rencontre le 27 juillet pour faire échec au projet de parti unique lancé par Marcel Déat. Il écrit que de toute évidence, Marcel Déat est égaré par l’exemple de l’Allemagne et de l’Italie[216]. À un journaliste japonais, Marcel Déat confiera qu’il s’est heurté par-dessus tout dans son projet d'État totalitaire et de nouvel ordre européen à la résistance de l’Action française[217]. Maurras s'oppose à toute orientation germanophile ; il voit dans les partisans de la collaboration les continuateurs de Jaurès et Briand et note comme l’un des hauts responsables nazis en France, Schleier, que « la grande majorité des partisans de la politique de collaboration vient de la gauche française : Déat, Doriot, Pucheu, Marion, Laval, une grande partie de l’ancien personnel briandiste[218]. »
- La question de l'influence de la pensée de Maurras sur l'idéologie et la politique de Vichy est débattue par l'historiographie : pour Loubet del Bayle, Vichy se situe à l'intersection des idées du technocratisme planiste, d'Action française, du catholicisme social, du personnalisme[219]. L'influence propre de l'Action française est difficile à identifier et isoler ; certains nient l'influence de la pensée de Maurras comme Limore Yagil ; d'autres comme François Huguenin voit dans Vichy l'héritière de l'esprit des années 1930 et d'abord de ses rejets, rejets dont certains se retrouvent aussi dans la Résistance : antiparlementarisme, anticapitalisme, anti-individualisme, anticommunisme[220]. Simon Epstein rappelle que Vichy n'attend pas longtemps pour se délester d'une bonne partie de ses maurrassiens[221] : dès 1941, Raphaël Alibert, ministre de la Justice, Paul Baudouin ministre des Affaires étrangères en 1941, Georges Groussard, ancien cagoulard qui commande les groupes de protection de Vichy et qui procéda à l'arrestation de Laval trop favorable à l'Allemagne et s'orienta vers la Résistance quittent Vichy. Ceux qui ne sont pas partis quitteront le gouvernement lors du retour de Laval en 1942 : Pierre Caziot, Serge Huard, Yves Bouthillier, René Gillouin, Henry du Moulin de Labarthète, Xavier Vallat, c'est-à-dire avant l'entrée des partisans d'une franche collaboration avec l'Allemagne nationale-socialiste. Ces maurrassiens étaient mal vus des amis de Pierre Laval qui les accusent d'avoir favorisé son renvoi, des Allemands qui n'apprécient pas leur hostilité à la collaboration, des collaborationnistes qui les accusent d'être réactionnaires à l'intérieur et germanophobes à l'extérieur[222]. Les dreyfusards collaborateurs tels Armand Charpentier et René de la Marmande attaquèrent régulièrement ses positions[223]. Les pacifistes des années 1920 reprochaient à Maurras d'être hostile au rapprochement franco-allemand. Devenus collaborateurs, ces pacifistes témoigneront de ténacité idéologique et constance argumentaire, puisqu'ils lui feront le même reproche sous l'Occupation[224]. Néanmoins, certains opposants à Pétain et à ses soutiens voudront faire de Maurras l'apologiste inconditionnel du gouvernement du maréchal Pétain[225],[ab].
- Après la Seconde Guerre mondiale, Charles Maurras fera le point sur ses rapports avec Philippe Pétain et démentira avoir exercé une influence sur lui : après avoir rappelé qu'ils se voyaient à peine avant 1939, il protesta contre « la fable intéressée qui fait de moi une espèce d'inspirateur ou d'Éminence grise du Maréchal. Sa doctrine est sa doctrine. Elle reste républicaine. La mienne est restée royaliste. Elles ont des contacts parce qu'elles tendent à réformer les mêmes situations vicieuses et à remédier aux mêmes faiblesses de l'État. […] L'identité des problèmes ainsi posée rend compte de la parenté des solutions. L'épouvantable détresse des temps ne pouvait étouffer l'espérance que me donnait le remplacement du pouvoir civil impersonnel et irresponsable, par un pouvoir personnel, nominatif, unitaire et militaire[226],[ac] ».
- De nombreux maurrassiens se conforment à la ligne officielle du mouvement et suivent Charles Maurras dans son soutien au Maréchal Pétain et au régime de Vichy. C'est ce courant, violemment antigaulliste, qui continue à publier le journal à Poitiers, à Limoges et enfin à Lyon jusqu'à son interdiction à la suite de la Libération de la France à l'été 1944. On peut citer parmi ces personnages Maurice Pujo, Marie De Roux ou encore Léon Daudet. Charles Maurras conserve cette position pétainiste tout au long du conflit, comptant sur Vichy pour procéder à « un assainissement en profondeur à l'abri de toute influence étrangère, une revanche sur la Révolution de 1789 et une restauration des élites sociales écartées par la démocratie, qu'il déteste », et régler ainsi ses comptes avec ses adversaires, « hommes politiques de la troisième République, francs-maçons, juifs »[227].
- Maurras prône à son égard une « obéissance inconditionnelle » à Pétain[228]. L'Action française voit ainsi « dans le Maréchal Pétain un homme doublement providentiel », les évènements lui permettant « de jeter bas la République et de fonder, sinon un régime monarchique, du moins un régime fondé sur les traditions et les règles qui firent la force de la monarchie »[229].
L'Action française et les collaborationnistes |
- Maurras n'est « ni germanophile ni philo-nazi, [et] veut considérer que son choix de la “seule France” est compatible avec sa fidélité au maréchal Pétain et à son régime[230] ». Ainsi, Maurras considère Pierre Laval « comme un traître », et plusieurs maurrassiens cagoulards organisent son enlèvement en octobre 1940, même si l'Action française n'a pas joué elle-même un rôle déterminant dans l'opération[A 63].
- Quand d'anciens sympathisants de l'Action françaises deviennent collaborationnistes, ils sont réprouvés par Maurras et exclus de l'Action française comme Charles Lesca ou Jean Loustau ou le milicien Henry Charbonneau. Ils côtoient de nombreux anciens militants ayant quitté depuis plus ou moins longtemps l'Action française, comme Louis Darquier de Pellepoix qui a rompu avec Maurras en 1936 ou Claude Jeantet, Jean-Henri Azéma et Paul Chack qui ont adhéré au PPF entre 1937 et 1939. Certains amis combattront sous l'uniforme allemand dans la LVF puis la division SS Charlemagne[A 64] — comme Jean Loustau, militant de l'Action française, qui fut volontaire dans la Division Charlemagne[231] — ou dans la Milice, comme Joseph Darnand, son dirigeant, ancien militant d'AF. Quelques militants font partie de l'Agence de presse Inter-France, dont l'action est dénoncée par Maurras, ou de l'équipe de Je suis partout, tels Robert Brasillach ou Lucien Rebatet[ad].
- Tout en dénonçant avec virulence gaullistes et communistes, Maurras est fermement opposé à la censure de l'Allemagne nationale-socialiste et rejette vigoureusement les projets de nouvel ordre européen :
- Dans une conférence au café Neuf de Lyon, le 3 février 1943, Maurras proclama publiquement que l’Allemagne restait pour la France l’ennemi no 1, la censure empêchant que ses prises de position soient publiées[232].
- S’il a approuvé dans un premier temps la création de la Milice comme une police qui protégerait les gens contre les attentats communistes qui visaient indifféremment de vrais collaborationnistes et des pétainistes antiallemands, il la désapprouva énergiquement dès qu’il appris que son commandement était soumis à l’autorité allemande et interdit ses partisans de s’y engager[233] ; de fait, les miliciens réquisitionnèrent ses bureaux et lui firent une « figure féroce[234] ».
- À un correspondant lui proposant d'annoncer une exposition antisoviétique dans le journal de L'Action française, il répondit que ce n'étaient pas les Russes qui occupaient la France, ajoutant que si une exposition antiallemande était organisée, il en rendrait compte dans ses articles[235].
- Maurras met en avant que ses articles visaient à tromper la censure pour mieux faire passer un message antiallemand ; ainsi, le 12 février 1943, il montre l’impossibilité d’intégrer la France dans un ensemble européen et pour son partisan Pierre Boutang, il ne pouvait y avoir alors de tract clandestin plus utile contre l’occupant[236].
Charles Maurras fut donc une cible privilégiée de la presse pro-hitlérienne parisienne qui l'accusait de prôner l'attentisme et d'être opposé à tout renforcement de la collaboration[ae]. En effet Maurras défend la thèse de la France seule, celle-ci devant se tenir à la fois à l'écart de l'Allemagne et des Alliés. Il ne prône pas de collaboration politique ou d'aider militairement l'Allemagne. Les dreyfusards collaborateurs tels Armand Charpentier et René de la Marmande attaquent régulièrement ses positions[223]. Les pacifistes des années 1920 reprochaient à Maurras d'être hostile au rapprochement franco-allemand. Devenus collaborateurs, ces pacifistes témoigneront d'une ténacité idéologique et d'une constance argumentaires remarquables, puisqu'ils lui feront le même reproche sous l'Occupation[237].
L'Action française et les résistants |
- Parmi les sympathisants d'Action française, certains, « aventuriers sociaux » ou militants « en rupture de ban »[238], rejoignent la Résistance et se rapprochent du général de Gaulle[239],[240],[241] ou du général Giraud : Jacques Renouvin, Pierre de Bénouville, Gilbert Renault (le colonel Rémy)[242], Paul Dungler, Luc Robet, Daniel Cordier, Paul Collette, Paul Armbruster, Maurice Dutheil de La Rochère (1870-1944) maurrassien et ami d’enfance de Maurras, le docteur Henri Martin, Jean-Baptiste Biaggi fondateur du réseau Orion, Aristide Corre, le capitaine Hubert de Lagarde, le colonel Raymond du Jonchay, François de Grossouvre, Robert Buron, Fernand Bonnier de La Chapelle, Alexandre Sanguinetti, le cinéaste royaliste Willy Holt, Michel de Camaret, Hubert Beuve-Méry, le duc et vieux maurrassien Gabriel de Choiseul-Praslin par exemple[243],[244],[245],[af].
- Pour Maurras, soutenir les Alliés était critiquable. L'ensemble de ses critiques le conduisit plus tard à se déclarer « antigaulliste » :
- animé d'un combat vif et authentique contre l'« Anti-France » et inspiré de la définition qu'il en donnait alors depuis près de trente ans — pour rappel, celle des quatre États confédérés —, Charles Maurras pensait que « si les Anglo-Américains devaient gagner, cela signifierait le retour des francs-maçons, des Juifs et de tout le personnel politique éliminé en 1940 » ;
- il considérait l'engagement dans la Résistance de personnalités d'Action française comme « un choix opposé critiquable » ;
- son verbe devient de plus en plus violent à la suite de la politique d'attentats menée par les résistants communistes[D 10] et la mort de plusieurs membres de l'Action française et de ses amis[A 65], utilisant dès lors le terme de « terroristes ». Maurras « exigeait des otages et des exécutions, […] recommandait la mise à mort des gaullistes faits prisonniers, sans autre forme de procès, […] déclarait que si « la peine de mort n'était pas suffisante pour mettre un terme aux activités des gaullistes, il fallait se saisir des membres de leur famille comme otages et exécuter ceux-ci » »[A 66].
La question de l'influence de l'Action française sur Vichy |
- Après la Seconde Guerre mondiale, Charles Maurras fera le point sur ses rapports avec Philippe Pétain et démentira avoir exercé une influence sur lui[226] : après avoir rappelé qu'ils se voyaient à peine avant 1939 (selon Jacques Madaule, Philippe Pétain s'opposa à l'élection à l'Académie française de Charles Maurras, et il félicita François Mauriac d'avoir fait campagne contre lui[246]), il protesta contre « la fable intéressée qui fait de moi une espèce d'inspirateur ou d'Éminence grise du Maréchal. Sa doctrine est sa doctrine. Elle reste républicaine. La mienne est restée royaliste. Elles ont des contacts parce qu'elles tendent à réformer les mêmes situations vicieuses et à remédier aux mêmes faiblesses de l'État. (…) L'identité des problèmes ainsi posée rend compte de la parenté des solutions. L'épouvantable détresse des temps ne pouvait étouffer l'espérance que me donnait le remplacement du pouvoir civil impersonnel et irresponsable, par un pouvoir personnel, nominatif, unitaire et militaire ». Le projet de constitution du 30 janvier 1944 que prépara le Maréchal Pétain était d'ailleurs explicitement républicain même s'il renforçait le rôle du chef de l'État, président de la République. Charles Maurras considérait cette orientation préférable impliquant un exécutif fort à celle du régime précédent et il avait confiance en Philippe Pétain pour ne pas engager militairement la France aux côtés de l'Allemagne, ce que souhaitait les collaborationnistes mais cela ne suffit pas à faire du régime de Vichy une émanation idéologique de l'Action française.
- L'universitaire et spécialiste israélien de l'antisémitisme Simon Epstein critique la tendance à surestimer le poids des maurrassiens dans la Révolution nationale et il parle de « maurrassification intempestive » de la collaboration[247].
- À titre d'exemple, Simon Epstein cite le second statut des Juifs beaucoup élaboré par Joseph Barthélémy, venu d'horizons opposés à l'Action française et qui fut beaucoup plus drastique que le premier élaboré par le maurrassien Raphaël Alibert. Sur le plan institutionnel, la place d'Alibert fut prise par Lucien Romier au conseil national de Vichy dreyfusard et hostile à Maurras. Ignorer Barthélémy et Romier pour ne parler que d'Alibert, c'est camoufler selon Simon Epstein l'apport des autres courants de pensée à l'élaboration et à la pratique vichyssoise[248]. Au conseil national de Vichy, les parlementaires et syndicalistes de gauche occupent une place importante. Les racines républicaines de Vichy sont encore plus visibles si on prend en compte le corps préfectoral et les hauts fonctionnaires[249]. L'antisémitisme n'est pas une spécificité de l'Action française et si Charles Maurras lui-même accueille avec enthousiasme les premières lois antisémites du régime, qu'il salue dans le quotidien du nationalisme intégral comme l'accomplissement des causes de l'Action française[F 9], le durcissement et la radicalisation de l'antisémitisme ne sont pas le faite de proches de l'Action française.
- De plus, les maurrassiens de Vichy comptent parmi les pétainistes antiallemands et donc les moins favorables à la politique de collaboration. Pour Simon Epstein, ce point est rarement mentionné et cela est dû selon lui au fait que ceux qu'il appelle « les doctrinaires de la continuité ne se préoccupent pas des Allemands qui ne font que de rares incursions dans leurs écrits car ils cherchent avant-tout l'origine des maux qu'ils décrivent dans une permanence franco-française ».
- Vichy n'attend pas longtemps pour se délester des maurrassiens y exerçant quelques responsabilités[221] : dès 1941, Raphaël Alibert, ministre de la Justice, Paul Baudouin ministre des Affaires étrangères, Georges Groussard, ancien cagoulard qui commande les groupes de protection de Vichy et qui procéda à l'arrestation de Laval trop favorable à l'Allemagne et s'orienta vers la Résistance quittent Vichy. Ceux qui ne sont pas partis quitteront le gouvernement lors du retour de Laval en 1942 : Pierre Caziot, Serge Huard, Yves Bouthillier, René Gillouin, Henry du Moulin de Labarthète, Xavier Vallat, c'est-à-dire avant l'entrée des partisans d'une franche collaboration avec l'Allemagne nationale-socialiste. Ces maurrassiens étaient mal vus des amis de Pierre Laval qui les accusent d'avoir favorisé son renvoi, des Allemands qui n'apprécient pas leur hostilité à la collaboration, des collaborationnistes qui les accusent d'être réactionnaires à l'intérieur et germanophobes à l'extérieur[222].
- Selon Simon Epstein, le thème de l'osmose entre Charles Maurras sera développé par des auteurs aux préoccupations divergentes[250].
- Il s'agit des hagiographes de Pétain qui sont aussi des admirateurs de Maurras tels René Benjamin ou Henri Massis qui « idéalisent et sanctifient » le lien qui unit les deux hommes, tout en contestant que l'un ou l'autre aient cherché à servir l'Allemagne.
- Il s'agit, cette fois non pour les célébrer mais pour les critiquer des collaborateurs parisiens, comme Marcel Déat, qui considèrent que Vichy ne fait pas une vraie politique de collaboration et veulent voir dans l'œuvre de Pétain la manifestation d'une pensée réactionnaire et cléricale qu'ils détestent.
- Il s'agit de la presse résistante qui constate que « Maurras soutint Pétain mais en déduit à tort que Pétain fut maurrassien »[251].
- Il s'agit à partir dans les années 1980 et 1990 des défenseurs de l'idée des deux France, soucieux d'amalgamer des tendances politiques différentes.
- Le nombre d'adhérents au sens strict de l’Action française n'est jamais très élevé dans l'entourage de Pétain ; selon Olivier Dard, « l'Action française a formé des théoriciens et non des praticiens ; sont issus de ses rangs principalement des écrivains ou des journalistes de renom, mais pas des spécialistes du droit public ou des finances. De fait, […] les maurrassiens sont largement absents de biens de ministères où s'affirment les technocrates[230] ». Si on trouve des sympathisant de l'Action française au sein de l'administration vichyste, essentiellement à des postes secondaires[A 67], le corps préfectoral comme le gouvernement dirigé par des politiciens de vieille tradition républicaine comme Laval, Flandrin ou Darlan, ne compte guère de maurrassiens avant 1942 et plus du tout après.
La mouvance de l'Action française dans l'après-Seconde Guerre mondiale |
Le journal ayant cessé de paraître et la ligue ayant été interdite avant-guerre, l'Action française s’interrompt après 1944. Néanmoins, une mouvance intellectuelle et une école de pensée fortement influencée par elle en prend le relais, notamment avec la droite littéraire de l'après-guerre (Pierre Boutang, Roger Nimier, Jacques Laurent, Michel Déon, Antoine Blondin)[252]. Et jusqu'en 1952, Maurras continue d'écrire de nombreux ouvrages et articles.
Maurras en prison (1944-1952) |
Dans les faits, le mois de septembre 1944 voit Maurras arrêté et accusé d'« intelligence avec l'ennemi […] en vue de favoriser les entreprises de [l'Allemagne] contre la France »[ag],[ah] puis condamné à la réclusion à perpétuité. À l'énoncé du verdict, il s'écrie : « C'est la revanche de Dreyfus ! »[A 68],[253]. Ce verdict a été critiqué par certains auteurs, comme Olivier Dard[230] ou Stéphane Giocanti[D 11]. Il sera gracié pour raison de santé peu de temps avant sa mort en 1952. De son côté Maurice Pujo, principal collaborateur de Maurras, sera directement tiré des geôles de la Gestapo pour être envoyé dans celles de l'épuration[9].
Entre 1945 et 1952, Charles Maurras publia quelques-uns de ses textes les plus importants[254]. Bien qu'affaibli, il collabore sous le pseudonyme d'Octave Martin à Aspects de la France, journal fondé par des maurrassiens en 1947, qui prend la suite de L'Action française. Il dénonce l'épuration et s'en prend particulièrement à François de Menthon, pour avoir été le ministre de la Justice du Gouvernement provisoire de la République française[255].
Les dernières années de Maurras, passées en grande partie à la prison de Clairvaux, furent aussi l'occasion d'une introspection sur la question de la Résistance ou du traitement infligé aux Juifs pendant la guerre.
- Ainsi, en 1948, il fait part de son admiration pour l'épopée Leclerc et pour les « belles pages » du maquis et reconnaît une erreur dont il a conscience et qu'il tente d'excuser : il n'a pas su distinguer dans l'ensemble de la Résistance et son incapacité à voir clair découlerait alors de l'obsession de la mort de la France, crispation défensive qui lui fit ignorer les perspectives — minces au début, puis plus larges — d'une victoire possible[256].
- Tout en continuant d'affirmer la nécessité d'un antisémitisme d'État du fait que les Juifs possèdent une nationalité propre qu'il reconnaît glorieuse mais différente de la française[257], il s'oppose à Maurice Bardèche sur le drame de la déportation : « Français ou non, bons ou mauvais habitants de la France, les Juifs déportés par l'Allemagne étaient pourtant sujets ou hôtes de l'État français, et l'Allemagne ne pouvait pas toucher à eux sans nous toucher ; la fierté, la justice, la souveraineté de la France devaient étendre sur eux une main protectrice[258],[259]. »
Les maurrassiens dénoncent néanmoins toujours avec virulence l'épuration et défendent le Maréchal Pétain. Le 10 août 1951, Charles Maurras est transféré à l’hôtel-Dieu de Troyes. Il publie peu après plusieurs ouvrages : Jarres de Biot — où il redit sa fidélité au fédéralisme, revendiquant même la qualité de « plus ancien fédéraliste de France » —, À mes vieux oliviers et Tragi-comédie de ma surdité.
Le 21 mars 1952[260], bénéficiant d'une grâce médicale accordée par le président de la République Vincent Auriol[260], grâce réclamée maintes fois par l'écrivain Henry Bordeaux auprès du président par divers courriers, Charles Maurras est transféré à la clinique Saint-Grégoire de Saint-Symphorien-lès-Tours où il meurt le 16 novembre 1952, après avoir reçu les derniers sacrements.
La mouvance d'Action française sort très affaiblie de la Seconde Guerre mondiale, du fait de l'engagement pétainiste de son chef pendant la guerre[B 7]. Elle ne retrouve plus l'audience dont il disposait mais, « cette école survit cependant dans la mémoire collective ; une poignée de fidèles […] rassemble adhérents et abonnés dans des colloques, des banquets ou des camps d’été, qui prolongent et entretiennent la flamme. »[B 7] Ainsi, l'Action française se reconstitue en juin 1947 autour de Maurice Pujo et Georges Calzant qui fondent le mouvement « Restauration nationale », le nom initial du mouvement ayant été interdit. Ils publient le journal Aspects de la France, reprenant les initiales du quotidien L'Action française.
Après la mort de Maurras (1952) |
Après la mort de Maurras en 1952, deux journaux rivaux, Aspects de la France et La Nation française de Pierre Boutang, se partagent l'héritage maurrassien. Autour du premier, se forme en 1955, le mouvement politique « Centre de propagande royaliste d'Action française », officiellement appelé Restauration nationale. Le second, qui rejette le maurrassisme commémoratif, se rapproche du comte de Paris et soutient les grands axes de la politique du général de Gaulle mais cesse de paraître en 1967[261]. La Restauration nationale créée par Pierre Juhel et Louis-Olivier de Roux en 1955, tenant Aspects de la France continuera après 1967 et fera l’unanimité jusqu'en 1971.
Alain-Gérard Slama écrira que l'Action française et Maurras ont eu une « influence désastreuse » sur l'« intelligentsia de droite » et sur une partie des élites des grands corps en rompant avec « le pragmatisme propre aux droites françaises » par l'élaboration d'« un corps de doctrine sur le modèle des théories socialistes ». « En prônant un antisémitisme d'État qui se voulait dépassionné et exempt de tout délire d'extermination », Maurras par sa brillance intellectuelle a conféré une sorte de « respectabilité intellectuelle » à l'idéologie de « défausse sur le bouc-émissaire juif qui, après l'affaire Dreyfus, est passée de gauche à droite aux approches de la Première Guerre mondiale ». En écartant les juifs de nombreuses activités professionnelles, le maréchal Pétain ne faisait que « s'aligner sur les thèses » maurrassiennes selon lesquelles les juifs étaient « considérés comme des étrangers inassimilables »[262].
L'Action française dans les années 1970 |
En 1971, la Nouvelle Action française de Bertrand Renouvin, Gérard Leclerc et Yvan Aumont, fait scission de la Restauration nationale. Elle changera bientôt de nom pour devenir la Nouvelle Action royaliste. En réaction, l'aile ultra-droite de la RN crée, sous la direction de Bernard Lugan, le Comité royaliste pour un Ordre nouveau (CRON) qui rejoindra rapidement le mouvement Ordre nouveau.
En 1972, scission de la Fédération des unions royalistes de France (FURF) sous la direction de Guy Rérolle. Cette scission entraîne dans son sillage la quasi-totalité des unions et fédérations de province contestant le « jacobinisme » de la direction nationale. La FURF sera une des principales composantes du Mouvement royaliste français (MRF).
La « génération Maurras » (années 1980-1990) |
Entre 1987 et 1993, la Restauration nationale connaît un renouveau militant, intellectuel et pamphlétaire[263] à travers le l'arrivée d’une nouvelle génération qui se fera appeler la « Génération Maurras ». Cette croissance est favorisée par des dates clés (millénaire capétien en 1987, bicentenaire de la Révolution en 1989 et de la mort de Louis XVI en 1993)[9]. Une revue du nom de Réaction est créée et comptera une dizaine de numéros. Par ailleurs, le journal quitte le nom d’Aspects de la France pour reprendre son titre d'origine : L'Action française hebdo[264].
Le nom de « Génération Maurras » vient d'un campagne menée en 1987 par l'Action française en clin d’œil à la campagne « Génération Mitterrand » menée par la gauche à l’occasion des élections présidentielles[263].
La génération Maurras marque un tournant culturel majeur dans l'histoire du royalisme français[265],[266]. En effet, les années 1986-1992 ont été marquées par un regain d’intérêt pour les idées et l’activisme d’Action française[267]. Les nouveaux militants ne proviennent pas de familles de traditions royalistes et une part importante est même issue d’un premier engagement politique à l’extrême-gauche (LCR, PCI, PAC, UEC…). La génération Maurras tire alors un trait sur les anciennes divisions royalistes et forge un appareil militant inspiré en efficacité et en intensité de ceux des mouvances trotskistes[265],[266][réf. insuffisante].
Dans les lycées, un mouvement de Coordination autonome des lycées aux initiales rappelant celles du mouvement post-soixante-huitard de Michel Recanati et Romain Goupil est créé afin de s'introduire dans des établissements scolaires très hostiles pour y susciter des noyaux sympathisants, puis de transformer ces noyaux en groupes Action française lycéenne (AFL). Cette tactique connait des succès dans plusieurs lycées de banlieue Nord et Est[265].[réf. insuffisante]
Dans les universités, le syndicat Renouveau universitaire est lancé pour relayer les activités de l'Action française et servir de « sas militant » à des sympathisants potentiels, non encore décidés à franchir le pas de l’adhésion. D'importants succès électoraux seront notamment obtenus dans la fac du Mans où les scores de 25 % feront du RU le premier syndicat étudiant du campus manceau[265].[réf. insuffisante]
Face à l’hostilité des groupes d’extrême-gauche un Service d’ordre central (SOC) est créé pour infiltrer les rangs adverses et anticiper les menaces. Le SOC est constitué d'une vingtaine de militants pouvant mobiliser au besoin une seconde ligne d'une centaine de militants, ainsi qu'une troisième ligne constituée de 130 militants supplémentaires. Une cellule médicale composée d'un interne en médecine et de 3 étudiants infirmiers accompagne le SOC[265][réf. insuffisante].
L'Action française dans les années 2000 |
En 1998, Hilaire de Crémiers, alors délégué national, en désaccord avec Pierre Pujo, fait scission et obtient devant les tribunaux le droit de conserver l'appellation Restauration nationale. L'équipe hostile à Hilaire de Crémiers devient alors le Centre royaliste d'Action française (CRAF) et demeure fidèle à Pierre Pujo, alors directeur. L'Action française Hebdo devient L'Action française 2000.
En 2007, Pierre Pujo, président du comité directeur décède, entraînant une recomposition du CRAF et avec elle une nouvelle scission. Ainsi en 2008, deux Camps Maxime Real del Sarte concurrents sont organisés. Cette scission prend pour nom « Dextra » et organise sa propre université d'été[268].
Après une politique de rapprochement mise en place notamment lors du défilé 2010 en mémoire de Jeanne d'Arc et du Camp Maxime Real del Sarte de la même année, la Restauration nationale et le Centre royaliste d'Action française se sont rapprochés, jusqu'à s'exprimer d'une seule voix lors d'une déclaration commune d'Olivier Perceval, secrétaire du CRAF, et de Bernard Pascaud, directeur de la Restauration nationale, donnée le 1er octobre 2010 au siège du CRAF. Ces deux entités, chacune revendiquant l'héritage de l'Action française, gardent toutefois séparés leur mouvement respectif. En 2011, alors que la Nouvelle Action royaliste risque d'être expulsée des locaux qu'elle occupe depuis sa fondation en 1971, le CRAF lui apporte son soutien dans un communiqué publié sur son site[269]. En novembre 2018, le Centre royaliste d'Action française et la Restauration nationale fusionnent pour ne plus former qu'un seul mouvement[270].
L'Action française contemporaine |
Aujourd'hui, l’Action française revendique près de 3 000 militants, avec une hausse de 18 % d’adhérents en 2017 et une croissance de 53 % d’adhérents entre 2013 et 2018[1].
Ligne politique |
Politiquement, l'Action française reste un mouvement royaliste, nationaliste et contre-revolutionnaire. Son objectif est de restaurer « un État souverain exerçant pleinement ses fonctions régaliennes » en France par l'instauration d’une monarchie décentralisée et représentative garante à ses yeux du « juste exercice d’une puissance durable »[271]. Ainsi l'AF prône l'instauration d'une monarchie « adaptée à notre temps qui ne soit pas un retour à un ordre ancien mais une réponse sérieuse aux questions actuelles » avec la famille d'Orléans à sa tête. L'AF soutient également l'idée d'un « compromis royaliste autour de la monarchie »[272].
Tout en relevant qu'« à leur époque, ni la ligue ni son maître à penser, Charles Maurras, ne furent classés à « l'extrême droite », Jean-Yves Camus et Nicolas Lebourg estiment que l'AF relève bien de celle-ci « par sa condamnation sans appel de la démocratie, par son utopie de l'édification d'une communauté organique, par sa définition exclusiviste de l'appartenance à la Nation, par un antisémitisme farouche qui trouve son aboutissement dans le statut des juifs mis en œuvre par le gouvernement de Vichy (1940) et rédigé par un maurrassien, le garde des Sceaux Raphaël Alibert. Mais l'Action française et Maurras ont une influence, et une postérité, bien au-delà de l'extrême droite »[273].
- L'AF s'oppose à l'Union européenne qu'elle décrit comme d'esprit unitariste et utopique. Ainsi, selon ses termes, « l'UE aurait mis en place un système fédéraliste centralisateur », un transfert de souveraineté des nations aux instances européennes. L'absence de régulation par l'État des nouveaux flux et réseaux générés par la mondialisation semble constituer un problème pour l'Action française même si elle souligne que « les flux économiques et financiers ont toujours existé, et qu'aucune souveraineté politique n'a jamais rejeté absolument les échanges. » Face à la crise économique et financière, l'Action française définit dix axes de « salut national » autant de pistes qu'elle juge nécessaires à la France pour une sortie prochaine de cette crise qui est « avant tout intellectuelle et morale » selon elle[réf. nécessaire]. Pour l'historien Christophe Le Dréau, dans un article publié en 2009, l'Action française « trouve, depuis 1992, un nouvel élan de vigueur dans le combat souverainiste et sa participation est loin d’être symbolique et anecdotique »[274].
- Refusant le « système des partis », l'Action française met le salut de la nation au-dessus de tout intérêt individuel et partisan, conformément à son slogan « Tout ce qui est national est nôtre ». De fait, héritière des idées de Charles Maurras, l'Action française reste antiparlementaire. Cependant, sur son site officiel, elle souligne qu'« elle ne saurait se désintéresser des élections, présidentielle et législatives, de 2012, qui, en façonnant l’équilibre politique des cinq années suivantes, conditionneront en grande partie l’avenir du pays. » L'Action française a déclaré souhaiter, dans le cadre de cette élection de 2012, se déterminer en fonction de l'écho de leurs propositions chez tous les candidats déclarés après les leur avoir envoyées.
- La position de l'AF vis-à-vis du Front national semble ambigüe. Ainsi, Pierre Pujo, directeur de l′Action française 2000 jusqu'à sa mort en novembre 2007, soutient la candidature de Jean-Pierre Chevènement[275] à l'élection présidentielle de 2002 tandis qu'il exprime sa sympathie pour Jean-Marie Le Pen dans son dernier éditorial, pour l'élection présidentielle de 2007. Cependant, comme en témoigne son communiqué de presse du 18 avril 2007, l'Action française appelle ses « lecteurs, sympathisants et militants [à] voter pour le candidat de leur choix ou [à] voter blanc »[276].
- Concernant les qualificatifs d'« extrême droite », de « racisme » et d'« antisémitisme », l'AF considère qu'« ils ont pour unique objectif de disqualifier une école de pensée de plus d’un siècle qui a marqué profondément la vie intellectuelle française. » L’AF explique également qu'elle aurait, avec son influence dans les années 1920 « permis de juguler le développement du fascisme en France » à l'appui d'historiens comme François Furet, Pierre Chaunu et Pierre Milza[271].
- Soutenant que la famille est la base de la nation et qu'il ne peut y avoir de mariage qu'entre un homme et une femme, l'AF participe, en 2012 et 2013, à La Manif pour tous et au Printemps français, contre la légalisation du mariage homosexuel, l'adoption d'enfants par des homosexuels, la GPA et la PMA.
Organisation |
L'AF est repartie en fédérations de régions, regroupant des sections locales d'étudiants, de lycéens et des jeunes professionnels. Ces sections diffusent et développent leur pensée dans des « cercles ». Le plus connu de ces cercles est le Cercle de Flore, cercle littéraire parisien public qui fait intervenir toute l’intelligentsia des écrivains conservateur pour parler de leur dernier livre. La plupart des cercles sont plutôt à usage interne et ont pour objectif de former les jeunes membres du mouvements. C'est le cas du cercle Charles Maurras qui réunit la section étudiante parisienne.
À l’échelle nationale, l’AF édite traditionnellement un journal ayant pour particularité d'être diffusé dans la rue par des vendeurs volontaires, militants se formant au débat politique en vendant le journal à la criée. Cependant, le bimensuel L'Action française 2000 édité depuis 1998, cesse de paraître en février 2018, à la suite de problèmes financiers de la société éditrice. Le mouvement politique promet un nouvel organe de presse pour la rentrée universitaire 2018[1].
La principale branche jeune de l'AF est l'Action française étudiante (AFE) qui englobe la plupart du temps les militants étudiants et lycéens. L’AFE représente aujourd’hui un lieu de formation de cadres maurrassiens et participe chaque année au cortège de l’Action Française en l’honneur de Jeanne d’Arc le deuxième dimanche de mai[277]. L'AFE a connu un essor pendant les années 1986-1992 qui furent marquées par un regain d’intérêt pour les idées et l’activisme d’Action Française[278]. On utilise parfois l'appellation Génération Maurras pour désigner ce renouveau de l'Action Française[279] qui touche spécialement les étudiants[278]. L'Action française étudiante était dirigée par Antoine Berth de 2013 à 2015, ancien responsable étudiant d'Ile-de-France de 2011 à 2012. Elle a connu un fort développement sous son mandat, profitant notamment des mobilisations issues l'opposition au mariage homosexuel et à l'homoparentalité en France pour se développer[280]. L'AFE compte aujourd'hui plusieurs centaines de militants principalement répartis entre l'Ile-de-France (Paris, Antony, Asnières, Rambouillet, Versailles), la Provence (Marseille, Aix), l'Aquitaine, la Bretagne (Nantes, Rennes), la Bourgogne (Dijon, Beaune), Clermont-Ferrand et Lyon. À la suite de son engagement étudiant, Berth devient Porte-parole de l'Action française à partir de 2016.
L'AFE, continue d'organiser son université d'été, dans la continuité des camp Maxime-Real del Sarte, depuis 1953[268].
Internet occupe une place importante dans la communication de l'organisation. L'AF est suivi par 11 000 personnes sur Twitter et 24 000 sur Facebook. Le mouvement utilise notamment le mème comme vecteur de diffusion pour ses idées. Il alimente aussi une chaîne Youtube diffusant une série de vidéos politiques avec les codes des youtubeurs[281].
Faits marquants |
En octobre 2011, le CRAF, ainsi que l'AFE, prennent une part importante dans des manifestations contre une pièce de théâtre jugée christianophobe[282], Sul concetto di volto nel Figlio di Dio (« Sur le concept du visage du Fils de Dieu ») du dramaturge et metteur en scène italien Romeo Castellucci, puis participent à la « marche contre la christianophobie » qui suit[283].
L'AF entretient des relations de grande proximité avec le Printemps français. En 2013, dans le cadre de La Manif pour tous, le secrétaire général du mouvement, Olivier Perceval produit une tribune proclamant la création du Printemps français à la suite de laquelle le mouvement apparaît effectivement[284]. L'Action française revendique la formation de cadres de Printemps français, ce qui se vérifie sur le terrain ou les dirigeants régionaux de l'AF y sont souvent impliqués[285]. À la fin des mouvements de La Manif pour tous, le Printemps français sert de succursale de recrutement pour l'AFE en prenant le nom de Printemps royal[286]. Le Printemps royal tient en 2014 un cortège à la manifestation Jour de colère du 26 janvier.
Depuis le mouvement fait parler de lui à de nombreuses reprises, faits dénoncés par Edwy Plenel, le directeur de Mediapart : « L’Action française. Ce laboratoire idéologique de la réaction, hélas non dénué de talent, qui poursuit son travail de subversion[287]. » Jean-Yves Camus pour sa part constate dans La Provence « une nouvelle génération plus activiste et tapageuse »[288].
L'AF fait l'objet de menaces de morts régulières pour son action politique. Au siège parisien une grenade explose en 2013. Dans les locaux de la section marseillaise une grenade et des balles d'AK-47 sont scotchées sur la porte des locaux en septembre 2015[289],[290] et une bombe artisanale explose en juillet 2017[291].
Les différentes actions du mouvement, notamment son regain d'activité dans le Sud-Est, conduisent le député Jean-David Ciot à redemander sa dissolution en décembre 2015[292] et le député Jean-Luc Mélenchon à demander la fermeture du local marseillais en octobre 2017[293].
Le 11 janvier, alors qu'un rédacteur de L'Action française 2000 est annoncé pour un colloque sur le transhumanisme à l'assemblée nationale, des députés de la république en marche se scandalisent de la tenue du colloque[294].
En continuité avec les manifestations d'octobre 2011, le 10 avril 2018, des militants d'Action française manifestent devant le Théâtre des Quinconces au Mans contre la représentation de la pièce de théâtre Sul concetto di volto nel Figlio di Dio. Cette manifestation aura une certaine influence car le Préfet du Mans décidera d'amputer la pièce de 12 minutes de scènes[295].
Affiche de 2018 : Pour que vive la France. Vive le Roi.
Identité visuelle |
Logotype de la Ligue d'Action française de 1905 à 1936.
Logotype de la Ligue d'Action française de 1936 à 1955.
Logotype de Restauratrice nationale de 1955 à 1998.
Logotype du Centre royaliste d'Action française de 1998 à 2009.
Logotype du Centre royaliste d'Action française de 2009 à 2013.
Logotype du Centre royaliste d'Action française depuis 2013.
Notes et références |
Notes |
Maurice Pujo fera une satire de l’Union pour l'Action morale dans sa pièce Les Nuées (le terme est de Maurras).- — Michel Leymarie, Serge Berstein, La Postérité de l'affaire Dreyfus, Presses universitaires du Septentrion, 1998, p. 127.
Robert Paxton écrit ainsi dans Le Fascisme en action (p. 85-86) :
« L'affaire agita la France jusqu'en 1906. Dans le camp des antidreyfusards, qui disaient défendre l'autorité de l'État et l'honneur de l'armée, on trouvait aussi bien des conservateurs que des gens de gauche influencés par les formes traditionnelles du nationalisme anticapitaliste et jacobin et antisémite. […] La nation a le pas sur toutes les valeurs universelles, proclamait l'antidreyfusard Charles Maurras, dont le mouvement, l'Action française, est parfois considéré comme la première forme authentique de fascisme. »
Il ajoute en note :
« Ernst Nolte estime par exemple que l'Action française est le premier des « trois visages », dans son ouvrage Les Trois Visages du fascisme (Paris, Hachette, 1992). À l'appui de sa thèse, il y a le nationalisme, l'antisémitisme, l'antiparlementarisme et l'occasionnel anticapitalisme de mouvement, ainsi que son culte de la jeunesse et de l'action […] ».
Une affiche, reproduite dans L'Action française, no 3, 23 mars 1908, proclame ainsi :
« Seuls les intéressés, les nigauds et les pauvres primaires ignorants peuvent se soustraire à cette évidence : LA RÉPUBLIQUE C'EST LE MAL.
La République est le gouvernement des Juifs, des Juifs traîtres comme Ullmo et comme Dreyfus, des Juifs voleurs comme le baron Jacques de Reinach, des Juifs corrupteurs du peuple et persécuteurs de la religion catholique, comme l’inventeur juif de la loi du divorce et le juif inventeur de la loi de Séparation. »
Robert Paxton, op. cit., poursuit ainsi : « La révélation que le document incriminant Dreyfus était fabriqué de toutes pièces ne troubla pas Maurras, qui le taxa de « faux patriotique ». »
Voir sur ce point la distinction opérée par René Rémond entre l'inspiration libérale de la société et les aspects anticléricaux de la sécularisation : René Rémond, Religion et société en Europe, Le Seuil, 1998. Sur ces derniers, voir Adrien Dansette, Histoire religieuse de la France contemporaine, Flammarion, 1965.
Les deux formules sont de Gérard Cholvy, « Les deux France », dans Histoire religieuse de la France contemporaine, Tome 2, Privat, 1989, p. 172.
Lire toute l'explication sur le site de l'Assemblée nationale.
L'homosexualité masculine lui est incompréhensible même s'il la tolère autour de lui.
Robert Havard de La Montagne écrit que l'Action française voulait alors « inscrire le droit ouvrier dans les lois. Revendication conforme, observe-t-il, à la doctrine royaliste qui condamne ce fléau de la Révolution, le libéralisme économique amenant la toute-puissance de l'argent. »
Et il ajoute : « Réfractaire aux idées révolutionnaires, l'Action française a toujours visé, entre autres, celles qui avaient inspiré le décret Le Chapelier :- « Si, contre les principes de la Liberté et de la Constitution, des citoyens attachés aux mêmes professions, arts et métiers, prenaient des délibérations ou faisaient des conventions tendant à refuser de concert ou à n'accepter qu'à un prix déterminé le secours de leur industrie ou de leurs travaux, les dites délibérations ou conventions, accompagnées ou non de serments, sont déclarées inconstitutionnelles, attentatoires à la Liberté et à la Déclaration des Droits de l'Homme, et de nul effet. »
Contre la « guerre sociale », Maurras voulait en venir à la paix et par conséquent, écrit-il, « à la réalité syndicale, premier germe de l'organisation corporative qui d'elle-même, définit ou suggère un accord : Accord à la fois industriel et moral, fondé sur le genre du travail, inhérent à la personne du travailleur, et qui reconnaît à ceux qui n'ont point de propriété matérielle proprement dite une propriété morale, celle de leur profession ; un droit, celui de leur groupe professionnel. C'est la seule idée, écrivait-il, qui puisse pacifier le travail en lui donnant une loi acceptable pour tous les intéressés. »
Cf. l'affiche reproduite dans L'Action française, no 3, 23 mars 1908.
Charles Humbert proclame :
« Si demain nous avions la guerre, notre corps d‘armée, sur le champ de bataille, serait pourvu de 120 canons de 75 » puis il énumère l’artillerie lourde de l‘Allemagne.
Il finit par dire « Qu’avons-nous à opposer aux obusiers des corps d’armée allemands et à cette formidable artillerie lourde dont je viens de faire l’énumération, et qui, je le répète, est toute moderne, à tir rapide, à grande puissance et munie des derniers perfectionnements ? À peu près rien ! »
Cité dans Martine Sevegrand, Temps présent: une aventure chrétienne, 1937-1992. Un hebdomadaire, 1937-1947, Temps présent, 2006, 323 p., p. 80.
Des milliers de manifestants scandent « À bas les voleurs ! » Ils se conforment pour certains au mot d’ordre lancé par l’Action française dans un tract distribué le 6 février :
« Ce soir, à l’heure de la sortie des ateliers et des bureaux, ils [les Français] se rassembleront devant la Chambre, au cri de “À bas les voleurs !” pour signifier au Ministère et à ses soutiens parlementaires qu’ils en ont assez de ce régime abject. »- — Cité dans les publications de l'Université de Bourgogne
- — Cité dans les publications de l'Université de Bourgogne
Les manifestants de l'Action française seront aussi au premier rang des victimes. L’Action française du 7 février titre : « Après les voleurs, les assassins ! »
L’arrêt Action française est au point de départ de la théorie de la voie de fait. Voir, Rec. Lebon, Tribunal des conflits - 8 avril 1935 - Action Française, p. 1226.
La version des faits est discutée. Ainsi, généralement, l'Action française estime qu'un « écervelé » aurait pu être à l'origine de l'incident. Plusieurs historiens affirment que ce sont des militants d'Action française qui ont agressé Léon Blum.
Eugen Weber, pour sa part, note que « bien que la question précise des responsabilités n'ait jamais été tirée au clair, l'Action française fut mise en cause pour avoir créé le genre de situations où de pareilles violences sur la voie publique étaient possibles. » (op. cit., p. 402).
Ce dernier ouvrage doctrinal compose la synthèse politique, économique et sociale de sa pensée. La préface, intitulée « La politique naturelle », est un manifeste anthropologique qui envisage l’homme comme un être naissant et grandissant au sein de structures d’appartenance qui le relient à la société (famille, métier, commune, paroisse, région, nation) et lui permettent d’accéder à des libertés réelles. La politique considérée comme « naturelle » est celle qui met en œuvre « l’empirisme organisateur », lequel déduit des lois du passé les enseignements de l’avenir.
Du nom de l'expert américain qui l'a mis en place, Owen D. Young.
« Voilà donc notre œuvre d’avertissement terminée. Et terminée par un échec. Échec complet sans doute, échec qui semble sans remède… Mais enfin échec tel que la responsabilité en retombe tout entière sur la République, sur les partis républicains, tous ces partis sans exception ayant ratifié, les royalistes seuls flanqués d’honorables exceptions personnelles, ayant dit carrément, clairement, constamment les paroles pleines de bon sens qu’il était important de dire contre cette ruine de la patrie. » (L'Action française du 6 avril 1930.)
Le 30 août 1939, Maurras écrit à Franco pour qu'il travaille à (?).
Le 13 septembre 1939, son « confrère et ami » Morton Fullerton correspondant du Times, lui écrit une lettre chaleureuse et s’en prend au Deutschzender qui a inventé un texte anglophobe à Maurras lui en attribuant la paternité. Maurras écrit dans L’Action française le 6 novembre 1939 : : « Les dix dernières années ont marqué plus d’une liaison utile entre les Britanniques et nous. On connaît d’habiles traductions de nos œuvres parues à la revue The Criterion. Un professeur de Melbourne a une traduction de L’Avenir de l’Intelligence que l’on dit très exacte. […] Un très grand nombre de mes vers ont été publiés dans The Right Review. […] En 1937, des Anglais de haute distinction ont bien voulu signer la pétition qui me proposait au prix Nobel de la Paix. Il serait absolument incompréhensible que, dans l'état de tels rapports intellectuels, j'aie énoncé les absurdités que me prête le Deutschzender allemande - et en des termes d'une telle grossièreté. » En 1939, le professeur Eccles célèbre Maurras dans la Weekly Review.
Maurras écrit : « Fort de sa mission de Messie humain, ce peuple de Seigneurs, cette race de maîtres, s’entraîne déjà à compter quelles légitimes violences devront être imposées aux mâles des peuples vaincus et quelle hontes pèseront sur leurs femmes et leurs enfants […] Un statut nouveau de l’humanité se prépare, un droit particulier est élaboré : un code de nouveaux devoirs, auprès desquels les pauvres petites corvées et translations pangermanistes de 1918 feront l’effet de jeux d’enfants. Le racisme hitlérien fera assister au règne tout-puissant de sa Horde et dernier gémissement de nos paisibles populations ahuries, il sera contesté que d’aussi révoltantes iniquités puissent être éclairées par notre soleil : - Le soleil du XXe siècle ! Prestige évanoui ! Le soleil est vieux ; ayant tout vu, il est bien pour tout revoir. »
Un peu plus tard, le 25 septembre 1938, il assenait dans l'Action française : « l'affaire actuelle de la Tchécoslovaquie ne nous regarde en rien, ne nous intéresse en rien ».
Parodiant L'Internationale, L'Action française écrit :
« S'ils s'obstinent, ces cannibales,
À faire de nous des héros,
Il faut que nos premières balles
Soient pour Mandel, Blum et Reynaud » (cf. Georges et Édouard Bonnefous, Histoire de la IIIe République, tome VI, « Vers la guerre : du Front populaire à la conférence de Munich, 1936-1938 », PUF, 1965, p. 345).
L'expression vient de Simon Epstein dans son livre Un paradoxe français, qui compare ce pacifisme de droite au pacifisme de gauche : « ce “néo-pacifisme” d’extrême-droite est tactique et conjoncturel », alors que le pacifisme de gauche est « idéologique et structurel » ».
Henri Massis, Maurras et notre temps, Paris, La Palatine, 1961, p. 404.
D'après certaines recherches historiques récentes, les deux dernières tendances (collaborationniste et résistante) seraient dans des proportions presque égales. Olivier Dard, Michel Leymarie, Neil McWilliam, Le maurassisme et la culture : L'action française. Culture, société, politique (III), Presses Universitaires du Septentrion, 2010, 370 p. , p. 294
Voir également cette remarque de Jacques Prévotat, L'Action française, Paris, PUF, « Que sais-je? », 2004, p. 98-99. « Le directeur du journal [l'AF = Maurras] s'enferme dans un schématisme abstrait, détaché du réel concret, mais dont l'orientation, systématiquement favorable au régime de Vichy et hostile à la cause alliée, tourne à une complicité de fait avec l'occupant. Les contemporains ne sont pas dupes. De Londres, où il écrit dans La France libre, Raymond Aron porte, six mois à peine après l'installation du nouveau régime, cette appréciation sur le chef de l'Action française : « M. Maurras, promu doctrinaire officiel du nouveau régime, n'en écrit pas plus aujourd'hui sur la IIIe République qu'il n'en écrivait depuis trente ans. La seule différence est qu'il est désormais gouvernemental et conformiste, qu'il trouve une sorte de jouissance morose dans les malheurs qui accablent notre patrie, parce qu'ils ont liquidé le régime détesté et permis cette « merveille d'État national » que le maréchal Pétain est en train de construire (15 décembre 1940) ».
Le projet de constitution du 30 janvier 1944 que prépara le Maréchal Pétain se voulait d'ailleurs explicitement républicain même s'il renforçait le rôle du chef de l'État, président de la République. Charles Maurras considérait cette orientations préférable à celle du régime précédent et il avait confiance en Philippe Pétain pour ne pas engager militairement la France aux côtés de l'Allemagne, ce que souhaitait les collaborationnistes, mais selon Simon Epstein cela ne suffit pas à faire du régime de Vichy une émanation idéologique de l'Action française.
même si ce dernier rompt violemment avec Maurras et raille l'« Inaction française » en 1942 dans son pamphlet Les Décombres (chapitre VI, p. 111 de l'édition de 1942).
Ainsi, René de Marmande, dreyfusard et collaborateur, ne reniera pas ses combats passés contre Maurras et saluera en janvier 1944 la figure de Jean Jaurès. Il s'est lancé dans la bataille pour Dreyfus parce qu'il était favorable à un rapprochement avec l'Allemagne et hostile à la germanophobie génératrice de guerre pour le continent ; il flétrira cette germanophobie pendant la Seconde Guerre mondiale comme pendant l'affaire l'Action française et Charles Maurras.
L’universitaire Simon Epstein ou l’homme politique Pierre Mendès France ont soutenu que la majeure partie des troupes de l'Action française, surtout les jeunes, furent majoritairement hostiles à l'occupant. Traitant des partis politiques sous l’occupation, Pierre Mendès France observe que toutes les forces politiques se sont scindées en résistants et collaborateurs. Evoquant les maurrassiens, il précise : « L’Action française, sous l’influence directe de Maurras, suit Vichy, mais là encore, la principale partie des troupes a abandonné les chefs. Comme la plupart des anciens Croix-de-Feu, les militants de l’Action française, surtout les éléments jeunes, sont aujourd’hui antiallemands et absolument hostiles à la soumission à l’occupant. »
Stéphane Giocanti qualifie ce chef d'accusation « d'extravagant » dans Maurras. Le chaos et l'ordre, op. cit., p. 468.
Membre de l'Académie des sciences morales et politiques, Jean-Marc Varaut qualifiait ce chef d'accusation d'« imputation aussi absurde que celle faite à Socrate d'avoir corrompu la jeunesse ». Le livre dont cette critique est issue a été couronné par l'Académie française du prix Ève-Delacroix : Poètes en prison, de Charles d'Orléans à Jean Genêt, Paris, Perrin, 1989, p. 219.
Références |
Ouvrages utilisés |
Véronique Auzépy-Chavagnac, Jean de Fabrègues et la jeune droite catholique : aux sources de la Révolution nationale, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Histoire et civilisations », 11 décembre 2002, 465 p. (ISBN 978-2-85939-774-6 et 2859397744, LCCN 2003469096).
p. 23.
Selon Véronique Auzépy-Chavagnac, « la violence, au moins dans la forme, n'est pas l'apanage de l'Action française à l'époque. L'empoignade à la Chambre n'est pas rare […] de même les journaux n'hésitent pas à user de l'injure […]. En bref, la violence verbale et gestuelle faisait alors communément partie de la vie politique. », p. 31.
Ariane hebel d'Appollonia, L'Extrême-Droite en France. De Maurras à Le Pen, Bruxelles, Complexe et PUF, coll. « Questions au XXe siècle », 1987, 1996 (ISBN 978-2-87027-573-3 et 2-87027-573-0, LCCN 97156576).
p. 184.
p. 105.
p. 153.
p. 182.
p. 185.
p. 187.
p. 188. Citation, par Ariane Chebel d'Appolonia, de Colette Peter Capitan, Charles Maurras et l'idéologie de l'Action Française, étude sociologique d'une pensée de droite, Paris, Le Seuil, 1972, p. 167.
Olivier Dard et Michel Grunewald, Charles Maurras et l'étranger, l'étranger et Charles Maurras : l'Action française — culture, politique, societé, vol. II, Berne, Peter Lang, Éditions scientifiques internationales, coll. « Convergences », 2009(ISBN 978-3-0343-0039-1).
p. 32.
Alain Clavien, La découverte, entre rejet et applaudissements, p. 98.
Olivier Dard, Le maurrassisme hors de France avant 1914 : un phénomène limite, p. 31-32.
p. 5.
Michel Grunewald, p. 357.
Stéphane Giocanti, Charles Maurras : le chaos et l'ordre, Paris, Flammarion, coll. « historique », 2006, 575 p. (ISBN 2286028907 et 978-2286028909).
p. 167.
Voir également Michel Winock, La droite depuis 1789 : les hommes, les idées, les réseaux, Seuil, 1995, p. 204 : « Innocent ou coupable, Dreyfus devait être sacrifié à l'intérêt national ».
p. 167.
p. 238.
« Au moment où les Juifs connaissent en effet la pire persécution de toute l'histoire, où ils sont massacrés dans les camps allemands, par des exécutions, des gaz et des maladies (Maurras ignore évidemment tout cela, comme la plupart des Français occupés), il en reste aux vieilles querelles du XIXe siècle, mélange de clichés, d'animosité et de rancunes », écrit Stéphane Giocanti, p. 448.
p. 448.
p. 482.
p. 385. Ainsi, le 18 février 1937 Maurras écrit dans les colonnes de son quotidien : « L'antisémitisme est un mal. Si l'on entend par là cet antisémitisme de peau qui aboutit au pogrom et qui refuse de considérer dans le Juif une créature humaine pétrie de bien et de mal, dans laquelle le bien peut dominer. On ne me fera pas démordre d'une amitié naturelle pour les Juifs bien nés [patriotes]. Mais il est un antisémitisme politique, un « antisémitisme d'État », lequel est excellent, parce qu'il prévoit l'autre et en peut détourner les malheurs ».
p. 386.
p. 408 Vingt quotidiens parisiens et cinquante journaux de province relayèrent son appel.
p. 435.
p. 458-473.
Jacques Prévotat, L'Action française, Paris, Presses universitaires de France, 2 novembre 2004(ISBN 9782130520733 et 2130520731).
p. 78.
p. 52-53.
p. 123.
p. 33.
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Michel Leymarie (éditeur), Jacques Prévotat (éditeur), Jean Vavasseur-Desperriers, André Encrevé, Olivier Forcade, Laurent Joly, Gilles Le Béguec, Michael Sutton, Bénédicte Vergez-Chaignon et al., Action française, culture, société, politique, Villeneuve d'Ascq, Presses universitaires du Septentrion, coll. « Histoire et Civilisation », 17 avril 2008(ISBN 978-2-7574-0043-2 et 2757400436, LCCN 2008420143).
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Rosemonde Sanson, « Les jeunesses d'Action française avant la Guerre », p. 205.
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p. 211.
p. 219-220.
Sur l'alliance avec Poincaré, voir Jean Garrigues, p. 251.
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Jean-François Sirinelli (dir.), Histoire des droites en France, t. I : Politique, Éditions Gallimard, coll. « Tel », 23 novembre 2006, 868 p. (ISBN 2070781860 et 978-2070781867).
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(en) Eugen Weber, Action française: royalism and reaction in twentieth century France, Stanford University Press, 1962, 594 p. (ISBN 9780804701341 et 0804701342).
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Eugen Weber, L'Action française, Paris, Fayard, coll. « Grandes études historiques », 1985(ISBN 978-2-213-01678-8 et 2-213-01678-X).
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p. 388.
p. 402.
p. 401.
p. 414.
p. 428-429.
p. 309.
Cité par Eugen Weber p. 313.
p. 311.
p. 311-312.
p. 312.
p. 157.
p. 322.
p. 316.
p. 317.
p. 318.
p. 469-470. En novembre 1938, lorsque des pogroms sanglants furent déclenchés en Allemagne à la suite de l'assassinat à Paris d'un troisième secrétaire de l'ambassade d'Allemagne par un réfugié juif d'Allemagne, l'AF déclara : « le prestige de la France n'est pas menacé quand on brule une synagogue quelque part. On peut bien les brûler toutes, ce n'est pas notre affaire ». La seule crainte exprimée était : « Espérons que personne ne prendra cela comme un prétexte pour nous inonder de juifs au moment où les derniers arrivés sont un péril mortel pour la France. »
p. 461-462.
p. 463.
p. 328-329.
p. 455.
p. 463-464.
p. 459-460 et suivantes.
p. 320.
p. 328. « Le seul conseil qu'ils pouvaient donner était « d'abord et avant tout, pas de guerre ! Puis, armons, armons, armons nous ! » »
p. 327-328.
p. 461. « Ils étaient si persuadés que la France était faible (parce que sous un gouvernement républicain, il ne pouvait en aller autrement), qu'ils sous-estimaient toujours la puissance de leur pays. »
p. 461.
p. 464.
p. 460.
p. 460. « L'opinion française devait apprendre à reconnaître par quels moyens une faction étrangère menait la France à ce qui, en fin de compte, serait la guerre, non pas faite dans son intérêt propre, mais pour servir les fins de la conspiration internationale ayant pour objectif la ruine de la France ».
p. 319.
p. 467. « Daudet, aussi bien que Maurras, reprenaient à leur compte les arguments de Barthélémy dans Le Temps selon lesquels le traité franco-tchèque de 1925 était partie intégrante du pacte de Locarno. Celui-ci, devenu caduc, n'engageait plus d'aucune façon la France ou l'honneur de la France. Comment pourrait-on reprocher à qui que ce fût d'avoir violé des traités inexistants, demandait Maurras ? »
p. 326.
p. 309, p. 319, p. 469.
p. 469.
p. 470-471.
p. 473.
p. 310.
p. 465.
p. 467.
p. 467. « « La Paix ! La Paix ! La Paix » criait l'Action française du 30 septembre ».
p. 468.
p. 471.
p. 474.
p. 510-511.
« Maurras ne voulait plus rien avoir de commun avec ses anciens amis ou anciens disciples qui s'en allaient sur cette pente glissante » (p. 495).
p. 515.
p. 509 et 515-516.
Eugen Weber mentionne la présence d'« amis » dans des postes qu'il qualifie de « secondaires », comme dans les services de la censure et de l'information, l'Instruction publique, la Légion française des combattants, ou encore à l'École des cadres d'Uriage qui, très nationaliste, fournira après sa dissolution en 1942, « un grand nombre des chefs de la Résistance dans le Sud-Est » (p. 488).
Ernst Nolte et Eugen Weber ont pris au mot Maurras, et comparé son procès à celui de Dreyfus ; Weber écrit : « Ici encore, le Tribunal était exceptionnel et loin de raffiner sur le légalisme ; ici également, la culpabilité se présupposait, la condamnation était une conclusion atteinte d'avance ; ici également, des documents importants furent écartés ; jusqu'à l'accusation d'intelligence avec l'ennemi qui était la même et, juridiquement, aussi peu fondé. » Cependant, « si le verdict dans les deux cas fut un verdict de circonstances, de convenance, d'un point de vue « métajuridique » les accusations, dans la seconde affaire, se trouvaient réellement fondées » (p. 520).
Autres sources utilisées |
« Action française 2000 ne paraîtra plus », sur valeursactuelles, 2 février 2018.
Mickaël Herzlikowicz-Bar Zvi, dans Pierre Boutang, Dossiers H, 2002, p. 43.
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Jacques Prévotat, « L’Action française et les catholiques. Le tournant de 1908 », Mil neuf cent. Revue d'histoire intellectuelle, no 19, 2001, p. 119-126 (ISBN 978-2-912338-18-1).
Robert Havard de La Montagne, Histoire de l'Action française, Amiot-Dumont, Paris, 1950.
Michel Winock, Histoire de l'extrême droite en France, éditions du Seuil, Paris, 1993, p. 98.
François Chaubet, « L'Union pour l'action morale et le spiritualisme républicain (1892-1905) », Mil neuf cent. Revue d'histoire intellectuelle, no 17, 1999, p. 67-89.
L'Histoire de l'affaire Dreyfus de 1894 à nos jours de Philippe Oriol (Les Belles Lettres, 2014, p. 827) montre toutefois que Pujo tenta à la création de la Ligue de la patrie française de lui donner le nom d'Action française, nom que Marcel Dubois et Maurice Barrès refusèrent.
Stéphane Blanchonnet, Petit dictionnaire maurrassien, Lyon, Nouvelle Marge, 2017(ISBN 9782955620021).
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François-Marin Fleutot et Patrick Louis, Les Royalistes - Enquête sur les amis du Roi, éd. Albin Michel, 1989, p. 15.
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Louis Capéran, L'Invasion laïque. De l'avènement de Combes au vote de la Séparation, Desclée de Brouwer, 1935.
Raïssa Maritain, Les Grandes Amitiés, Bruges, 1949(ISBN 2845730322), p. 396 et sq..
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Site de l'Assemblée nationale.
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Pierre Nora, art. cit.
Encyclopædia Universalis, Tome 1, 1985, p. 228. Il ajoute cependant que l'Action française « verse trop souvent dans l'outrance et l'injure ».
Jean-François Sirinelli, Génération intellectuelle : Khâgneux et normaliens dans l'entre-deux-guerres, Fayard, 1988, chapitre VIII, « Le Quartier latin dans les années 1920 », p. 219-241.
Maurice Rieuneau, Guerre et révolution dans le roman français de 1919 à 1939, Slatkine, 2000, 627 p., p. 243.
Brasillach et Maulnier sont de la promotion Lettres 1928 ; voir notamment l'ouvrage autobiographique de Brasillach, Notre avant-guerre, Plon, 1941.
Paul Renard, L'Action française et la vie littéraire (1931-1944), Presses univ. Septentrion, 2003, 216 pages, p. 23, note 11.
Les catholiques qui promeuvent une telle violence au cours des manifestations la justifient en l'apparentant à celle utilisée par Jésus-Christ quand il chassait les marchands du Temple.
Laurent Joly, « Les débuts de l’Action française (1899-1914) ou l’élaboration d’un nationalisme antisémite », Revue historique, no 639, 2006/3, p. 695-718.
L'association Marius Plateau – Anciens combattants d'Action française », Almanach de l'Action française, 1931, p. 499-500.
L'Action française, 24 mai 1927, "Le banquet des médecins d'Action française", L'Action française, 16 février 1928, Ibid., 19 avril 1929 ( discours de Guérin, du docteur Specklin de Mulhouse, du professeur Pierre Mauriac mais aussi de René Benjamin, comme l'année précédente, et Charles Benoist. Sur les raisons de l'adhésion des médecins, cf. Cf. Bénédicte Vergez-Chaignon, « Les milieux médicaux et l'Action française », dans Michel Leymarie (dir.), Jacques Prévotat (dir.), L'Action Française. Culture, société, politique, Presses Universitaires du Septentrion, 2008.
D'où sans doute l'absence de banquet cette année-là. Guérin, ancien interne des hôpitaux de Paris, médecin hospitalier, auteur d'une thèse de médecine dédicacée à Maurras en 1928 ( l'État contre le médecin ) était secrétaire du groupement médical de l'AF, président de la section du XVIIIe arrondissement et vice-président de la Fédération de Paris. Il quitte la ligue à la suite de dissensions internes, à la suite du docteur Henri Martin (activiste). Collaborateur du Médecin, il anime ensuite les pages médicales de Candide et de Je suis partout jusqu'en 1944 - il y dénonce ses confrères juifs sous l'Occupation -, adhère au Parti populaire français, préside sous l'Occupation le groupement sanitaire corporatif français et est victime d'un attentat en 1943: Eugen Weber, L'Action française, Stock, 1962, p. 306-307, Le dossier Rebatet, Robert Laffont, 2015, p. 84 ( Lucien Rebatet le décrit ainsi dans Les Décombres: « Personnage universel, cagoulard magnifiquement barbu, révolutionnaire de la meilleure trempe, homme d'action autant que de savoir, l'un des plus remarquables phtisiologues de Paris, excellent journaliste, orateur vigoureux, l'un des chefs désignés pour une refonte vraiment nationale et sociale de sa corporation, comme par hasard l'un de ces anciens militants royalistes, trp doués et ardents pour n'avoir pas encouru l'ostracisme de Maurras » ), « Le docteur Guérin est grièvement blessé par deux terroristes », Le Petit Parisien, 28 septembre 1943.
Cf. la page Noël Fiessinger.
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BFMTV, « Une pièce de théâtre censurée par la préfecture du Mans », sur BFMTV (consulté le 18 novembre 2018)
Annexes |
Articles connexes |
Presse | Organisation | Personnalités | Affaires et scandales | Autres |
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Revue d'Action française | Camelots du roi | Charles Maurras, Henri Vaugeois, Maurice Pujo | Affaire Dreyfus, Affaire Thalamas | Monarchisme en France, Royalisme, Orléanisme |
L'Action française | Cercle Fustel de Coulanges | Jacques Bainville, Paul Bourget | Affaire Stavisky | Non-conformistes des années 30 |
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Aspects de la France | Action française lycéenne, Restauration nationale | Pierre Pujo | Réaction |
Liens externes |
Site officiel du Centre royaliste d'Action française et du bimensuel L'Action française 2000.
Maurras.net contient une bibliothèque qui reprend divers textes autour de l'Action française et de son histoire.
Textes sur l'affaire Dreyfus et l'Action française.
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- Cédric Gruat, « 1936 : l’agression filmée de Léon Blum ».
Maison-Musée Charles Maurras à Martigues.
Bibliographie |
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Études historiographiques |
Pierre Boutang, Maurras, la destinée, l'œuvre, Éd. La Différence, 1994, 693 p.
Robert Havard de La Montagne, Histoire de l'Action française, Éd. Amiot-Dumont, coll. Archives d'Histoire contemporaine, Paris, 1950, 251 p.
René Rémond, « L'Action française », Les Droites en France, Éd. Aubier-Montaigne, collection historique, 1982, p. 169-180.
Paul Renard, L'Action française et la vie littéraire (1931-1944), Presses universitaires du Septentrion, coll. « Perspectives », 2003.
Études historiques |
- Collectif, « L'Action française, les grandes heures de la Ligue », revue Codex, numéro 4, éditions CLD, été 2017. Dossier sous la direction de Jacques Prévotat avec Olivier Dard, Christian Sorrel, Florian Michel, Antoinette Castelnuovo, François Huguenin.
Ariane Chebel d'Appollonia, L'extrême-droite en France, Bruxelles, Éd. Complexe, coll. « Historiques », 1996 (réimpr. 1999), 520 p. (ISBN 978-2-87027764-5 et 2-87027764-4).
Olivier Dard, Michel Grunewald, Charles Maurras et l'étranger, l'étranger et Charles Maurras — L'Action française : culture, politique, société, Volume 2, Peter Lang, Berne, 2009, 432 p.
Olivier Dard, Michel Leymarie, Neil McWilliam, Le maurrassisme et la culture — L'Action française : culture, politique, société, Volume 3, Presses Universitaires du Septentrion, Paris, 2010, 370 p.
Olivier Dard, Nathalie Sévilla (dir.), Le phénomène ligueur sous la IIIe République, Metz, Centre Régional universitaire lorrain d'histoire, 2008.
Olivier Dard, Charles Maurras : le maître et l'action, Paris, Armand Colin, coll. « Nouvelles biographies historiques », 2013, 352 p. (ISBN 978-2-200-24347-0, présentation en ligne), [présentation en ligne].
Simon Epstein, Un paradoxe français : antiracistes dans la Collaboration, antisémites dans la Résistance, Paris, Albin Michel, coll. « Bibliotheque histoire », 15 mars 2008, 622 p. (ISBN 978-2-22617915-9 et 2-22617915-1).
Jean-Paul Gautier, La Restauration nationale : Un mouvement royaliste sous la Ve République, préface de Nonna Mayer, Paris, Syllepse, 2002.
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Stephen Wilson (trad. Malvine Evenson), « La France et l'étranger : aspects du nationalisme de l'Action française », Revue d'histoire moderne et contemporaine, Paris, Armand Colin, t. XX, juillet-septembre 1973, p. 464-479 (lire en ligne).
Michel Winock, Histoire de l'extrême droite en France, Paris, Seuil, coll. « Points Histoire », 2 novembre 1994(ISBN 978-2-02023200-5 et 2-02023200-6).
Essais |
Stéphane Giocanti, Maurras – Le chaos et l'ordre, Flammarion, 2006.
Stéphane Giocanti (dir.) et Axel Tisserand (dir.), Charles Maurras, Paris, Herne, coll. « Les Cahiers de l'Herne », 5 octobre 2010(ISBN 978-2-85197163-0).
Pierre Gouirand, Tocqueville et l'Action française, Apopsix, 2013(ISBN 978-2-35979-071-9).
François Huguenin, À l'école de l'Action française : un siècle de vie intellectuelle, Paris, J.-C. Lattès, 1998, 637 p. (ISBN 978-2-70961765-9 et 2-70961765-X, OCLC 40544461, LCCN 99164437).
Études sociologiques |
Colette Capitan, Charles Maurras et l'idéologie d'Action française. Étude sociologique d'une pensée de droite, Paris, Éditions du Seuil, « Esprit. La Condition humaine », 1972.
Ouvrages et articles en langues étrangères |
(en) Eugen Weber, Action française: royalism and reaction in twentieth century France, Stanford University Press, 1962, 594 p.
Colloques évoquant l'Action française |
- Colloques Charles Maurras organisés par Victor Nguyen (1936-1986) et Georges Souville, Aix-en-Provence, 1968-1976.
Communication au colloque L'éloquence politique en France et en Italie, des années 1870 à nos jours, organisé par l'Université de Paris-X-Nanterre avec la collaboration de l'École française de Rome, octobre 1998.- Colloque L'Action française : culture, société, politique, organisé à Paris, dans le cadre du Centre d’histoire de Sciences Po, avec le concours de l’Institut de recherches historiques du Septentrion (IRHIS) et du Comité d’histoire parlementaire et politique (CHPP). Sous la direction de Jacques Prévotat et Michel Leymarie. Préparation de René Rémond. 21-23 mars 2007.
Résumé par Tony Kunter.
- Colloque L’Action Française et l’étranger, organisé par Olivier Dard, Metz, 2008.
- Colloque Le maurrassisme et la culture. L’Action française. Culture, société, politique (III), sous la direction d'Olivier Dard, Michel Leymarie et Neil McWilliam. Organisé dans le cadre du Centre d'histoire de Sciences Po avec le concours de l'Institut de recherches historiques du Septentrion (IRHIS), du Centre régional universitaire lorrain d'Histoire (CRULH, Metz) et de l'université Duke, 25-27 mars 2009, Paris.
- Colloque Jacques Bainville 2009 organisé les 13 et 14 mai 2009 à l’université Paul-Verlaine – Metz avec le soutien de la Maison des sciences de l’homme Lorraine ainsi que du Centre régional universitaire lorrain d’histoire et du Centre d’études germaniques interculturelles de Lorraine. Actes du colloque dans Olivier Dard (dir.) et Michel Grunewald (dir.), Jacques Bainville profils et recéptions, Bern, Lang, coll. « Convergences » (no 57), 2010, 268 p. (ISBN 978-3-03430364-4).
- Plusieurs autres colloques.
Filmographie |
Philippe Prévost, éclaircissements autour de son ouvrage Autopsie d'une crise politico-religieuse, Condamnation de l'Action française, 1926-1939, réalisation de TVHL, novembre 2009. Selon Émile Poulat, qui réfute la thèse de Philippe Prévost, cet ouvrage est indispensable par les archives qu'il a consulté mais « reste dans la tradition militante de l'Action française, indifférent ou insensible aux règles et aux exigences universitaires » et n'est pas assez fidèle à la méthode historique, ignorant des travaux importants et reposant sur des considérations partielles[1].- Archives de l'INA, Reportage sur Le procès de Charles Maurras tel que présenté aux Actualités françaises, 1er janvier 1945.
- France 5, Reportage, Quand l'extrême droite résistait, 1939-1945 , 3 décembre 2017.
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Émile Poulat, « Le Saint-Siège et l'action française, retour sur une condamnation », Revue française d'histoire des idées politiques, no 31, janvier 2010, p. 141-159 (lire en ligne).