Thérapie de conversion
Une thérapie de conversion, parfois appelée thérapie de réorientation sexuelle ou bien encore thérapie réparatrice par ses défenseurs, est un ensemble de traitements pseudo-scientifiques d'origines diverses utilisés dans le but controversé de tenter de changer l'orientation sexuelle d'une personne de l'homosexualité ou de la bisexualité à l'hétérosexualité. Il n'existe en fait aucune preuve fiable que l'orientation sexuelle peut être changée, et des organisations médicales signalent que ces thérapies inefficaces sont potentiellement dangereuses[1],[2],[3].
Sommaire
1 Histoire
2 Principes de la thérapie de conversion
3 Mouvement d'interdiction des thérapies de conversion
4 Groupes partisans de la thérapie de conversion
5 Dans les œuvres de fiction
6 Voir aussi
7 Références
Histoire |
L'homosexualité a longtemps été considérée par le corps médical comme une maladie mentale. Conséquemment, plusieurs thérapies de conversion ont vu le jour un peu partout dans le monde, par exemple par les sexologues William Masters et Virginia Johnson.
En 1973, pour des raisons politiques[4] et à la suite d'importantes pressions de groupe homophiles[5],[6], l'Association américaine de psychiatrie propose de substituer au diagnostic d'homosexualité celui de « perturbation de l'orientation sexuelle » dans le manuel américain de classification des maladies mentales (DSM). Dans la prise de position initiale de son Conseil d'administration, l'Association précise[7] :
« Whereas homosexuality per se implies no impairment in judgment, stability, reliability, or general social or vocational capabilities, therefore, be it resolved that the American Psychiatric Association deplores all public and private discrimination against homosexuals in such areas as employment, housing, public accommodation, and licensing, and declares that no burden of proof shall be placed upon homosexuals greater than that imposed on any other persons. »
— p. 497
Un référendum est tenu sur cette question auprès des psychiatres membres qui l'emporte à 58%. Le même changement survient beaucoup plus tard dans le classement de l'Organisation mondiale de la santé (Classification internationale des maladies) où l'homosexualité est retirée des maladies mentales en 1992. La Chine fait de même le 20 avril 2001[8].
Principes de la thérapie de conversion |
Jusqu'au milieu des années 90, les techniques utilisées dans les thérapies de conversion ont suivi mimétiquement celles utilisées dans le traitement des paraphilies.
Comme pour certains troubles psychiatriques, des techniques médicales agressives telles que la lobotomie et la sismothérapie auraient été expérimentées[9], durant la première partie du 20e siècle, pour tenter des changer l'orientation sexuelle de patients avec sensiblement la même inefficacité. Du côté de la psychanalyse, qui a dominé la psychothérapie durant la même période, Sigmund Freud entretenait une ambivalence face à l'homosexualité parce que, suivant sa théorie, l'homosexualité constituait une composante normale de la sexualité humaine et l'attirance exclusive pour les personnes de même sexe n'apparaissait pas toujours cliniquement intriquée dans des conflits précoces. Cette ambivalence s'exprimait déjà en 1903 (voir Menahem 2003[10]), mais en 1935, Freud l'écrit de sa propre main dans une lettre, aujourd'hui célèbre[11], à la mère d'un jeune homosexuel où il dédramatise explicitement le diagnostic en invitant sa correspondante à ne pas considérer l'homosexualité de son fils comme une « maladie ».
Les thérapies de conversion proprement dites apparaissent spécifiquement durant les années 60 à la faveur de l'élargissement des thérapies comportementales aux dysfonctions sexuelles. Les modalités reposent essentiellement sur les techniques aversives. Il s'agit de coupler un stimulus à contenu homosexuel (par exemple des image d'hommes nus) à un stimulus qui provoque des sensations déplaisantes (douleur, nausée, etc.). Après plusieurs répétitions, le stimulus sexuel à contenu homosexuel devient un stimulus conditionnel qui déclenche automatiquement une réponse d'anxiété chez le patient. Le stimulus aversif le plus souvent utilisé était le choc électrique[12] (de faible intensité) administré sur le mollet, mais des stimuli olfactifs (ammoniaque) leur sont préférés par certains expérimentateurs[13]. Les techniques aversives sont parfois aussi combinées à des techniques de rétroaction biologique qui consistent à équiper le sujet d'un instrument de mesure de l'excitation sexuelle et à intercaler un signal lumineux pour avertir le patient que son niveau d'excitation était trop élevé avant de l'exposer au stimulus aversif. De façon concomitante, le procédé consiste, ensuite, à présenter des stimuli sexuels alternatifs (par exemple des images de femmes nues) et de les associer à des sensations plaisantes soit par simple disparition de la douleur, soit, le plus souvent, en invitant le patient à se masturber jusqu'à l'orgasme. Différentes autres variantes de techniques visant à augmenter l'excitation face à des stimuli hétérosexuels ont été expérimentées[14],[15].
Au-delà des enjeux éthiques, la mesure de l'efficacité de ces techniques a été elle-même très discutée. Les auteurs s'entendent pour reconnaître que ces techniques se sont montrées capables de réduire l'excitation sexuelle déclenchée par des stimuli à contenu homosexuel[16],[17],[18], mais elles n'ont pas entraîné efficacement une augmentation de la réponse à des stimuli hétérosexuels et certainement pas transformé des homosexuels exclusifs en hétérosexuels[19].
Mouvement d'interdiction des thérapies de conversion |
Ces traitements sont une source de controverse dans de nombreux pays. Depuis 1999, un mouvement s'est engagé à travers le monde, visant à interdire les thérapies de conversion[20]. L'île de Malte[21],[22], le Brésil et la Chine l'interdisent déjà, de même que certaines provinces canadiennes[23] et certains états américains. Le Royaume-Uni[24] et l'État fédéral américain [25] débattent également de l'interdiction de ces thérapies. Elles ne sont pas condamnées en France, et leur implantation est difficile à évaluer[22].
La Société américaine de psychiatrie a condamné le « traitement psychiatrique, tel que la thérapie de réparation ou de conversion, basé sur l'hypothèse que l'homosexualité en soi est une maladie mentale ou basé sur l'hypothèse que le patient doit changer son orientation sexuelle »[26]. Elle ajoute que « les psychanalystes éthiques n'essaient pas de changer l'orientation sexuelle d'un individu »[27].
L'Organisation des Nations Unies s'est prononcée en 2015 contre les conversions de thérapies et les autres traitements indignes auxquels sont soumises les personnes LGBT[28]. Le rapport annuel sur les droits fondamentaux dans l'Union européenne adopté en 2018 « se félicite des initiatives interdisant les thérapies de conversion pour les personnes LGBTI.[29] »
En Suisse, les autorités considèrent les thérapies de conversion illégales, mais aucune loi spécifique ne les interdit.[30],[31] Les États et territoires dans la liste suivante interdisent ce type de thérapie, mais certaines de ces lois/décrets ne s'appliquent qu'aux professionels de la santé. D'autres, en revanche, s'étendent également aux groupes religieux. De plus, un grand nombre de villes et comtés américains et canadiens ont promulgué des ordonnances interdisant les thérapies de conversion (entre autres, New York, Miami, Philadelphie, Vancouver, Cincinnati, Pittsburgh, Rochester, le comté d'Érié, etc.).
État/Territoire | Date d'interdiction |
---|---|
Brésil | 1er janvier 1999[33] |
Samoa | 2 février 2007[34] |
Argentine | 3 décembre 2010[35] |
Fidji | 31 décembre 2010[36] |
New Jersey | 19 août 2013[37] |
Californie | 29 août 2013[38] |
Équateur | 10 août 2014[39] |
Chine | 19 décembre 2014[40] |
Washington, D.C. | 11 mars 2015[41] |
Oregon | 18 mai 2015[42] |
Manitoba | 22 mai 2015[43] |
Ontario | 4 juin 2015[44] |
Illinois | 1er janvier 2016[45] |
Murcie | 1er juin 2016[46] |
Vermont | 1er juillet 2016[47],[48] |
Malte | 5 décembre 2016[49] |
Communauté de Madrid | 1er janvier 2017[50] |
Victoria | 1er février 2017[51] |
Nouveau-Mexique | 7 avril 2017[52] |
Valence | 12 avril 2017[53] |
Connecticut | 10 mai 2017[54] |
Rhode Island | 19 juillet 2017[55] |
Nevada | 1er janvier 2018[56] |
Andalousie | 4 février 2018[57] |
Taïwan | 22 février 2018[58] |
Washington | 7 juin 2018[59] |
Hawaï | 1er juillet 2018[60] |
Delaware | 23 juillet 2018[61] |
Maryland | 1er octobre 2018[62] |
Nouvelle-Écosse | 11 octobre 2018[63] |
New Hampshire | 1er janvier 2019[64] |
Groupes partisans de la thérapie de conversion |
Les plus fervents partisans de la thérapie de conversion sont principalement des groupes de fondamentalistes chrétiens et d'autres organisations religieuses d'extrême droite[65]. Lors d'un vote du 1er mars 2018 au Parlement européen, 29 eurodéputés français, majoritairement du Front national, n'ont pas voté en faveur de l'interdiction de ces méthodes (plusieurs eurodéputés Les Républicains se sont abstenus[66]).
Dans les œuvres de fiction |
Dans la première saison de la série Queer as Folk, un groupe prônant la thérapie de conversion est présenté dans les épisodes 11 à 13[67],[68],[69]. Ces épisodes donnent un exemple de situation pouvant conduire une personne homosexuelle à rejoindre un tel groupe, un aperçu des méthodes, et leurs résultats.
Voir aussi |
- Thérapie par aversion
- Ex-homosexuel
- Elizabeth Moberly
- Hétérosexualité forcée
Références |
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « Conversion therapy » (voir la liste des auteurs).
(en) Cet article est partiellement ou en totalité issu de l’article de Wikipédia en anglais intitulé « List of U.S. jurisdictions banning conversion therapy for minors » (voir la liste des auteurs).
(en) Douglas C. Haldeman, « The Pseudo-science of Sexual Orientation Conversion Therapy », Angles: The Policy Journal of the Institute for Gay and Lesbian Strategic Studies, décembre 1999(lire en ligne)
(en) JM Glassgold, « Report of the American Psychological Association Task Force on Appropriate Therapeutic Responses to Sexual Orientation » [PDF], American Psychological Association, 1er août 2009
(en) « General Medical Council supports Memorandum on conversion therapy in the UK », janvier 2015
(en) Ronald Bayer, Homosexuality and American Psychiatry: The Politics of Diagnosis, Princeton University Press, 1987, 249 p.
Beltrami É.; Couture, N. & Boulet, R., « Chapitre 23, Homosexualités », In Psychiatrie clinique, approche bio-psycho-sociale, 1988, p. 654-678 (ISBN 2-89105-294-3).
Malick Briki, Psychiatrie et homosexualité, Presses Universitaire de Franche-Comté, 2009, 232 p. (ISBN 978-2-84867-251-9).
(en) « Position Statement on Homosexuality and Civil Rights » (consulté le 4 janvier 2017).
Pierre Hurteau, Homosexualités masculines et religions du monde, éditions L'Harmattan, 2010.
Malick Briki, Psychiatrie et homosexualité. Malick Briki., Presse universitaire de Franche-Comté.
Ruth Menahem, « Désorientations sexuelles. Freud et l’homosexualité », Revue française de psychanalyse, 67(1), 2003(lire en ligne)
(en) « Lettre du 9 avril 1935 », letters of note (consulté le 3 avril 2017)
(en) Bancroft, J., Marks, I., « Electric aversion therapy of sexual deviations », Proceedings Royal Society of Medicine. (61), 1968, p. 796 -799
(en) Colson, S., « Olfactory aversion therapy for homosexual behavior. », Journal of Behavior Therapy and Experimental Psychiatry, 3, 1972, p. 185 - 187.
(en) Barlow, D., « Increasing heterosexual responsiveness in the treatment of sexual deviation: A review of the clinical and experimental evidence. », Behavior Therapy. 4, 1973, p. 655 - 671
Proulx J., « La modification des préférences sexuelles », In Les agresseurs sexuels,Théorie évaluation et traitement. Ed. De la Chenelières, 1993, p. 134-40
(en) Bancroft J., « A comparative study of aversion and desensitization in the treatment of homosexuality. », in Burns LE (ed): Behavior Therapy in the 1970s. Bristol, England, John Wright & Sons Ltd,, 1970, p. 12-33
(en) McConaghy, N., « Aversion therapy of homosexuality: Measures of efficacy. », American Journal of Psychiatry. 127(9), 1971, p. 1221 - 1224.
(en) Callahan, E., Leitenberg, H., « Aversion therapy for sexual deviation: Contingent shock and covert sensitization. », Journal of Abnormal Psychology 81, 1973, p. 60 -73
(en) Seligman, M.E.P., What You Can Change and What You Can't: The Complete Guide to Self Improvement, Knopf, 1993
Existe-t-il encore des « thérapies » pour rendre les homosexuels hétéros ?
(en) Ban therapy to convert gays, says MGRM head - ministry looks at legislation
« En France, l’interdiction des «thérapies» de conversion n'est pas pour tout de suite », Libération, 21 janvier 2017(lire en ligne)
« Fin des « thérapies de conversion » en Ontario », sur Radio-Canada, 5 juin 2015(consulté le 27 février 2017)
Au Royaume-Uni, des députés inquiets des "thérapies" pour les homosexuels
USA: Obama veut la fin des thérapies de conversion pour les homosexuels
(en) « Therapies Focused on Attempts to Change Sexual Orientation (Reparative or Conversion Therapies) - position statement », sur psych.org, Société américaine de psychiatrie, mars 2000(consulté le 16 septembre 2013) : « psychiatric treatment, such as reparative or conversion therapy which is based upon the assumption that homosexuality per se is a mental disorder or based upon the a priori assumption that the patient should change his/her sexual homosexual orientation. »
(en) Jason Cianciotto et Sean Cahill, « Youth in the crosshairs: the third wave of ex-gay activism », sur thetaskforce.org, New York: National Gay and Lesbian Task Force Policy Institute, 2006(consulté le 16 septembre 2013) : « Ethical practitioners refrain from attempts to change individuals' sexual orientation. »
(en) « Citing ‘pervasive abuse,’ new UN report presents recommendations on protecting LGBT rights », sur news.un.org, 1er juin 2015 : « End abusive therapies and treatments to which LGBT people are often subjected -- including so-called "conversion” therapy, forced sterilization of transgender persons and certain medical procedures on intersex children. »
« Rapport sur la situation des droits fondamentaux dans l’Union européenne en 2016 », sur www.europarl.europa.eu, 13 février 2018
« Interpellation 16.3073: Interdiction et punissabilité des thérapies visant à "traiter" l'homosexualité chez des mineurs »
«L’Etat doit tout faire pour interdire ces pratiques»
Site internet Equaldex
(en) Should Brazil Legalize 'Conversion' Therapy?
(en) Mental Health Act 2007
(es) « LEY NACIONAL DE SALUD MENTAL Nº 26657 », Ministre de la Santé
(en) Mental Health Decree 2010
(en) Supreme Court rejects appeal of gay conversion therapy ban
Etats-Unis: la Californie, premier Etat à interdire les "thérapies gay"
Código Orgánico Integral Penal
Une clinique qui prétendait «soigner» l’homosexualité condamnée en Chine
(en) D.C. bans gay conversion therapy of minors
(en) Kate Brown signs bill banning 'conversion therapy' for LGBT youth
(en) Manitoba works to ban conversion therapy for LGBT youth
Fin des « thérapies de conversion » en Ontario
(en) Illinois Bans Gay Conversion Therapy For LGBT Youths
(es) Ley 8/2016, de 27 de mayo, de igualdad social de lesbianas, gais, bisexuales, transexuales, transgénero e intersexuales, y de políticas públicas contra la discriminación por orientación sexual e identidad de género en la Comunidad Autónoma de la Región de Murcia.
(en) LGBTI kids are now protected from conversion therapy in Vermont
(en) Vt. Law Bans Anti-Gay ‘Therapy’
(en) Gay conversion therapy is now illega
(es) Ley 3/2016, de 22 de julio, de Protección Integral contra LGTBIfobia y la Discriminación por Razón de Orientación e Identidad Sexual en la Comunidad de Madrid
(en) Health Complaints Bill 2016
(en) New Mexico becomes latest state to ban conversion therapy for minors
(es) Ley 8/2017, de 7 de abril, de la Generalitat, integral del reconocimiento del derecho a la identidad y a la expresión de género en la Comunitat Valenciana
(en) Connecticut Bans Conversion Therapy for LGBT Youth
(en) Rhode Island Governor Signs Bill Into Law Protecting LGBTQ Youth From Harmful Conversion Therapy
(en) Nevada governor signs bill to ban conversion therapy
(es) Ley 8/2017, de 28 de diciembre, para garantizar los derechos, la igualdad de trato y no discriminación de las personas LGTBI y sus familiares en Andalucía
(zh) « 衛生福利法規檢索系統 - 衛部醫字第1071660970號 », Ministre de la Santé, 22 février 2018
(en) Washington state has banned gay ‘cure’ therapy for minors
(en) Hawaii governor signs law banning gay conversion therapy
(en) Delaware bans gay ‘cure’ therapy on children
(en) MARYLAND JOINS 10 OTHER STATES IN BANNING GAY CONVERSION THERAPY FOR MINORS
Sexual Orientation and Gender Identity Protection Act - Bill 16
(en) GOP New Hampshire governor signs law banning gay conversion therapy
(en) Kenji Yoshino, « Covering », Yale Law Journal, vol. 111, no 769, 2002, p. 800 (lire en ligne)
« Thérapies de conversion » des homosexuels : quels eurodéputés ont changé leur vote ? sur lemonde.fr du 9 mars 2018
(en) « "Queer as Folk" Episode #1.11 (TV Episode 2001) - IMDb » (consulté le 21 septembre 2013)
(en) « "Queer as Folk" Episode #1.12 (TV Episode 2001) - IMDb » (consulté le 21 septembre 2013)
(en) « "Queer as Folk" Episode #1.13 (TV Episode 2001) - IMDb » (consulté le 21 septembre 2013)
- Portail LGBT
- Portail de la sociologie
- Portail de la sexualité et de la sexologie
- Portail de la médecine
- Portail de la psychologie
- Portail du scepticisme rationnel